Ingénierie climatique : un espoir de sauver la glace d’Antarctique ? Des simulations révèlent la réponse

Des chercheurs envisagent l'utilisation de la géo-ingénierie en Antarctique pour freiner la fonte des glaces.

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Face à la fonte rapide de la glace en Antarctique occidental, une équipe de recherche dirigée par l’Université de l’Indiana (IU) a examiné de près les impacts potentiels de la géo-ingénierie sur ce continent si important pour l’équilibre climatique. Leurs découvertes, publiées dans le Journal of Geophysical Research: Atmospheres, éclairent sur les possibilités de réduire les risques de montée cataclysmique du niveau des océans en exploitant diverses méthodes de manipulation du climat.

Paul Goddard, assistant de recherche à l’IU College of Arts and Sciences, soulève un point crucial : même si l’objectif ambitieux de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius au-delà des niveaux préindustriels était atteint, une hausse significative du niveau de la mer demeure inévitable. Son étude propose donc l’ingénierie climatique comme une solution visant à gagner du temps face aux changements climatiques imminents et éviter ou retarder des « points de basculement » climatiques, tels que l’effondrement de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental.

Les coauteurs de l’étude comprennent des experts de nombreuses institutions renommées, telles que Ben Kravitz, professeur adjoint à l’IU, Douglas MacMartin et Daniele Visioni de l’Université Cornell, Ewa Bednarz de l’Administration nationale océanique et atmosphérique, et Walker Lee du Centre national pour la recherche atmosphérique.

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Géoingénierie : une solution controversée pour atténuer la crise climatique

L’ingénierie climatique a pour objectif d’interférer de manière ciblée avec le système climatique terrestre. Parmi les méthodes étudiées, l’injection d’aérosols dans la stratosphère (abrégé SAI en anglais) se démarque. Cette technique consiste à libérer des sulfates ou d’autres particules réfléchissantes dans la stratosphère afin de réfléchir le rayonnement solaire dans l’espace. Cela recréerait un effet similaire aux conséquences d’une éruption volcanique majeure, où les particules éjectées dans l’atmosphère supérieure produisent un refroidissement global temporaire.

Le recours à cette méthode s’est même frayé un chemin jusqu’au palier de la Maison-Blanche, qui a récemment publié un rapport examinant la faisabilité d’un programme de recherche sur le SIA et l’amélioration de la luminosité des nuages marins.

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Les chercheurs ont comparé l’accumulation nette de glace en Antarctique pour plusieurs scénarios d’injection d’aérosols stratosphériques (SAI) ainsi qu’un scénario d’émissions modérées sans SAI, en les mettant en relation avec les niveaux historiques observés entre 1990 et 2009. Les zones en bleu représentent un gain net d’accumulation de glace, tandis que celles en rouge indiquent une perte nette. Les petits points signalent les régions où aucun changement significatif n’est prévu. La période de comparaison pour les scénarios SAI et le scénario d’émissions modérées s’étend de 2050 à 2069. © Université de l’Indiana

Alors que nous traversons une période de températures records, avec dix des années les plus chaudes recensées au cours des quatorze dernières années, y compris 2023 qui est sur le point d’éclipser 2016 comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, les résultats de cette étude sont un cri d’alarme. Des simulations informatiques avancées ont montré que différents scénarios d’injection d’aérosols stratosphériques pourraient s’avérer efficaces pour freiner la perte de glace en Antarctique.

Modélisation informatique et stratégies d’injection d’aérosols

Pour cette recherche, les scientifiques ont utilisé le puissant ordinateur Carbonate de l’IU pour modéliser différentes stratégies de SAI. « L’endroit où les aérosols sont libérés a beaucoup d’importance », explique Goddard dans un communiqué. Les résultats sont concluants : une libération stratégique d’aérosols sur plusieurs latitudes, avec une concentration plus élevée dans l’hémisphère Sud, peut contribuer de manière significative à la préservation de la glace continentale en limitant le réchauffement des eaux océaniques autour des barrières de glace antarctiques.

Les chercheurs ont modélisé onze scénarios différents en déployant des aérosols à diverses latitudes. Les trois scénarios les plus prometteurs envisageaient une injection à différentes latitudes visant des températures cibles de 1,5, 1 et 0,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Les simulations, allant de 2035 à 2070, incluaient également pour référence un scénario d’émissions modérées sans injection d’aérosols.

Même si ces scénarii d’injection à plusieurs latitudes semblaient bénéfiques pour la conservation de la glace antarctique, il est évident que d’autres études sont nécessaires pour mesurer avec précision la réduction des taux de fonte, prévient Goddard. Certains scénarios d’injection à une seule latitude, en l’occurrence, ont entraîné une fonte plus rapide de la glace antarctique, en raison d’un déplacement vers le sud des vents dominants, qui poussait des eaux océaniques chaudes vers les plateformes de glace.

Cependant, cette méthode pourrait présenter des risques non négligeables, tels que des changements dans les schémas régionaux de précipitations ou encore le risque de « choc de cessation », un réchauffement rapide de la température globale à son niveau d’origine (si l’intervention sur de longues périodes était suspendue soudainement). Ben Kravitz met également en garde : avant de pouvoir envisager le déploiement réel de telles techniques, la communauté scientifique doit encore colmater de nombreuses lacunes concernant les risques et effets régionaux liés à la gestion du rayonnement solaire, et ce, pour l’Antarctique comme pour le reste de la planète.

Source : Journal of Geophysical Research: Atmospheres (2023)

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