Une jeune femme née avec une moitié de cerveau manquante possède des compétences en lecture supérieures à la moyenne

cerveau manquant partie hemisphere gauche
| Mark Alberhasky/RGB Ventures/Alamy
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Il y a 18 ans, une jeune femme est née sans une partie de son cerveau (soit la totalité de l’hémisphère gauche) mais possède tout de même des compétences en lecture supérieures à la moyenne. À noter que l’hémisphère gauche est généralement la partie du cerveau utilisée dans le domaine du langage. Elle possède également un QI légèrement supérieur à la moyenne.

Les scintigraphies cérébrales (qui permettent d’évaluer la perfusion cérébrale grâce à des molécules complexes marquées au technétium-99m, capables de traverser la barrière hémato-céphalique) ont révélé que la jeune femme avait plus de tissu cérébral impliqué dans la lecture que ce qui se trouve usuellement chez la majorité des individus. Des tests de son activité cérébrale indiquent que le côté droit de son cerveau a repris certaines des fonctions dont s’occupe généralement l’hémisphère gauche, démontrant que l’organe s’est adapté pour compenser le tissu manquant.

Les parents de la jeune femme, connue ici sous le nom de C1, ont remarqué que quelque chose sortait de l’ordinaire lorsqu’elle avait 7 mois déjà. En effet, la plupart des bébés arrêtent de serrer leur pouce avec leur poing vers cet âge là, mais C1 a continué de le faire avec sa main droite. C’est lorsque C1 avait 10 mois qu’une scintigraphie a révélé qu’il y avait une poche de liquide là où aurait dû se trouver l’hémisphère gauche de son cerveau.

C1 a été diagnostiquée avec une hémi-hydranencéphalie, une maladie extrêmement rare dans laquelle une grande partie du cortex cérébral est manquante. Jusqu’à aujourd’hui, 9 cas seulement ont été signalés dans le monde.

À l’âge de 14 mois, C1 était inscrite à un projet de recherche : une équipe de scientifiques, basés à l’Université de Chicago, a suivi ses progrès jusqu’à ses 16 ans, ainsi que ceux de 64 autres enfants possédant un cerveau dit normal (complet) et de 40 enfants qui avaient subi des AVC dans les semaines avant ou après la naissance.

Une compensation cérébrale qui s’accentue avec le temps

Leurs compétences linguistiques, de lecture, spatiales et mathématiques, ont été testées tous les quatre mois jusqu’à l’âge de près de 5 ans. Au début, les compétences linguistiques de C1 étaient inférieures à la moyenne par rapport aux enfants en développement du même âge, et son vocabulaire était profondément limité. Mais elle s’est améliorée au fil des ans et a développé des compétences orales moyennes au moment où elle avait 4 ans et demi.

Puis, son vocabulaire et sa syntaxe se sont également améliorés. À l’approche de ses 5 ans, C1 avait rattrapé ses pairs : « Dans l’exécution de la plupart des tâches, elle se situait dans la moyenne normative lorsqu’elle est entrée à l’école primaire », a expliqué Salomi Asaridou de l’Université d’Oxford, qui a étudié le développement de C1.

Mais C1 ne s’est pas arrêtée là : elle a également excellé dans d’autres domaines. En effet, lorsque, entre 5 et 7 ans, les chercheurs ont testé sa capacité à reconnaître et à réorganiser les sons en mots, C1 a même dépassé ses pairs ! Elle obtint également des résultats exceptionnels en lecture et se situait « dans la gamme supérieure, et était significativement meilleure que le groupe montrant un développement typique », ajoute Asaridou.

De plus, selon les chercheurs, les compétences linguistiques de C1 ne semblent pas s’être développées au détriment d’autres compétences cognitives. Son QI se situe dans la plage « moyenne à élevée », et elle possède des compétences spatiales typiques. C1 est exceptionnellement douée aux tests de mémoire à court terme, qui impliquent par exemple de se rappeler de séquences de chiffres.

Les scientifiques ont pu en apprendre davantage sur son cerveau grâce aux scintigraphies cérébrales. Quand elle avait 14 ans, ils ont utilisé l’IRM fonctionnelle (IRMf) pour étudier son activité cérébrale pendant qu’elle écoutait des histoires. Asaridou et ses collègues ont ensuite comparé les résultats de C1 avec ceux de 30 enfants en développement, généralement âgés de 12 à 14 ans.

« Le schéma d’activité de C1 ressemblait à ce que nous avons vu dans l’hémisphère gauche des enfants en développement typique », explique Asaridou. Cela prouve que l’hémisphère droit de C1 s’est adapté pour assumer certaines des fonctions habituellement gérées par le côté gauche, comme le traitement du langage par exemple.

Une deuxième série de scans, prise au même âge, a révélé que son cerveau avait plus de matière blanche (soit le tissu qui relie les régions du cerveau et leur permet de communiquer) que ce que l’on trouve généralement dans un cerveau humain. De manière plus précise : C1 possède plus de matière blanche dans les régions connues pour être impliquées dans les compétences linguistiques, allant de la cartographie des sons à l’articulation en passant par la lecture.

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Un cas extrêmement rare

« C1 est un cas rare chez les personnes atteintes d’hémi-hydranencéphalie », explique Asaridou. En effet, parmi les autres cas connus, seulement deux des six personnes testées n’ont eu aucun problème de développement du langage.

Asaridou et les autres chercheurs pensent que son environnement aurait pu l’aider : la famille de C1 est aisée, de sorte que ses parents ont pu se permettre, dès son plus jeune âge, de lui fournir des thérapies physiques et orales. De plus, C1 a un frère (plus jeune) qui est également particulièrement doué en ce qui concerne les tests de langue, « ce qui suggère qu’il pourrait également y avoir un facteur génétique », précise Asaridou. « Mais ce ne sont que des spéculations. Il s’agit d’un cas compliqué avec une contribution unique de différents facteurs ».

À l’heure actuelle, C1 éprouve toujours des difficultés à déplacer le côté droit de son corps mais selon l’équipe qui la suit, elle semble être bien dans la vie en général et a réussi ses examens scolaires.

Source : NewScientist

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