L’ITER sera bientôt doté de l’aimant le plus puissant au monde

aimant réacteur fusion ITER
| ITER
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Cet aimant serait capable de soulever un porte-avions à deux mètres du sol ! Intégré au cœur de l’International thermonuclear experimental reactor (ITER), il devrait permettre de produire une quantité d’énergie quasi illimitée, sans aucune émission de carbone. Partis cette semaine de l’usine du constructeur General Atomics, en Californie, les composants du premier module de cet aimant sont actuellement en transit vers la France.

Ce sera sans doute l’un des convois les plus surveillés : les composants doivent parvenir sans encombre au centre d’études nucléaires de Cadarache, où ils formeront le solénoïde central du tokamak, l’électro-aimant le plus puissant au monde. Pour rappel, le projet ITER est un projet de réacteur à fusion nucléaire, porté par une coalition de 35 pays, visant à démontrer qu’il est possible de produire une quantité massive d’énergie sans émissions polluantes.

La fusion est la source d’énergie qui alimente le Soleil et les étoiles : au cœur de ces objets stellaires, la pression et la température sont si élevées que les noyaux d’hydrogène entrent en collision et fusionnent pour former des atomes d’hélium, libérant au passage une énergie considérable. Les tokamaks comme l’ITER sont conçus pour reproduire ce phénomène, à plus petite échelle ; pour confiner et contrôler le plasma, des champs magnétiques très puissants sont nécessaires.

Un champ magnétique 280 000 fois plus puissant que celui de la Terre

À l’intérieur du réacteur, du deutérium (H2) et du tritium (H3) gazeux seront surchauffés (jusqu’à 10 fois plus qu’au cœur du Soleil), jusqu’à ce qu’ils soient transformés en plasma. Le rôle de l’aimant est donc de maintenir ce plasma, composé de particules chargées, éloigné de toute surface métallique, au sein de la chambre à vide ; la température extrême qui règne à l’intérieur de l’engin (supérieure à 150 millions de degrés) ferait fondre n’importe quel matériau.

La création des champs magnétiques dans un tokamak nécessite plusieurs réseaux d’aimants différents. Dix-huit bobines externes, disposées autour de l’anneau du tokamak produisent le champ magnétique toroïdal, confinant le plasma à l’intérieur de la cuve. Les six bobines poloïdales — un ensemble d’anneaux empilés orbitant autour du tokamak parallèlement à sa circonférence — contrôlent la position et la forme du plasma. Au centre du tokamak, le solénoïde central forme la « colonne vertébrale » de la machine ; sa fonction consiste à induire le courant plasma et à le maintenir tout au long de la décharge.

Il aura fallu près d’une décennie à General Atomics pour concevoir cet aimant. Les derniers tests ont été finalisés plus tôt cette année et le premier module du solénoïde fait aujourd’hui route à bord d’un poids lourd vers Houston, où il embarquera sur un navire en direction du sud de la France. Une fois assemblé, le solénoïde central mesurera 18 mètres de haut sur 4,25 mètres de large ; il se compose de six bobines indépendantes, chacune contenant 43 kilomètres de supraconducteur niobium-étain. Un deuxième module devrait être expédié au mois d’août.

Au total, ce sont 1000 tonnes de systèmes supraconducteurs (refroidis à -270°C) qui généreront un champ magnétique d’une force de 13 teslas (soit un champ environ 280 000 fois plus puissant que le champ magnétique terrestre, qui varie de 30 à 60 microteslas) ; l’énergie magnétique totale sera de 51 gigajoules. « Ce projet se classe parmi les programmes magnétiques les plus importants, les plus complexes et les plus exigeants jamais entrepris », a déclaré John Smith, directeur de l’ingénierie et des projets chez General Atomics.

De par la puissance de ce champ magnétique, « les structures de support du solénoïde central devront résister à des forces égales à deux fois la poussée d’un décollage de la navette spatiale », peut-on lire dans un communiqué. L’assemblage ne sera pas dénué de difficultés : malgré ses dimensions impressionnantes, le solénoïde central doit être positionné au millimètre près !

Objectif : produire 500 MW de puissance

La fusion d’hydrogène est une source d’énergie idéale, à la fois durable (le deutérium est facilement disponible dans l’eau), propre (elle n’émet aucun gaz à effet de serre) et sûre (le seul sous-produit de la réaction est l’hélium, et le tritium, bien que radioactif, est non fissile). Le risque d’accident nucléaire est en outre peu probable : en cas de perturbation, le plasma se refroidit en quelques secondes et les réactions s’arrêtent, tout simplement.

Mais disposer d’une source d’énergie sûre et durable demeure pour l’instant du domaine du rêve. Si plusieurs tokamaks ont déjà permis d’initier des réactions de fusion, aucun n’a jamais atteint un seuil de rentabilité intéressant ; en d’autres termes, aucun n’est parvenu à produire davantage d’énergie qu’il n’en utilisait. Le projet ITER a pour ambition de produire 10 fois plus d’énergie qu’il n’en consommera : 500 MW de puissance de fusion pour une puissance en entrée de 50 MW et ce, pendant 400 à 600 secondes. Le record de puissance produite est pour le moment détenu par le tokamak Joint European Torus (JET) : en 1997, ce réacteur a généré 16 MW de puissance de fusion pour un apport de 24 MW.

Au sein d’ITER, les réactions de fusion libéreront des neutrons à très haute énergie, qui seront éjectés vers les parois de la chambre à vide (où l’énergie sera alors absorbée sous forme de chaleur) ou qui réagiront avec le lithium de l’enceinte, créant ainsi davantage de « carburant » pour la réaction — car le tritium nécessaire à la réaction peut être produit par l’interaction d’un neutron et d’un atome de lithium.

La création du premier plasma est prévue pour décembre 2025, après quoi l’installation grimpera progressivement en puissance, à partir d’hydrogène uniquement, afin de tester différents régimes de fonctionnement. L’utilisation du combustible combinant deutérium et tritium est quant à elle programmée pour 2035. Si le projet s’avère concluant, il posera les bases de la première génération de centrales à fusion commerciales.

Source : ITER

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