L’image la plus nette de l’étoile la plus massive connue à ce jour remet en question sa masse

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R136a1, l’étoile la plus massive connue de l’Univers. | International Gemini Observatory/NOIRLab/NSF/AURA
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Nichée au cœur de la nébuleuse de la Tarentule dans un amas d’étoiles du Nuage de Magellan, proche de la Voie lactée, R136a1 est considérée comme l’étoile connue la plus massive de l’Univers depuis 2010. Mais de nouvelles mesures de sa masse, grâce à des clichés les plus détaillés jusqu’ici, ont révélé qu’elle pourrait être moins massive que ce que les scientifiques estimaient. Ces nouvelles valeurs pourraient avoir des implications sur notre compréhension des étoiles géantes.

Les astronomes n’ont pas encore bien compris comment se forment les étoiles les plus massives — celles qui font plus de 100 fois la masse du Soleil. Elles se situent généralement dans des amas d’étoiles compacts et nimbés de poussière stellaire, rendant difficile une mesure précise de leur luminosité. Or, c’est cette luminosité, entre autres, qui permet de déterminer la masse d’une étoile.

Sans compter que ces étoiles géantes ont une durée de vie extrêmement réduite et meurent jeunes, brûlant leurs réserves de carburant en seulement quelques millions d’années. En comparaison, le Soleil est à moins de la moitié de sa durée de vie de 10 milliards d’années. La combinaison d’étoiles denses, de durées de vie relativement courtes et de vastes distances astronomiques, fait de la distinction des étoiles massives individuelles dans les amas un défi technique de taille.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Récemment, des astronomes, en s’appuyant sur les capacités du télescope Gemini Sud de l’Observatoire international Gemini, exploité par le NOIRLab de la NSF, ont obtenu l’image la plus nette de R136a1, l’étoile la plus massive connue, située à environ 160 000 années-lumière de la Terre. Ce nouveau cliché suggère que cette étoile, et peut-être d’autres étoiles semblables, est moins massive qu’on ne le pensait. Leur découverte est actuellement disponible sur la plateforme arXiv.

Observation par chatoiement pour une luminosité nette

Comme mentionné précédemment, les astronomes estiment les masses des étoiles à travers la comparaison de prédictions théoriques et des mesures de leur luminosité ainsi que de leur température. Mais la distance et les interférences avec les poussières stellaires ainsi que le flou provoqué par l’atmosphère terrestre n’avait jusqu’ici pas permis de photographier avec précision des étoiles massives et de mesurer ces paramètres de luminosité et de température avec exactitude.

En effet, la dégradation des images astronomiques acquise au niveau du sol est due à notre atmosphère, car cette dernière est constamment animée par des déplacements de masses d’air. La conséquence majeure de ce phénomène est la déviation permanente et aléatoire des rayons lumineux qui arrivent de l’espace. C’est par exemple la turbulence atmosphérique qui est responsable du scintillement des étoiles la nuit.

C’est pourquoi les astronomes de l’AURA (Association des universités de recherche en astronomie) ont utilisé le télescope Gemini Sud au Chili pour photographier l’étoile R136a1 avec la technique d’observation par chatoiement, grâce à l’instrument Zorro. Elle consiste à combiner des milliers d’images, à courte exposition, d’étoiles au plus profond de l’Univers pour annuler l’effet de flou de l’atmosphère terrestre.

Concrètement, les observations faites par Zorro ont des temps d’exposition de seulement 60 millisecondes, et 40 000 de ces observations individuelles de l’amas stellaire R136 ont été capturées en 40 minutes. Chacun de ces instantanés est si court que l’atmosphère n’a pas « le temps » de brouiller une exposition individuelle, et en combinant soigneusement les 40 000 expositions, l’équipe a pu créer une image nette de l’amas.

Ainsi, l’image obtenue a permis à l’astronome M. Kalari du NOIRLab de la NSF, et à ses collègues, de séparer plus précisément la luminosité de R136a1 de ses compagnons stellaires proches, ce qui a conduit à une estimation plus faible de sa luminosité et donc de sa masse. Des observations précédentes suggéraient que R136a1 avait une masse comprise entre 250 et 320 fois la masse du Soleil. Les nouvelles observations de Zorro indiquent que cette étoile géante pourrait n’avoir que 170 à 230 fois la masse du Soleil. Cependant, même avec cette estimation inférieure, R136a1 se place toujours comme l’étoile la plus massive connue.

Ricardo Salinas, co-auteur de l’étude et l’instrumentiste de Zorro, explique dans un communiqué : « Ce résultat montre que dans les bonnes conditions, un télescope de 8,1 mètres poussé à ses limites peut rivaliser non seulement avec le télescope spatial Hubble en matière de résolution angulaire, mais aussi avec le télescope spatial James Webb. Cette observation repousse les limites de ce qui est considéré comme possible en utilisant l’imagerie par chatoiement ».

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Comparaison de la netteté et la clarté exceptionnelles de l’imageur Zorro sur le télescope Gemini South de 8,1 mètres au Chili (à gauche) par rapport à une image antérieure prise avec le télescope spatial Hubble de la NASA/ESA (à droite). © International Gemini Observatory/NOIRLab/NSF/AURA

Des implications à grande échelle et une coopération internationale

Les conclusions de cette observation révolutionnaire ont des implications sur l’origine des éléments plus lourds que l’hélium dans l’Univers. Ces éléments sont créés lors de la mort explosive cataclysmique d’étoiles de plus de 150 fois la masse du Soleil, lors d’événements que les astronomes appellent des supernovæ à instabilité de paires.

Ainsi, si R136a1 est moins massif qu’on ne le pensait auparavant, il pourrait en être de même pour d’autres étoiles massives et, par conséquent, les supernovæ à instabilité de paires pourraient être plus rares que prévu. M. Kalari ajoute : « Cela suggère que la limite supérieure des masses stellaires pourrait être plus petite qu’on ne le pensait auparavant ».

De plus, selon Martin Still, responsable du programme NSF Gemini, cette découverte « est un autre exemple des prouesses scientifiques que nous pouvons accomplir lorsque nous combinons une collaboration internationale, une infrastructure de classe mondiale et une équipe exceptionnelle ». Effectivement, ces résultats appuient le programme d’instruments de visite de l’Observatoire Gemini, donnant la possibilité à des astronomes, en dehors de NOIRLab, d’utiliser leurs propres instruments, généralement avec un soutien minimal de la part du personnel d’ingénierie et d’exploitation de Gemini.

Il faut savoir que Zorro, et son instrument jumeau `Alopeke, sont des imageurs identiques montés respectivement sur les télescopes Gemini Sud et Gemini Nord, qui font partie du programme d’instruments de visite. Leurs noms sont les mots hawaïens et espagnols pour « renard » et représentent les emplacements respectifs des télescopes sur Maunakea à Hawaï et sur Cerro Pachón au Chili.

Kalari conclut : « Nous avons commencé ce travail comme une observation exploratoire pour voir dans quelle mesure Zorro pouvait observer ce type d’objet. Bien que nous appelions à la prudence lors de l’interprétation de nos résultats, nos observations indiquent que les étoiles les plus massives ne sont peut-être pas aussi massives qu’on le pensait ».

Source : arXiv

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