Depuis toujours, les scientifiques tentent d’élucider l’énigme des origines de l’Univers. Pourquoi est-il apparu ? Et comment la vie a-t-elle émergé ? Ni la relativité générale, ni la mécanique quantique, ni même l’énergie noire ne parviennent à fournir une réponse définitive. Elles décrivent notre monde, mais n’en dévoilent pas l’origine. Et si, en réalité, nous évoluions au sein d’un immense programme informatique, hébergé sur un ordinateur quantique ? Il y a peu, un chercheur a proposé une expérience pour trancher cette question.
Les technologies de stockage d’informations numériques ont profondément changé notre société. En informatique, les données sont enregistrées sous forme de bits – des 1 et des 0. Leur production exponentielle semble inéluctable, au point que, dans 150 ans, le nombre total de bits créés pourrait surpasser celui des atomes présents sur Terre.
En 1961, le physicien Rolf Landauer avait proposé une hypothèse audacieuse : un bit d’information possède une réalité physique et est associé à une énergie définie. Ce postulat, désormais validé expérimentalement, est connu sous le nom de principe de Landauer.
À partir de cette base, une théorie issue de la physique de l’information suggère que ni l’espace-temps ni la matière ne sont des éléments fondamentaux. À l’inverse, la réalité serait constituée de bits d’information qui, par leur organisation, feraient émerger notre perception de l’espace et du temps, à l’image de la température qui émerge du mouvement collectif des atomes. Cette vision radicale implique que notre expérience du monde ne serait qu’une simulation informatique.
En 2022, Melvin Vopson, chercheur à l’Université de Portsmouth, a formulé une hypothèse encore plus audacieuse : l’information constituerait un cinquième état de la matière, aux côtés du solide, du liquide, du gaz et du plasma. Selon lui, la matière noire, encore insaisissable, pourrait en réalité être de l’information.
Ce postulat, baptisé principe d’équivalence masse-énergie-information (M/E/I), propose une approche expérimentale pour tester l’hypothèse d’un univers simulé. Dans une étude parue dans AIP Advances, il expose en détail son protocole expérimental, qui pourrait selon lui également révéler si une intelligence supérieure, peut-être extraterrestre, règle les paramètres de notre monde simulé.
Vers des preuves tangibles d’une simulation ?
Le principe d’équivalence M/E/I stipule que l’information est une entité physique : elle possède une masse et peut être détectée par l’énergie qu’elle libère lors de son effacement. Si notre univers est une simulation, alors les traces de cette information devraient être perceptibles.
Le Dr Vopson présente plusieurs arguments en faveur de cette hypothèse. Il compare d’abord les lois de la physique à des lignes de code informatique régissant l’exécution d’un programme. Les nombreuses équations mathématiques qui décrivent l’Univers, ainsi que les motifs géométriques omniprésents, pourraient être les signatures d’un algorithme sous-jacent.
Autre élément troublant : la vitesse de la lumière, considérée comme une limite infranchissable dans notre univers, rappelle la fréquence maximale d’un processeur informatique. Lorsqu’une machine est surchargée, son traitement ralentit. Un phénomène similaire se produit avec les trous noirs : plus ils accumulent d’information, plus ils ralentissent le temps – un effet prédit par la relativité générale d’Einstein.
Mais c’est du côté de la mécanique quantique que se trouve, selon lui, la preuve la plus convaincante. La nature « irréelle » du monde quantique – où les particules ne semblent exister dans un état défini qu’au moment où elles sont observées – rappelle étrangement le fonctionnement des environnements de réalité virtuelle. « Cela suggère que la nature n’est pas ‘réelle’ : les particules ne se trouvent pas dans un état précis tant qu’on ne les mesure pas. De même, une simulation informatique ne génère un environnement qu’en réponse à l’action d’un observateur ou d’un programmeur », explique-t-il.
Un protocole expérimental pour trancher
Si l’Univers est une simulation, comment le prouver ? Selon le Dr Vopson, la clé réside dans la détection des bits d’information eux-mêmes. Un univers simulé contiendrait une quantité colossale de bits, disséminés partout autour de nous, formant la trame du « code source » de la réalité.
L’expérience qu’il propose consiste à effacer l’information contenue dans des particules élémentaires. Lorsqu’une particule rencontre son antiparticule – son double ayant une charge opposée – elles s’annihilent, libérant une énergie sous forme de photons. Selon la théorie M/E/I, un type spécifique de photons devrait être émis : des photons d’« énergie d’information », aux propriétés distinctes.
Ces photons auraient deux caractéristiques permettant de les identifier avec précision :
- Ils devraient être émis simultanément avec les photons gamma classiques, servant ainsi d’indicateur de leur origine.
- Leur longueur d’onde devrait être proportionnelle à la quantité de bits d’information stockée dans la particule avant annihilation, ainsi qu’à sa température.
D’après les estimations, chaque particule élémentaire contiendrait en moyenne 1,509 bit d’information. En appliquant ces prédictions, le Dr Vopson a déterminé la plage exacte des fréquences des photons attendus, rendant son test expérimentalement réalisable avec les technologies actuelles.
Un élément de contrôle viendrait renforcer la fiabilité des résultats : la longueur d’onde des photons infrarouges d’énergie d’information devrait varier en fonction de la température de l’échantillon. Si ce déplacement est observé dans des conditions expérimentales contrôlées, ce serait un indice fort en faveur de l’hypothèse d’un univers simulé.
Pour mener à bien cette expérience, le chercheur a lancé une campagne de financement participatif, espérant obtenir les ressources nécessaires pour vérifier ce qui, s’il était confirmé, constituerait une découverte très déstabilisante.