Les jeux vidéos pourraient améliorer les performances cognitives des enfants, selon une nouvelle étude

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L’impact des jeux vidéos sur le cerveau des enfants et des adolescents fait débat depuis plusieurs années. De nombreuses études ont associé les jeux vidéos à des troubles du comportement et d’autres problèmes de santé mentale. Une nouvelle étude américaine, portant sur plus de 2200 enfants, suggère qu’une pratique soutenue des jeux vidéos est associée à de meilleures performances cognitives.

Une vaste enquête américaine menée cette année a révélé que 71% des 2-17 ans jouent à des jeux vidéos. C’est pourquoi les scientifiques s’attèlent depuis quelques années à examiner les associations entre le jeu vidéo, la cognition et la santé mentale. La plupart des études suggèrent des effets négatifs, associant les jeux vidéos à certains troubles du comportement, se manifestant essentiellement par une agressivité et/ou une dépression accrues. Mais la recherche a également mis en évidence certains aspects positifs de ce loisir. Les jeux vidéos sont par exemple utilisés dans un cadre thérapeutique pour soigner certains problèmes comportementaux (tels que le TDAH) ou certains traumatismes.

Quelques études ont par ailleurs étudié la relation entre les jeux vidéos et le comportement cognitif, mais les mécanismes neurobiologiques sous-jacents aux associations ne sont pas bien compris. Seule une poignée d’études de neuro-imagerie ont abordé ce sujet, mais elles reposaient sur des échantillons assez restreints (incluant moins de 80 participants). Des chercheurs de l’Université du Vermont, à Burlington, ont entrepris de ré-étudié la question, à partir des données de l’enquête ABCD (Adolescent Brain Cognitive Development) — la plus grande étude à long terme sur le développement du cerveau et la santé de l’enfant aux États-Unis.

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Une rapidité et une précision accrues

L’étude ABCD suit actuellement près de 12 000 jeunes jusqu’à l’âge adulte. Les scientifiques responsables du projet mesurent régulièrement la structure et l’activité cérébrales des participants par imagerie par résonance magnétique (IRM) et collectent des informations psychologiques, environnementales et cognitives, ainsi que des échantillons biologiques. L’objectif de cette vaste étude est de comprendre les facteurs qui influencent le développement cérébral, cognitif et socio-émotionnel, afin d’éclairer le développement d’interventions visant à améliorer ces aspects.

Dans le cadre de cette nouvelle étude visant à examiner l’influence des jeux vidéos, les chercheurs ont retenu les données de 2217 enfants (dont 63% de filles), âgés de 9 et 10 ans. Ceux-ci ont été séparés en deux groupes : les uns ne jouent jamais aux jeux vidéos, tandis que les autres y jouent trois heures ou plus par jour. « Ce seuil a été sélectionné car il dépasse les directives de temps d’écran de l’American Academy of Pediatrics, qui recommandent de limiter le temps de jeu vidéo à une à deux heures par jour pour les enfants plus âgés », précise le communiqué accompagnant l’étude.

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Différences de performance dans les tâches comportementales et de scores de la Child Behavior Checklist (CBCL) entre les joueurs et les non joueurs. RT = temps de réaction, SSRT = temps de réaction au signal d’arrêt, ADHD = TDAH, OCD = TOC. © B. Chaarani et al.

Les enfants de chaque groupe ont été soumis à deux tâches (stop signal task, ou SST, et tâche n-back) visant à évaluer leur capacité à contrôler les comportements impulsifs et à mémoriser des informations. Les chercheurs ont examiné l’activité cérébrale des enfants par IRM fonctionnelle pendant qu’ils exécutaient ces tâches. Ils ont découvert que les joueurs étaient plus rapides et plus précis sur les deux tâches que les non-joueurs. « Cette étude suggère qu’il peut également y avoir des avantages cognitifs associés à ce passe-temps populaire, qui méritent une enquête plus approfondie », a déclaré Nora Volkow, directrice du National Institute on Drug Abuse.

Cette différence dans l’exécution des tâches a également été mise en évidence par l’imagerie cérébrale : les enfants joueurs présentaient une activité cérébrale plus élevée dans les régions du cerveau associées à l’attention et à la mémoire que les non-joueurs. Selon l’équipe, ces résultats peuvent provenir de tâches liées au contrôle des impulsions et à la mémoire exécutées tout en jouant à des jeux vidéos — dont certains peuvent être très exigeants sur le plan cognitif ; ceci pourrait conduire à une amélioration des performances sur les tâches connexes.

Des effets qui peuvent varier selon le type de jeu

Parallèlement, les joueurs affichaient une activité accrue dans les régions cérébrales frontales associées à des tâches plus exigeantes sur le plan cognitif et moins d’activité dans les régions cérébrales liées à la vision. « Ces résultats suggèrent une réduction des coûts cognitifs visuomoteurs en conséquence de la pratique du jeu vidéo », notent les chercheurs.

Contrairement aux études psychologiques et comportementales qui suggèrent des associations néfastes entre le jeu vidéo et la santé mentale des enfants (augmentation de la dépression, de la violence et des comportements agressifs), l’équipe souligne qu’elle n’a pas observé de différences significatives entre les joueurs et les non-joueurs. Cependant, les scores bruts des catégories comportementales et psychiatriques, évalués à l’aide de la Child Behavior Checklist, étaient toujours plus élevés chez les joueurs que chez les non-joueurs. De ce fait, les chercheurs n’excluent pas le fait que la tendance pourrait s’accentuer avec le temps et une plus grande exposition aux jeux vidéos. Un suivi à long terme est donc nécessaire pour vérifier ce point.

À noter que cette étude n’a pas permis d’établir un lien de cause à effet : il est possible que la pratique des jeux vidéos améliore les performances cognitives, comme il est possible que les enfants doués pour les tâches sollicitant l’attention et la mémoire choisissent de jouer à des jeux vidéos. Les auteurs de l’étude soulignent par ailleurs que les résultats dépendent probablement en grande partie des types de jeux vidéos — et ce niveau de spécificité n’a pas été pris en compte dans cette étude. Des jeux d’action/aventure, de résolution d’énigmes, de sport ou de tir/combat peuvent avoir des effets différents sur le développement neurocognitif ; les jeux solo ou multijoueurs peuvent également avoir des impacts différents sur le cerveau et la cognition.

Les futures publications de données de l’enquête ABCD permettront aux chercheurs d’explorer plus avant les effets longitudinaux des jeux vidéos sur la cognition. « De nos jours, de nombreux parents s’inquiètent des effets des jeux vidéos sur la santé et le développement de leurs enfants, et comme ces jeux continuent de proliférer chez les jeunes, il est crucial que nous comprenions mieux l’impact positif et négatif que ces jeux peuvent avoir », conclut Bader Chaarani, professeur adjoint de psychiatrie à l’Université du Vermont et premier auteur de l’étude.

Source : B. Chaarani et al., JAMA Network Open

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