Une épidémie de grippe aviaire sans précédent laisse envisager une vaccination mondiale des volailles

L'OMS a averti cette semaine que le monde devait se préparer à une éventuelle pandémie humaine.

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Le monde fait face à une épidémie de grippe aviaire inédite par sa fulgurance et sa contagiosité. En décembre 2022, la France abattait deux millions de volailles après la détection de nombreux cas dans les élevages. Les conditions climatiques actuelles (baisse des températures et de l’ensoleillement, augmentation de l’humidité, etc.) ne font qu’exacerber le problème. À la date du 16 février, 299 foyers en élevage ont été confirmés. La question de la vaccination des volailles fait encore débat alors que les États-Unis envisagent de la tester dans les prochains jours et la France en automne.

Depuis qu’elle a été détectée en Caroline du Sud à la mi-janvier, la grippe aviaire hautement pathogène (IAHP), ou H5N1, s’est propagée à travers le monde entier, à l’exception de l’Australie et de l’Antarctique, ayant l’avantage géographique d’être isolés. Cependant, le risque que la maladie y soit amenée par des oiseaux de rivage migrateurs n’est pas nul.

Aux États-Unis, vendredi, plus de 27 millions d’oiseaux, dont près de 5% de toutes les poules pondeuses du pays, étaient morts ou avaient été tués pour ralentir la propagation de la maladie. En France, début 2023, le nombre de foyers en élevage s’approche des 300, dont plus des trois quarts sont concentrés dans la région Pays de la Loire, dans une zone à risque de diffusion (ZRD) à forte densité de volailles (Vendée et Maine-et-Loire).

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Mais cette multiplication des cas oblige à réévaluer la possibilité de vacciner la volaille américaine et européenne contre la maladie, une étape que certaines parties de l’industrie avicole ainsi que les décideurs fédéraux ont rejetée pendant des années. En effet, il existe un risque de propagation de la grippe aviaire des volailles vaccinées, mais asymptomatiques à d’autres animaux, ainsi que des implications sur le commerce d’exportation.

Sans compter que les inquiétudes concernant la souche de grippe aviaire actuellement en circulation ont augmenté ces dernières semaines, après qu’il est devenu évident qu’elle se propageait des oiseaux à plusieurs autres animaux. En plus de la volaille domestique, la grippe aviaire a été détectée chez le vison en Espagne, les otaries au Pérou, chez un puma du Colorado ainsi que chez un ours noir et une mouffette, a rapporté TheDenver Post.

L’Organisation mondiale de la santé a averti cette semaine que le monde devait se préparer à une éventuelle pandémie humaine de grippe aviaire, affirmant que le passage des oiseaux aux mammifères nous rapprochait un peu plus de la transmission humaine.

Tests de vaccins pour éviter une pandémie humaine

Il faut savoir que l’influenza aviaire (IA) est une maladie virale hautement contagieuse qui touche à la fois les oiseaux domestiques et sauvages. Des virus de l’IA ont également été isolés, bien que moins fréquemment, chez des espèces de mammifères, y compris les humains. Cette maladie complexe est causée par des virus divisés en plusieurs sous-types (H5N1, H5N3, H5N8, etc.) dont les caractéristiques génétiques évoluent rapidement. La maladie sévit dans le monde entier, mais différents sous-types sont plus répandus dans certaines régions que dans d’autres.

Les nombreuses souches de virus de l’influenza aviaire peuvent généralement être classées en deux catégories, selon la gravité de la maladie chez les volailles : la grippe aviaire à faible pathogénicité (LPAI), qui provoque généralement peu ou pas de signes cliniques ; et la grippe aviaire à haute pathogénicité (IAHP), qui peut provoquer des signes cliniques graves et éventuellement des taux de mortalité élevés.

Marcel Klaassen, de l’Université Deakin et sa collègue Michelle Wille de l’Université de Melbourne, expliquent dans un article de ABC News que les recherches menées au Bangladesh montrent que les vaccins ont éliminé les signes de grippe aviaire dans les élevages de volailles, mais le virus continue de se propager par des volailles asymptomatiques et de circuler à des niveaux élevés sur les marchés d’oiseaux vivants et les oiseaux sauvages.

Certes, la vaccination réduisait le nombre d’abattages dans l’industrie de la volaille et réduisait les retombées sur d’autres espèces, mais ils précisent : « Vous pouvez facilement protéger vos volailles, mais si vous ne protégez pas également vos oiseaux sauvages, ils deviennent les victimes (et les vecteurs) ».

La vaccination réduira probablement le nombre de cas humains (et mammifères) à la condition que les vaccins soient efficaces, protecteurs et administrés correctement, et qu’une surveillance post-vaccination soit effectuée.

La vaccination est déjà testée en Europe

Des ministres en France et dans d’autres pays de l’UE discutent de la vaccination, et des scientifiques néerlandais ont déjà entamé des essais de vaccins aviaires. Dans le sud-ouest de la France cette semaine, des chercheurs commenceront à immuniser des canards élevés pour le foie gras avec deux vaccins nouvellement développés.

Les canards porteurs de la grippe aviaire sont le « réservoir ultime », explique le pathologiste aviaire Jean-Luc Guérin de l’École nationale vétérinaire de Toulouse dans un article de Science, car ils peuvent propager le virus jusqu’à 15 jours avant de présenter des symptômes. Dans les essais, les oiseaux seront vaccinés dans des fermes, puis exposés au virus dans un laboratoire. L’objectif est de réduire la quantité de virus circulant et ainsi de protéger les autres espèces de volailles.

Néanmoins, les experts de la grippe craignent que la vaccination n’arrête pas complètement les épidémies, augmentant peut-être le risque à long terme que le virus aviaire se propage à l’homme. Et le développement et l’administration de vaccins coûteront cher.

Jean-Luc Guérin souligne que pour toutes ces raisons, la vaccination est le dernier recours. Il met en garde : « Nous n’utilisons cet outil que si nous admettons que nous ne pouvons pas contrôler l’infection par des moyens classiques ».

Quelques cas antérieurs nous laissent une lueur d’espoir, cependant. En 2017, la Chine a commencé la vaccination obligatoire des volailles contre une souche H7N9 qui a pu se propager aux humains. La vaccination a réduit la prévalence du virus chez les volailles et le nombre d’infections humaines est tombé à zéro. Cette réalisation « pourrait être reproduite partout », explique le virologue Hualan Chen de l’Institut de recherche vétérinaire de Harbin, qui a développé les vaccins.

Science rapporte également qu’un vaccin, Volvac Best, fabriqué par Boehringer Ingelheim, est déjà utilisé dans des pays hors d’Europe, dont le Mexique et l’Égypte, pour immuniser les poulets contre la maladie de Newcastle et le H5N1.

De plus, Ceva a créé le premier vaccin à ARN testé sur la volaille, spécifiquement pour les canards. Les résultats devraient être disponibles d’ici la fin de l’année, indique Gilles Salvat, expert en santé vétérinaire à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Si les vaccins s’avèrent efficaces pour abaisser les niveaux viraux, Salvat espère qu’ils pourraient être prêts à être commercialisés d’ici la fin de 2023.

Enfin, en octobre 2023, les parties prenantes se réuniront au sein de l’Organisation mondiale de la santé animale pour discuter de la manière d’abaisser les barrières internationales à l’expédition de volaille vaccinée.

Désastre chez les oiseaux sauvages

Outre les volailles domestiques, les principales victimes sont les oiseaux sauvages, qu’il est impossible de vacciner. Selon Marcel Klaassen, les colonies de fous de Bassan ont disparu en Écosse et, au dernier décompte, la maladie a ravagé environ 236 espèces d’oiseaux sauvages aussi diverses que les pygargues à tête blanche, les vautours, les pélicans et les pingouins.

Il explique : « Le nombre d’oiseaux sauvages enregistrés jusqu’à présent est de 100 000, mais je pense qu’il est largement sous-estimé. C’est dans les millions, plutôt que dans les centaines de milliers signalés dans les bases de données ». Il ajoute : « Nous n’avons aucune idée de l’impact réel sur nos oiseaux sauvages de cette lignée actuelle dans l’hémisphère Nord, car la COVID-19 et la guerre en Ukraine avaient empêché la surveillance des populations en Sibérie ».

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