Les nouvelles modes alimentaires ne sont pas toujours bénéfiques à long terme pour la santé. Actuellement, le jeûne intermittent fait l’actualité. Cette alimentation restreinte dans le temps consiste à alterner des périodes de privation de nourriture et des périodes d’alimentation normale. Récemment, des chercheurs ont démontré que des personnes obèses, en limitant leur prise alimentaire entre 7h et 15h, combiné à une restriction calorique, peuvent perdre plus de 7 kg en 14 semaines — contre 3,9 kg pour ceux qui n’avaient qu’une restriction calorique.
Le jeûne intermittent implique des périodes cycliques d’alimentation et de jeûne pendant généralement 14 à 48 heures à la fois. Chez les animaux, le jeûne intermittent présente un large éventail d’avantages : il diminue le poids corporel et/ou la graisse corporelle, améliore la sensibilité à l’insuline, abaisse le taux de glucose, diminue la tension artérielle, améliore la santé cardiovasculaire, ralentit le vieillissement cellulaire, ralentit la progression du cancer, améliore la cognition, ralentit la progression des maladies neurodégénératives et prolonge même la durée de vie.
Le corps humain a une horloge interne, et de nombreux aspects du métabolisme fonctionnent de manière optimale le matin. Par conséquent, se nourrir en harmonie avec l’horloge circadienne du corps (plus tôt dans la journée) peut avoir une influence positive sur la santé.
Parmi les différents types de jeûne intermittent, le jeûne intermittent quotidien, maintenant connu sous le nom d’alimentation à durée limitée (TRE), est devenu populaire. Chez l’homme, nous définissons le TRE comme le fait de manger dans une fenêtre quotidienne constante de 10 heures ou moins et jeûner pendant les 14 heures restantes de la journée.
Des études animales suggèrent que le TRE peut prévenir et inverser l’obésité induite par l’alimentation et améliorer plusieurs paramètres cardio-métaboliques, notamment la tolérance au glucose, le taux de cholestérol et la pression artérielle. Chez l’homme, quelques études d’efficacité étroitement contrôlées rapportent que le TRE améliore les paramètres cardio-métaboliques tels que la sensibilité à l’insuline, la pression artérielle et le stress oxydatif, même lorsque l’apport calorique est identique à celui du groupe témoin.
Récemment, un groupe de chercheurs internationaux a apporté la démonstration de l’efficacité de la méthode en définissant la zone horaire de consommation entre 7h et 15h. L’auteur de l’étude, Courtney M. Peterson de l’Université de l’Alabama à Birmingham, et ses collègues, ont noté que le TRE est faisable 6 jours par semaine en moyenne et peut conduire à de grandes améliorations de l’humeur. Leurs travaux sont publiés dans la revue Obesity (Silver Spring).
Une étude de longue date
Dès 2014, l’équipe de Courtney M. Peterson a obtenu un financement pour étudier l’impact de ce mode d’alimentation. Ce premier test chez l’homme faisait suite à des études sur les rongeurs révélant que le TRF réduisait la graisse corporelle et diminuait le risque de maladies chroniques chez les rongeurs.
Au cours de l’étude sur les humains, Peterson et ses collègues ont suivi 11 hommes et femmes en surpoids d’une part pendant quatre jours de repas entre 8 h et 14 h et d’autre part pendant quatre jours de repas entre 8 h et 20 h. Les chercheurs ont testé l’impact du TRE sur les calories brûlées et l’appétit. Les participants ont essayé les deux programmes alimentaires, ont mangé le même nombre de calories les deux fois et ont effectué tous les tests sous supervision.
Selon les chercheurs, le TRE n’affecte pas le nombre total de calories brûlées par les participants, mais il réduit les grignotages et augmente la combustion des graisses pendant plusieurs heures la nuit. Il améliore également la flexibilité métabolique, qui est la capacité du corps à basculer entre la combustion des glucides et la combustion des graisses.
Des bénéfices en plus d’une perte de poids
Partant de ce constat, dans la présente étude, pour déterminer l’efficacité du TRE sur la perte de poids et la santé cardio-métabolique, les chercheurs ont mené un essai de 14 semaines entre août 2018 et avril 2020. Les patients éligibles étaient âgés de 25 à 75 ans, avaient un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 30 et n’étaient pas diabétiques ou n’avaient pas de maladie chronique grave ou instable.
Ils ont réparti aléatoirement les 90 participants, soit pour suivre un TRE avec une fenêtre de repas de 8 heures entre 7h00 et 15h00, soit une plage horaire de 12 heures ou plus conçue pour imiter les habitudes des repas typiques aux États-Unis (groupe témoin). Tous ont reçu un traitement amaigrissant avec restriction calorique.
Les auteurs ont remarqué que les deux groupes d’étude ont obtenu une perte de poids cliniquement significative (-6,3 kg contre -4,0 kg), mais le TRE associé à une restriction des calories a été plus efficace pour la perte de poids, avec une perte supplémentaire de 2,3 kg.
Cependant, les chercheurs ont noté qu’il n’y avait pas de différences statistiquement significatives dans la perte de graisse absolue ou le rapport entre la perte de graisse et la perte de poids. Les auteurs ont noté une amélioration des facteurs cardio-métaboliques plus marqués pour le groupe TRE. De plus, sur la base des questionnaires remplis avant et après l’essai, les « mangeurs intermittents » ont également signalé une plus grande amélioration de leur humeur et une réduction de la colère par rapport au groupe témoin.
Enfin, le groupe à jeun intermittent a déclaré dormir 30 minutes de moins en moyenne par jour que le groupe témoin, mais se sentait paradoxalement moins fatigué. Les auteurs estiment que cela pourrait être dû à un ajustement du corps : en ayant plus de temps pour se reposer sans processus digestif, il le fait dans la journée alors que nous sommes éveillés, ce qui induit de facto un besoin réduit en sommeil la nuit. Une autre explication serait que les participants se soient couchés plus tard et/ou se soient levés plus tôt pour préparer les repas de la journée.
Les futures études devraient utiliser des mesures objectives du sommeil, telles que l’actigraphie ou la polysomnographie, pour déterminer si les changements observés dans le sommeil sont sains ou non, à long terme.
Une étude incomplète et qui interroge
Les auteurs n’ont pas pu retracer cet avantage de perte de poids à des changements d’appétit, de restriction alimentaire, d’activité physique ou d’apport alimentaire. Plusieurs biais sont reconnus par les auteurs, comme la taille de l’échantillon (modérée), des participants qui sont principalement des femmes et des mesures de sommeil et d’activité physique par auto-évaluation (donc extrêmement subjectives).
Le Dr Simon Steenson, scientifique en nutrition au British Nutrition Foundation, qui n’a pas participé à l’étude, déclare dans un communiqué : « L’un des points forts de cette nouvelle étude est la conception de l’essai et le nombre de personnes recrutées, par rapport à de nombreux essais précédents à ce jour. Cependant, un autre essai publié en avril de cette année, qui a recruté 139 personnes en Chine, a révélé qu’il n’y avait pas de différence significative entre ceux qui suivaient un TRE ou un régime de restriction énergétique continue après une période plus longue de 12 mois ».
Il ajoute que l’incohérence entre cette dernière et le présent essai est similaire au manque de cohérence entre les essais antérieurs d’alimentation à durée limitée, et souligne la nécessité d’études à plus grande échelle pour fournir des preuves plus solides des avantages cliniques potentiels pour la perte de poids et la santé cardio-métabolique des personnes en surpoids et obèses, tout comme des études supplémentaires concernant les effets sur le sommeil.
En conclusion, les adultes obèses pratiquant le TRE au moins 5 jours/semaine perdent plus de poids et de graisse corporelle et présentent de plus grandes améliorations de la santé cardio-métabolique et de l’humeur que ceux qui mangent régulièrement sur une période supérieure à 12 heures.