James Webb détecte l’un des tout premiers brins de la « toile cosmique », formé 830 millions d’années après le Big Bang

James webb toile cosmique
Modélisation de la toile cosmique durant le premier milliard d'années de l'Univers. | NASA/Jamie Bock/Caltech
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Grâce au télescope spatial James Webb, des astronomes ont peut-être découvert l’un des plus anciens brins de la « toile cosmique », remontant à 830 millions après le Big Bang, à l’époque de la réionisation de l’Univers. Long de trois millions d’années-lumière et ponctué de 10 galaxies, ce brin semble ancré au sein d’un quasar primitif — une galaxie ultralumineuse alimentée par un trou noir supermassif très actif.

Dans l’Univers, les galaxies ne sont pas réparties de façon aléatoire, mais se réunissent en grappes et en filaments interconnectés, formant ce que l’on appelle la « toile cosmique ». Les filaments relient les galaxies entre elles sur des échelles mégaparsec (1 mégaparsec équivalant à 3,26 millions d’années-lumière). Telle une véritable toile d’araignée, entre les brins réside le vide cosmique. Au fil du temps, cette toile devient toujours plus visible à mesure que la gravité y condense la matière, ce qui facilite les observations astronomiques.

Un brin rattaché à un quasar

La toile cosmique prédit la répartition de la majeure partie du gaz dans les milieux intergalactique et circumgalactique (le milieu gazeux entourant les galaxies). Cette régulation complexe, ainsi que les rejets de matière issus des processus de rétroaction des objets cosmiques (étoiles, galaxies, trous noirs, …) joueraient un rôle clé dans le contrôle de la croissance des galaxies à travers l’Univers.

Au cours des dernières décennies, le milieu intergalactique a été largement exploré afin de retracer les filaments de la toile cosmique. Cependant, les observations étaient restreintes à quelques régions particulières, la portée et la capacité des dispositifs d’observation de l’époque étant limitées à des échelles de quelques mégaparsecs. Les régions ratissées sont peu représentatives de l’enchevêtrement de filaments au niveau desquels naissent et se répartissent les galaxies.

En 2021, des chercheurs ont retracé quelques filaments de la toile cosmique situés entre 1 et 2 milliards d’années après le Big Bang. Mais le télescope spatial James Webb change considérablement la donne, en étendant les observations sur des échelles beaucoup plus larges.

Grâce à ses dispositifs d’observation à la pointe de la technologie, un groupe d’astronomes a découvert un arrangement filiforme de 10 galaxies primitives, qui se seraient formées environ 830 millions d’années après le Big Bang (en pleine période de réionisation cosmique). À l’extrémité du filament, long de 3 millions d’années-lumière, semble rattaché un quasar extrêmement lumineux.

« C’est l’une des premières structures filamenteuses que l’on n’ait jamais trouvées associées à un quasar lointain », explique dans un communiqué Feige Wang de l’Université de l’Arizona à Tucson, auteur principal de l’étude, publiée dans The Astrophysical Journal Letters. L’équipe d’experts estime que le filament évoluera en amas de galaxies massif similaire au gigantesque amas de Coma, rassemblant plus de 1000 galaxies et situé à 330 millions d’années-lumière de la Terre. Ce filament pourrait également être l’un des plus anciens de la toile cosmique.

Une possibilité d’évolution en amas galactique massif

Les chercheurs ont découvert le fameux filament grâce au quasar auquel il est rattaché. Ils ont été surpris de découvrir une structure étonnamment longue et fine, s’étendant sur des millions d’années-lumière. « Je m’attendais à trouver quelque chose, mais je ne m’attendais pas à une structure aussi longue et aussi mince », a déclaré le coauteur de l’étude Xiaohui Fan, également astronome à l’Université de l’Arizona.

Le quasar a été découvert dans le cadre du projet ASPIRE (A Spectroscopic Survey of Biased Halos in the Reionization Era), visant à étudier un ensemble de 25 quasars de l’époque de la réionisation (à partir de 700 millions d’années suivant le Big Bang). Les experts suggèrent que les trous noirs supermassifs, dont l’accrétion alimente les quasars, auraient participé à la formation de la toile cosmique, en agissant tels des puits de gravité rassemblant et étirant la matière pour former des filaments. Notamment, la gravité maintiendrait ces brins connectés entre eux.

Par ailleurs, de précédentes simulations suggèrent que les quasars de la réionisation, faisant au moins un milliard de masses solaires, se sont formés au sein d’immenses amas de matière noire et se sont développés par accrétion ou en fusionnant avec d’autres amas. Dans ce contexte, l’on pourrait s’attendre à ce que les quasars primitifs se trouvent au sein de surdensités de galaxies à grande échelle (mégaparsec).

Cependant, l’incertitude concernant le décalage vers le rouge des quasars précédemment observés brouillait les pistes pouvant indiquer les signaux de surdensité. Les performances de James Webb ont permis aux chercheurs de la nouvelle étude de découvrir que le quasar qu’ils ont détecté (celui ancrant le filament) était intégré dans une surdensité de galaxies — l’une des structures les plus surdenses connues de l’Univers primitif, et pourrait évoluer en amas massif (comme l’amas du Coma).

Une seconde partie de l’étude suggère que les trous noirs alimentant ces quasars primitifs ont une masse allant de 600 millions à 2 milliards de masses solaires. Bien que les raisons expliquant ces caractéristiques extrêmes sont encore méconnues, les experts proposent une hypothèse où deux critères doivent être respectés. Le premier critère inclut la « germination » du trou noir à partir d’une « graine » massive faisant au moins mille masses solaires. Le deuxième critère implique que la graine doit avoir accumulé très rapidement au minimum un million de fois plus de matière tout au long de sa vie.

Si ces trous noirs supermassifs accumulent de la matière, ils peuvent également en éjecter et alimenter des vents s’étendant sur des échelles intergalactiques. Ces vents peuvent avoir un impact significatif sur la formation des étoiles au sein des galaxies, au centre desquelles ils résident. Les données de Webb constitueraient les meilleures preuves à ce jour corroborant cette hypothèse. Les chercheurs ont notamment découvert que les vents des trous noirs au centre des galaxies massives sont une sorte de réservoirs alimentant leur croissance. Jusqu’à ce jour, ces vents ont été uniquement observés dans l’Univers voisin, mais jamais à l’époque de la réionisation.

Source : The Astrophysical Journal Letters

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