Le tokamak français WEST a maintenu une réaction de fusion stable pendant plus de 22 minutes (1 337 secondes), dépassant ainsi de 25 % le précédent record du monde, détenu par la Chine. La stabilité du plasma a été maintenue avec une puissance de chauffe de 2 mégawatts. Cette avancée marque une nouvelle étape clé pour l’exploitabilité commerciale de l’énergie de fusion, la prochaine étape étant de maintenir le plasma pendant plusieurs heures.
La fusion nucléaire fait l’objet de recherches très actives depuis plus de 80 ans, en raison de son potentiel énergétique exceptionnel. Un seul gramme d’isotopes d’hydrogène suffirait notamment à produire l’équivalent en énergie de 11 tonnes de charbon. Un réacteur à fusion fonctionnel offrirait ainsi un approvisionnement énergétique quasi illimité, tout en étant neutre en carbone et en ne produisant pas de déchets radioactifs à longue durée de vie.
La fusion nucléaire nécessite également beaucoup moins de matière et de combustible que la fission, qui est déjà une source d’énergie extrêmement concentrée. Elle pourrait en outre être utilisée en complémentarité avec d’autres technologies, telles que les réacteurs à fission actuels ainsi que les dispositifs à neutrons et d’autres technologies énergétiques.
Cependant, son exploitabilité se heurte à de nombreux défis, liés aux besoins en infrastructures complexes et spécialisées, ainsi qu’aux limites technologiques actuelles. Alors que la fusion des atomes est relativement facile à réaliser, il est pour le moment difficile d’obtenir un rendement énergétique commercialement viable.
Vidéo montrant l’intérieur du Tokamak de WEST durant la réaction :
#Fusion🔥| A world record for fusion energy !
👀New record obtained in the French WEST tokamak, operated at the @CEACadarache: it maintained a hot fusion plasma for more than 22 minutes. This was a 25% improvement on the previous record time achieved with EAST, in 🇨🇳.
👋@PPPLab pic.twitter.com/ANXWfxSLsu— CEA (@CEA_Officiel) February 19, 2025
Autrement dit, les réactions de fusion consomment pour le moment plus d’énergie qu’elles n’en produisent. Les physiciens estiment qu’en vue des avancées récentes, l’énergie de fusion ne pourra probablement pas contribuer à l’objectif mondial de zéro émission nette de CO2 d’ici 2050.
Des défis liés à l’instabilité intrinsèque du plasma
Les défis d’ingénierie sont principalement liés à la création des conditions propices à la réaction de fusion autonome. Cette autonomie est essentielle à l’obtention d’un rendement énergétique net. Pour ce faire, les réactions doivent se dérouler à des températures comprises entre 100 et 150 millions de degrés Celsius et une pression comprise entre 5 et 10 atmosphères. Une autre difficulté réside également dans le maintien de la stabilité du plasma à haute énergie – intrinsèquement instable.
Parmi les techniques les plus avancées pour maintenir la stabilité du plasma figure le confinement magnétique. Cela consiste à confiner le plasma dans un tore à l’aide d’un puissant champ magnétique et d’y injecter de la chaleur jusqu’à fusionner des noyaux d’hydrogène. En utilisant cette technique, le tokamak Joint European Torus (JET) est parvenu à produire de l’énergie de fusion à hauteur de 15 mégawatts pendant plusieurs secondes.
Alors que le tokamak chinois EAST (Experimental Advanced Superconducting Tokamak) a récemment maintenu un plasma stable à haut confinement pendant 1 066 secondes, le tokamak WEST (W Environment in Steady-state Tokamak) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a établi un nouveau record avec un plasma stable durant 1 337 secondes.
« WEST a franchi une étape technologique importante en maintenant un plasma d’hydrogène pendant plus de vingt minutes grâce à l’injection de 2 MW de puissance de chauffage. Cet excellent résultat permet à WEST et à la communauté française de se positionner au premier plan pour préparer l’exploitation d’ITER », affirme dans un communiqué Anne-Isabelle Etienvre, directrice de la recherche fondamentale au CEA.
Une augmentation de 25 % par rapport au précédent record
WEST bénéficie de décennies d’expérience dans l’étude de plasmas à haut confinement. Il fait partie d’un effort international de recherche sur la fusion nucléaire aux côtés du JET, de l’EAST, du Japan Atomic Energy Research Institute – Tokamak 60 (JT-60SA), du Korea Superconducting Tokamak Advanced Research (KSTAR), ainsi que du projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) – le gigantesque tokamak actuellement en construction dans le sud de la France.
Il dispose de bobines supraconductrices et de composants à refroidissement actif, des éléments essentiels à l’obtention de plasma longue durée. D’après les chercheurs du CEA, il est indispensable que les composants au contact avec le plasma soient capables d’en supporter les rayonnements à haute énergie. Cela permet d’éviter le dysfonctionnement des composants ou l’érosion des matériaux, qui pourraient contaminer le plasma.
L’atteinte de ces objectifs a permis une amélioration de 25 % de la durée du confinement de plasma (par rapport à EAST), avec l’injection de 2 mégawatts de puissance de chauffage. Les chercheurs prévoient de prolonger leurs efforts pour atteindre plusieurs heures de plasma stable au cours des prochains mois. Ils espèrent également porter le plasma à plus haute température afin de se rapprocher davantage des conditions nécessaires à la fusion autonome. Les résultats pourront ensuite être utilisés pour optimiser d’autres réacteurs, y compris ITER.
Vidéo de présentation du nouveau record de WEST :