Un revêtement adhésif inspiré des requins pour réduire la consommation des avions

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Un Boeing 777-300ER de la compagnie Swiss, sur lequel l'AeroShark sera appliqué. | Swiss
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La compagnie aérienne suisse SWISS s’associe à l’une des sociétés du groupe Lufthansa pour réduire la traînée et la consommation de carburant de plus de 1%. Lufthansa et BASF ont créé un film spécial adhésif, baptisé AeroShark, améliorant l’aérodynamisme et réduisant ainsi la consommation de carburant (et les émissions) de tout avion. Ce revêtement est inspiré de la peau légèrement côtelée des requins. Explications.

L’inspiration de la nature a permis de grandes avancées techniques, médicales, etc. L’industrie aéronautique ne fait pas exception, ne serait-ce qu’avec la forme des avions. On peut dire que le biomimétisme est à la base de l’aéronautique, de Léonard De Vinci à Clément Ader en passant par George Cayley.

Cette approche biomimétique a contribué aux prouesses technologiques dont cette industrie a besoin pour atteindre son objectif : diviser par deux ses émissions de CO2 d’ici 2050 par rapport à 2005. Un autre exemple réside dans la présence des winglets sur nos avions, ces extrémités d’ailes relevées apparues dans les années 1970. Celles-ci permettent, à l’image des oiseaux, de diminuer les turbulences. La consommation de carburant a ainsi été réduite de 4% pour la famille Airbus A320. Une autre voie est étudiée par Lufthansa, en modifiant le revêtement de ses avions, pour un meilleur aérodynamisme.

Nager ou voler, la même équation

Le milieu aquatique, comme le milieu aérien, présente une résistance au mouvement de l’objet qui les traverse. Moins il y a de résistance, plus il est facile de déplacer l’objet ou de se déplacer dans le milieu. De ce fait, moins d’énergie est utilisée pour le mouvement, signifiant pour les avions comme pour les voitures une consommation de carburant réduite. Cela commence par tout ce qui aide l’avion à traverser l’air avec le moins de traînée et le plus de portance possible. En d’autres termes, plus la pénétration dans l’air est facilitée, moins l’avion aura besoin d’énergie pour s’y déplacer.

Lufthansa Technic et BASF — premier fabricant mondial de produits chimiques et de revêtements — s’est pour cela inspirée des requins, connus pour être très hydrodynamiques. Ce n’est pas seulement un corps profilé, une configuration optimale, des ailerons et quelques kilos de muscles qui font des requins les nageurs les plus économes en énergie. L’évolution a doté le requin d’une peau très particulière. Elle se compose presque entièrement de petites écailles placoïdes qui se déplacent indépendamment pour réduire la friction. Leur fonction est de maintenir l’eau près du corps de l’animal, participant ainsi à un plus grand hydrodynamisme via une résistance réduite. Elles augmentent la flottabilité, tout en générant des tourbillons à profil bas, diminuant la traînée hydrodynamique et ajoutent même une composante de poussée. Plus le requin se déplace rapidement dans l’eau, plus il le fait efficacement.

C’est ce que les ingénieurs de la Lufthansa ont nommé « l’effet riblet ». Les propriétés microscopiques du film biomimétique AeroShark imitent la peau d’un requin. Il se compose d’une texture à peine perceptible de petites protubérances nervurées : les riblets. Dimensionné en patchs pour une application facile et ciblée, le film contient des millions de ces nervures en forme de prisme, chacune d’environ 50 micromètres de haut. Appliqués à l’avion de manière spécifique et alignés avec précision sur le flux d’air, les riblets permettent d’obtenir des gains d’efficacité en réduisant le frottement et la traînée. Ils peuvent également améliorer la portance s’ils sont fixés sur les ailes.

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Infographie expliquant le principe de l’AeroShark. © Lufthansa (modifié par Laurie Henry pour Trust My Science)

L’application d’AeroShark à un avion est similaire à celle d’un covering pour voiture (revêtement de personnalisation de carrosserie). Les ingénieurs s’assurent que l’avion a été nettoyé avant l’application des films, puis qu’aucune bulle d’air ne se forme sous la surface. Une fois le film appliqué, l’avion peut décoller comme d’habitude.

L’équipe affirme qu’il est facile à appliquer et extrêmement résistant aux rayons UV, à l’eau, à l’huile et aux grands changements de température et de pression subies par des avions long-courriers. Jens-Uwe Mueller, directeur d’AeroShark, affirme dans un communiqué : « Notre technologie riblet peut être appliquée à n’importe quel avion avec un effet similaire ».

Quels avions pourront en être dotés ?

SWISS a accepté d’appliquer la technologie Sharkskin (littéralement « peau de requin ») à l’ensemble de sa flotte de Boeing 777-300ER. À partir de la mi-2022, la compagnie aérienne commencera à recouvrir l’ensemble de sa flotte, soit une douzaine d’avions. Lufthansa Technik couvrira chaque avion d’environ 950 mètres carrés de film sur la surface du fuselage et des nacelles moteur.

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Boeing 777 revêtu de l’AeroShark. © Lufthansa

Bien sûr, un avion au sol (le temps de la mise en place du film) ne rapporte pas d’argent. Dans cette optique, SWISS appliquera la technologie aux avions déjà programmés pour être hors service dans le cadre d’activités de maintenance, ou lors des escales longues.

Commentant la nouvelle, le Dr Johannes Bussmann, directeur général de Lufthansa Technik, a déclaré : « En raison des longs cycles de vie de notre industrie, nous ne pouvons pas seulement compter sur les nouvelles générations d’avions pour réduire notre empreinte environnementale, mais nous devons également optimiser spécifiquement les flottes existantes vers la durabilité. AeroShark y contribue de manière significative, et je suis très heureux que SWISS ouvre la voie ».

Battage médiatique ou réel impact écologique ?

Selon Lufthansa Technik, l’application de ce film sur la flotte d’avions Boeing 777 de SWISS permettra d’économiser plus de 4800 tonnes de carburéacteur chaque année. Cela équivaut à une économie d’émissions de 15 200 tonnes, ou 1,1%. Autrement dit, il s’agit de la quantité de CO2 qui serait générée sur environ 87 vols courriers entre Zürich (Suisse) et Mumbai (Inde).

La solution AVIATAR Fuel Analytics développée par Lufthansa Technik a été utilisée pour mesurer les variations de consommation de carburant avant et après la modification, à 0,1% près, en tenant compte avec précision des facteurs externes, tels que les conditions météorologiques, le profil de vol et même les impacts mineurs sur le fuselage.

Les premiers résultats pour le Boeing 747-400 avec une modification de fuselage, ont montré une réduction de frottement de 0,8% grâce à l’effet d’AeroShark, ce qui équivaut à une économie de carburant annuelle d’environ 300 tonnes métriques de kérosène. Cela correspond à une réduction des émissions de C02 de plus de 900 tonnes par an. Le choix du Boeing 747-400 dans le but d’effectuer les premiers tests n’est pas anodin. En effet, il s’agit de la plate-forme idéale pour démontrer que des économies importantes sont possibles avec des avions éprouvés, et pas seulement avec des avions neufs. Il y a un réel intérêt à moderniser des avions déjà en service, outre celui d’éviter des dépenses en ressources, temps, énergie et monétaires.

Lufthansa Technik a dû demander l’approbation de l’AESA (l’Agence de la sécurité aérienne de l’Union européenne) pour chaque type d’avion auquel elle souhaite appliquer la « peau de requin ». Elle l’a obtenue en 2019. Le consentement requis est appelé « certificat de type supplémentaire ». Essentiellement, comme la société modifie l’avion, elle doit faire approuver les conceptions, les spécifications des matériaux et les opérations du film par les régulateurs de l’aviation avant qu’un avion ne soit autorisé à voler avec la modification.

Lufthansa Technik et BASF ne veulent pas s’arrêter là. Les entreprises envisagent de développer une nouvelle technologie qui pourra être appliquée à l’avenir sur différents types d’avions et couvrir des surfaces encore plus grandes. La certification d’un ensemble de films riblet pour les ailes et les surfaces de contrôle est actuellement à l’étude. Cela augmentera la réduction totale de la friction de 0,8% (bas du fuselage) à 2,5% sur la couverture extérieure de l’avion, triplant ainsi les avantages.

Selon Lufthansa Technik, la technologie de « peau de requin » dans sa phase d’expansion maximale pourrait permettre de réduire les émissions de CO2 jusqu’à 3%, un bel espoir pour réduire notre empreinte carbone.

Source : Lufthansa Technik

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