L’humanité pourrait-elle vraiment disparaître en raison du changement climatique ?

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Les températures augmentent, les vagues de sécheresse et les incendies se font plus fréquents, les tempêtes et les inondations s’intensifient… Nous subissons déjà les conséquences du changement climatique. « Un code rouge pour l’humanité », c’est en ces termes qu’António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, présentait le rapport du premier groupe de travail du GIEC lors d’une déclaration au mois d’août. L’humanité pourrait-elle finir dans une extinction de masse sur une planète devenue impropre à sa survie ?

Entre 2030 et 2050, le changement climatique devrait causer environ 250 000 décès supplémentaires par an, dus uniquement à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress thermique, estime l’Organisation mondiale de la santé, qui considère que le changement climatique est « la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée ». Et pour cause, il peut impacter la santé humaine de diverses manières : la pollution aggrave les maladies respiratoires, les événements climatiques extrêmes blessent et tuent des gens, tout en perturbant les systèmes alimentaires (par destruction des cultures et contamination de l’eau), etc.

Si certaines régions du monde sont plus vulnérables à ces menaces, le monde entier est concerné. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a récemment conclu que le seul moyen de limiter ces conséquences dramatiques était de limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C — un objectif qui semble malheureusement hors de portée aujourd’hui. Nous sommes déjà à +1,2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle. Qu’adviendra-t-il de l’humanité si nous ne parvenons pas à contenir le réchauffement ?

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Le climat déjà en cause dans les extinctions passées

Jusqu’à ce jour, la Terre a connu cinq épisodes d’extinction massive – et nous serions actuellement en train de vivre la sixième, l’extinction de l’Holocène, caractérisée par la disparition des grands mammifères de la mégafaune, et qui menace aujourd’hui un million d’espèces. Or, tous ces événements ont impliqué un changement climatique. La première, l’extinction Ordovicien-Silurien, il y a environ 445 millions d’années, s’est produite suite à une grande glaciation (elle a éliminé 85% des espèces). L’extinction du Trias-Jurassique, il y a 200 millions d’années, était vraisemblablement due à une série d’épisodes volcaniques majeurs ayant entraîné un réchauffement climatique global de la planète.

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La Terre a déjà connu cinq extinctions de masse. La sixième est en cours. © AFP

Quant à nos cousins néandertaliens, disparus il y a environ 40 000 ans, la cause de leur extinction est toujours sujette à débat. Les premières théories reposaient sur leur infériorité cognitive par rapport aux humains modernes, avec lesquels ils étaient en compétition vis-à-vis des ressources disponibles. Mais une étude suggère qu’ils auraient disparu à cause d’une baisse progressive du taux de fécondité des jeunes femmes, une baisse imputable au stress alimentaire — la dégradation du climat ayant entraîné une diminution des ressources. L’hypothèse est d’ailleurs cohérente avec une autre étude, rapportant que les bouleversements environnementaux dus à la dernière période interglaciaire a contribué à la montée des comportements cannibales chez les Néandertaliens.

Au cours de l’histoire, d’autres civilisations se sont effondrées face à des conditions climatiques extrêmes. Une étude publiée en 2018 dans Science montre que la civilisation maya a probablement disparu suite à un changement climatique majeur, en particulier des épisodes de sécheresse répétés sur plusieurs années (les chercheurs évoquent une diminution des précipitations de 50% en moyenne et jusqu’à 70% pendant les sécheresses les plus sévères). Une « méga sécheresse » de 300 ans serait également à l’origine de l’effondrement de plusieurs civilisations de la Méditerranée, dont la Grèce Antique il y a environ 3200 ans.

À la lumière de ces événements passés, il est légitime de s’interroger sur notre propre destin. À moins que des réductions rapides et profondes des gaz à effet de serre ne se produisent au cours des prochaines décennies, le réchauffement dépassera les 2 °C au cours de ce siècle, avertissent les experts. Les températures atteindront des valeurs critiques, menaçant directement la santé humaine (car elles dépasseront notre capacité de thermorégulation), mais aussi notre principal moyen de subsistance : l’agriculture.

Une chaleur mortelle pour 74% de la population d’ici 2100

Une étude publiée en 2018 dans Nature Climate Change, basée sur l’analyse de milliers d’articles scientifiques, suggérait que l’humanité était confrontée à une menace beaucoup plus grande que ce que prédisait les recherches précédentes. En effet, les auteurs ont identifié pas moins de 467 façons (résumées dans ce tableau) dont la santé humaine, l’alimentation, l’eau, l’économie, les infrastructures et la sécurité ont déjà été affectées par de multiples changements climatiques. « Les émissions de gaz à effet de serre constituent une vaste menace pour l’humanité en intensifiant simultanément de nombreux dangers qui se sont avérés nocifs dans le passé », a déclaré Camilo Mora, auteur principal de l’étude.

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Aperçu des risques sanitaires liés au climat. © OMS

En 2017, Mora avait déjà rédigé une étude inquiétante, intitulée « 27 façons dont une vague de chaleur peut vous tuer ». Problèmes cardiaques, insuffisance rénale, lésions cérébrales, … les pronostics ne sont guère réjouissants. « Nous avons trouvé des preuves médicales de 27 voies différentes par lesquelles les mécanismes physiologiques déclenchés par la chaleur peuvent entraîner une défaillance d’organe et finalement la mort », écrivent les auteurs de cette étude. Pour rappel, la vague de chaleur qui s’est abattue sur l’Europe en 2003 a causé 70 000 décès supplémentaires.

Aujourd’hui, environ 30% de la population mondiale est exposée à des conditions dites de « chaleur mortelle » pendant au moins 20 jours par an. Si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre, ce chiffre pourrait grimper à 74% d’ici 2100. Une étude récente, publiée en juin 2021, rapporte qu’en moyenne, 37% de tous les décès dus à la chaleur dans le monde peuvent être directement associés au changement climatique. Mais bien évidemment, toutes les régions du monde ne sont pas à égalité face aux statistiques : les pays où les températures sont de base supérieures à la moyenne et dans lesquels les bâtiments bien isolés et climatisés sont rares (tels que certains pays d’Amérique du Sud, d’Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient) sont en première ligne.

Quelques régions du globe épargnées

Malgré ce tableau peu réjouissant, le climatologue et géophysicien Michael Mann, auteur de nombreux ouvrages sur le changement climatique, se veut rassurant : « Il n’y a aucune preuve de scénarios de changement climatique qui feraient disparaître les êtres humains », a-t-il déclaré à Live Science. Luke Kemp, chercheur associé au Centre pour l’étude des risques existentiels de l’Université de Cambridge — un centre dédié spécifiquement à l’évaluation des risques qui pourraient mener à l’extinction de l’humanité —, estime quant à lui que seul un emballement de l’effet de serre pourrait entraîner directement l’extinction de l’humanité.

Cet emballement serait caractérisé par le fait que notre planète, prise dans une boucle de rétroaction positive, ne parvienne plus à évacuer la chaleur qu’elle reçoit du Soleil. Passé un certain point de basculement, le forçage radiatif serait tel qu’il entraînerait d’importants changements climatiques et ce, même si nous réussissions à stopper les émissions de CO2 et de méthane. Cela pourrait conduire à l’évaporation des océans de la planète ! Mais ce scénario est peu plausible : pour qu’il se produise, les niveaux de CO2 doivent atteindre quelques milliers de parties par million (ppm) et les concentrations moyennes de CO2 dans l’atmosphère terrestre ne sont « que » de 400 ppm.

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Si le niveau de la mer venait à grimper d’un mètre d’ici 2100, tel qu’annoncé par les prévisions, les territoires marqués ici en rouge seraient submergés. Carte générée via le Coastal Risk Screening Tool de Climate Central. © climatecentral.org

Si notre espèce ne va donc pas complètement disparaître, il est en revanche certain que la vie de centaines de millions de personnes est menacée. Les personnes qui résident aujourd’hui en zone côtière sont menacées par la hausse du niveau de l’eau, qui entraînera la perte de leur habitat — la ville de New York est d’ailleurs en train d’ériger des digues pour se protéger. Les personnes fragilisées par des maladies chroniques (maladies cardiaques ou respiratoires), de même que les personnes âgées, souffriront davantage de la chaleur torride que les personnes en bonne santé. Les pays les plus riches, capables de développer et déployer des technologies permettant de lutter contre des conditions climatiques extrêmes, ont une chance de s’en sortir. De même, les latitudes les plus éloignées de l’équateur seront épargnées par la hausse de températures.

Mais les pénuries d’eau potable et de nourriture, qui surviendront inévitablement dans les zones les plus sèches, où les terres ne sont plus cultivables, sont susceptibles d’engendrer de multiples conflits entre les peuples, tant au sein même d’une population qu’à l’échelle mondiale. Selon Mann, une augmentation de la température mondiale de 3 °C pourrait entraîner un effondrement de notre infrastructure sociétale, accompagné de conflits majeurs, qui plongeraient le monde dans le chaos. En d’autres termes, le changement climatique n’entraînera pas directement l’extinction de l’Homme, mais pourrait tout à fait engendrer une série d’événements, qui eux, précipiteraient notre disparition — sans compter qu’une guerre nucléaire, si elle ne nous tue pas, pourrait aggraver encore les conditions climatiques.

Dans la perspective d’un tel scénario, une étude publiée cet été dans la revue Sustainability a identifié cinq pays (Nouvelle-Zélande, Islande, Royaume-Uni, Australie et Irlande) susceptibles de survivre à un hypothétique effondrement sociétal mondial : ces pays — la Nouvelle-Zélande en tête — pourraient demeurer habitables, de par leurs températures plus fraîches, leur potentiel agricole et d’autres facteurs leur permettant d’être plus résilients face au changement climatique que d’autres pays. Si les humains devaient disparaître en masse, certains parmi les quelque 8 milliards d’individus qui peuplent aujourd’hui la planète pourraient donc, en théorie, subsister dans certaines régions du monde.

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