Hubble détecte l’étoile la plus lointaine jamais observée !

record distance étoile hubble
| NASA, ESA, B. Welch (JHU), D. Coe (STScI), A. Pagan (STScI)
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C’est un nouveau record pour le célèbre télescope spatial : l’engin est parvenu à détecter une étoile individuelle si éloignée que sa lumière a mis 12,9 milliards d’années pour atteindre la Terre ; elle nous apparaît ainsi telle qu’elle était au cours du premier milliard d’années de l’Univers (alors que ce dernier n’avait que 7% de son âge actuel !). Cette étoile, nommée Earendel, semble avoir une masse 50 fois plus élevée que celle du Soleil. Le télescope James Webb permettra bientôt d’en savoir plus sur sa luminosité, sa température et sa composition.

À mesure que l’Univers s’étend, la lumière des objets distants est étirée ou « décalée » vers des longueurs d’onde plus longues et plus rouges lorsqu’elle se dirige vers la Terre, ce que les astronomes nomment le « redshift ». Plus le redshift est important, plus l’objet est éloigné. Grâce au phénomène de lentille gravitationnelle provoqué par les amas de galaxies, la lumière de plusieurs étoiles individuelles très lointaines — ainsi agrandies des dizaines, voire des centaines de fois — a pu être détectée. Les astronomes ont récemment découvert plusieurs étoiles avec des redshifts compris entre 1 et 1,5, agrandies momentanément des milliers de fois grâce à un phénomène supplémentaire de microlentillage.

Les données recueillies lors du programme RELICS (Reionization Lensing Cluster Survey) de Hubble, ont révélé la présence d’une étoile encore plus lointaine, avec un redshift de 6,2 — ce qui correspond à 900 millions d’années après le Big Bang. « Normalement, à ces distances, les galaxies entières ressemblent à de petites taches, la lumière de millions d’étoiles se mélangeant. La galaxie qui abrite cette étoile a été agrandie et déformée par la lentille gravitationnelle en un long croissant que nous avons nommé l’arc du lever du Soleil », explique Brian Welch, astronome à l’Université Johns Hopkins et co-auteur de l’article relatant la découverte.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Un nouvel aperçu de l’Univers primitif

Le précédent record de distance était détenu par Hubble lui-même : en 2018, il avait détecté une étoile avec un redshift de 1,5, qui existait alors que l’Univers était âgé d’environ quatre milliards d’années. La découverte de cette étoile, surnommée Icare, a initié une nouvelle façon d’étudier les étoiles individuelles dans les galaxies très lointaines. L’approche repose sur le phénomène de lentille gravitationnelle : la gravité d’un amas de galaxies situé au premier plan de l’observation déforme le tissu de l’espace-temps et agit comme une véritable loupe naturelle, déformant et amplifiant la lumière provenant des objets situés à l’arrière-plan.

lentille gravitationnelle étoile lointaine
Cette image annotée met en évidence la position de l’étoile Earendel le long d’une ondulation de l’espace-temps (représentée ici en pointillés). Un amas d’étoiles est également indiqué : il se reflète de part et d’autre de la ligne d’agrandissement. © Science : NASA, ESA, Brian Welch (JHU), Dan Coe (STScI) ; Traitement des images : NASA, ESA, Alyssa Pagan (STScI).

L’amplification peut être si importante que même les objets les moins lumineux et très distants deviennent visibles. La découverte récente d’Earendel tient donc à un « alignement cosmique » favorable : l’étoile a été grossie par un facteur de plusieurs milliers par la lentille de l’amas de galaxies WHL0137-08 (dont le redshift est de 0,566), précisent les chercheurs dans Nature. C’est un énorme bond dans le passé pour Hubble, par rapport à son record précédent. « Nous n’y croyions presque pas au début, c’était tellement plus loin que l’étoile précédente la plus éloignée », a déclaré Welch.

La détection de cette étoile datant de l’aube de l’Univers sera bientôt confirmée par James Webb, qui permettra également de mieux caractériser cet objet. Pour les scientifiques, l’étude d’Earendel — qui signifie « étoile du matin » en vieil anglais — est une occasion unique d’en apprendre davantage sur les débuts de notre univers, alors que la composition des étoiles n’était peut-être pas totalement identique à celles qui nous entourent aujourd’hui. « C’est comme si nous avions lu un livre vraiment intéressant, mais que nous avions commencé par le deuxième chapitre, et maintenant nous allons avoir la chance de voir comment tout a commencé », explique Welch.

Une possible représentante de la population III

Bien qu’Earendel soit plus grande et des millions de fois plus lumineuse que le Soleil, il aurait été impossible de la détecter à cette distance sans l’effet de lentille. Par chance, l’étoile est apparue au plus proche d’une ondulation du tissu de l’espace-temps générée par l’amas galactique WHL0137-08, bénéficiant ainsi d’un grossissement et d’une amplification lumineuse maximum, qui « sont restés à peu près constants pendant les 3,5 années d’imagerie et de suivi », précisent les chercheurs.

Selon les astronomes, le phénomène d’agrandissement devrait perdurer encore quelques années, ce qui permettra d’observer plus en détail Earendel avec James Webb, qui est justement conçu pour les observations dans l’infrarouge proche et moyen (il surpasse d’ailleurs Hubble dans cette gamme de longueurs d’onde). L’équipe doit avant tout confirmer qu’il s’agit bien d’une étoile isolée et non d’un système binaire — la plupart des étoiles très massives étant généralement accompagnées d’une voisine plus petite. Les données de Webb permettront également de préciser le type d’étoile et le stade auquel elle se trouve dans son cycle de vie.

Les chercheurs sont surtout très impatients d’en savoir plus sur sa composition chimique, car elle s’est a priori formée à une époque où l’Univers ne contenait pas encore d’éléments lourds — ceux-ci ayant été produits par les générations d’étoiles suivantes. L’amas de galaxies WHL0137-08 lui-même devrait être pauvre en métaux, estime Dan Coe, astronome au Space Telescope Science Institute et co-auteur de l’étude.

S’il s’avère qu’Earendel ne contient effectivement que de l’hydrogène et de l’hélium, elle constituera la première preuve de l’existence des étoiles de population III — une population hypothétique d’étoiles extrêmement massives et lumineuses, constituée exclusivement d’éléments légers, qui seraient les premières étoiles formées au commencement de l’Univers. Ces étoiles primordiales, plus massives que celles qui se forment aujourd’hui, pourraient notamment avoir largement contribué à la réionisation de l’Univers. Welch admet cependant qu’il est peu probable qu’Earendel en fasse partie et compte sur les capacités du James Webb pour repérer des étoiles encore plus anciennes. « Nous irons aussi loin que possible. J’aimerais voir Webb battre le record de distance d’Earendel », conclut-il.

Source : B. Welch et al., Nature

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