Des manuels vieux de 45 ans révèlent la source des signaux incohérents envoyés par Voyager 1

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Vue d’artiste de la sonde Voyager 1. | NASA/JPL-Caltech
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La sonde Voyager 1 a présenté des données incohérentes en mai dernier avant d’être réparée à distance fin aout. Les ingénieurs actuellement chargés de la mission ont dû se plonger dans des archives et des notes vieillies de 45 ans, compilées dans des boîtes, pour effectuer cette opération de maintenance. Ils ont ainsi pu allonger la vie de la sonde de plusieurs années, donnant l’espoir d’en apprendre plus sur les confins de notre système solaire.

Les vaisseaux spatiaux jumeaux Voyager 1 et Voyager 2 ont été lancés par la NASA au cours de l’année 1977 depuis Cap Canaveral, en Floride. Tels qu’ils ont été conçus à l’origine, les « Voyager » devaient mener des études rapprochées de Jupiter et de Saturne, des anneaux de Saturne et des plus grandes lunes des deux planètes.

Ils sont devenus, à certains égards, des capsules temporelles de leur époque : elles emportent chacune un lecteur de bande à huit pistes pour enregistrer les données — ces dernières ont environ 3 millions de fois moins de mémoire que les téléphones portables modernes et elles transmettent les données environ 38 000 fois plus lentement qu’avec une connexion Internet 5G. Pourtant, les sondes restent à la pointe de l’exploration spatiale.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Alors qu’elles survolaient le système solaire, une reprogrammation a doté les Voyager de capacités supérieures à celles qu’elles possédaient lorsqu’elles ont quitté la Terre. Leur mission à deux planètes est devenue à quatre planètes. Leur durée de vie de cinq ans s’est étendue à 12 ans, puis à 45 ans ! Des bugs récents ont pu être réparés, allongeant encore de quelques années leur espérance de vie.

Si la mission Voyager s’était terminée après les seuls survols de Jupiter et de Saturne, elle aurait quand même fourni les données nécessaires pour réécrire les manuels d’astronomie. Mais après avoir doublé leurs itinéraires déjà ambitieux, les Voyager ont renvoyé sur Terre au fil des ans des informations qui ont révolutionné la science de l’astronomie planétaire, aidant à résoudre des questions clés tout en en soulevant de nouvelles sur l’origine et l’évolution des planètes de notre système solaire.

Un bug d’origine inconnue, mais résolu

Au fil des ans, l’équipe Voyager s’est habituée à surmonter les défis liés à l’exploitation d’engins spatiaux aussi « âgés », faisant parfois appel à des collègues retraités pour leur expertise ou fouillant dans des documents écrits il y a des décennies.

En effet, comme l’explique Suzanne Dodd, chef de projet de Voyager à Insider, au cours des 12 premières années de la mission Voyager, des milliers d’ingénieurs ont travaillé sur le projet. Elle déclare : « Lorsqu’ils ont pris leur retraite dans les années 70 et 80, il n’y avait pas beaucoup de pression pour avoir une bibliothèque de documents de projet. Les gens ramenaient leurs boîtes chez eux dans leur garage », contrairement à ce qu’il se passe actuellement.

Il y a quelques boîtes avec des documents et des schémas stockés en dehors du site du Jet Propulsion Laboratory, les gestionnaires actuels des missions Voyager peuvent demander l’accès à ces enregistrements, mais encore faut-il avoir déterminé qui travaillait sur tel ou tel instrument.

C’est ainsi que fin aout, les ingénieurs ont réparé un problème affectant les données du vaisseau spatial Voyager 1 de la NASA. Plus tôt cette année, le système d’articulation et de contrôle d’attitude de la sonde (AACS), qui maintient l’antenne pointée vers la Terre, a commencé à envoyer des informations brouillées sur son état de santé et ses activités aux contrôleurs de mission, bien qu’il fonctionnait normalement. Le reste de la sonde semblait également en bonne santé alors qu’elle continuait à collecter et à renvoyer des données scientifiques.

L’équipe a depuis localisé la source des informations brouillées : l’AACS avait commencé à envoyer les données de télémétrie via un ordinateur de bord connu pour avoir cessé de fonctionner il y a des années, et l’ordinateur a corrompu les informations.

Suzanne Dodd a déclaré dans un communiqué que lorsqu’ils ont soupçonné que c’était le problème, ils ont choisi d’essayer une solution à faible risque : ordonner à l’AACS de reprendre l’envoi des données vers le bon ordinateur. Mais pour ce faire, ils ont dû rechercher spécifiquement des boîtes sous le nom d’ingénieurs qui ont aidé à concevoir le système de contrôle d’attitude — ce qui a été « un processus long » selon Dodd.

Les ingénieurs ne savent pas encore pourquoi l’AACS a commencé à acheminer les données de télémétrie vers le mauvais ordinateur, mais il a probablement reçu une commande erronée générée par un autre ordinateur de bord. Si tel est le cas, cela indiquerait qu’il y a un problème ailleurs. L’équipe continuera de rechercher ce problème sous-jacent, mais elle ne pense pas qu’il s’agisse d’une menace pour la santé à long terme de Voyager 1.

Voyage interstellaire et mission la plus longue de la NASA

Les engins spatiaux continuent de renvoyer des données sur l’espace interplanétaire et leurs instruments d’analyse des champs, des particules et des ondes environnants. En mai 1993, les scientifiques ont conclu que l’expérience des ondes plasma captait les émissions radio provenant de l’héliopause, la périphérie de notre système solaire.

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Infographie résumant les principales étapes de la mission, notamment la visite des quatre planètes extérieures et la sortie de l’héliosphère, la bulle qui nous protège des champs magnétiques et des particules générées par le Soleil. © NASA/JPL-Caltech

L’héliopause est la limite la plus externe du vent solaire, où le milieu interstellaire limite le flux sortant du vent solaire et le confine dans une bulle magnétique appelée héliosphère. Le vent solaire est composé de particules atomiques chargées électriquement, composées principalement d’hydrogène ionisé, qui s’écoulent vers l’extérieur du Soleil.

La localisation exacte de l’héliopause a été l’une des grandes questions sans réponse de la physique spatiale. En étudiant les émissions radio, les scientifiques théorisent maintenant que l’héliopause existe à environ 90 à 120 unités astronomiques (UA) du Soleil. Une UA est égale à 150 millions de kilomètres (ou la distance entre la Terre et le Soleil).

Pourtant, il existe plusieurs autres champs et instruments de particules qui peuvent continuer à envoyer des données intéressantes, tant que le vaisseau spatial reste fonctionnel. Ils comprennent : le sous-système à rayons cosmiques, l’instrument à particules de charge à faible énergie, le magnétomètre, le sous-système à plasma, le sous-système à ondes à plasma et l’instrument de radioastronomie planétaire. À moins d’événements catastrophiques, JPL devrait être en mesure de récupérer ces informations pendant au moins les 20 ou 30 prochaines années.

Enfin, les vaisseaux Voyager sont également des ambassadeurs, chacun portant un disque d’or contenant des images représentant la vie sur Terre, des diagrammes de principes scientifiques de base et un enregistrement audio comprenant des sons de la nature, des salutations en plusieurs langues et de la musique. Les disques recouverts d’or servent de « message dans une bouteille » cosmique pour quiconque pourrait rencontrer les sondes spatiales. Au rythme où l’or se désintègre dans l’espace et est érodé par le rayonnement cosmique, les enregistrements dureront plus d’un milliard d’années.

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Disques d’or embarqués par les sondes Voyager. © NASA/JPL-Caltech

Suzanne Dodd déclare dans un autre communiqué : « Les Voyager ont continué à faire des découvertes incroyables, inspirant une nouvelle génération de scientifiques et d’ingénieurs ». Cette année 2022 voit s’arrêter le mandat d’Edward Stone, après 50 ans en tant que scientifique du projet Voyager de la NASA. Stone a accepté la direction scientifique de la mission historique en 1972, cinq ans avant le lancement de ses deux engins spatiaux, Voyager 1 et Voyager 2. Il l’a conservée bien après sa retraite en 2001 en tant que directeur du Jet Propulsion Laboratory de la NASA en Californie du Sud.

Suzanne Dodd conclut : « Nous ne savons pas combien de temps la mission se poursuivra, mais nous pouvons être sûrs que le vaisseau spatial fournira encore plus de surprises scientifiques à mesure qu’il s’éloignera de la Terre ».

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