La matière noire, une matière jusqu’à présent invisible qui constituerait une part importante de notre univers, fait l’objet de recherches actives dans l’espoir de la détecter directement et de comprendre de quoi elle se compose. Les neutrinos, les WIMP (weakly interactive massive particles) ou encore les axions, font partie des particules à l’étude en tant que constituants probables de cette mystérieuse matière. Des physiciens ont récemment proposé d’autres particules candidates, des particules massives appelées gravitons.
Le graviton est le quantum hypothétique de la gravité, soit une particule élémentaire qui médie la force d’interaction gravitationnelle. Ces particules massives auraient été produites à la naissance de l’Univers, lors de collisions entre des particules ordinaires, dans les tout premiers instants qui ont suivi le Big Bang. Selon la théorie, il s’agirait de bosons de masse nulle et de spin égal à 2. Mais aucune preuve de leur existence n’a jamais été apportée. Giacomo Cacciapaglia, physicien à l’Institut de Physique des 2 Infinis de Lyon, et deux physiciens de l’Université de Corée, Haiying Cai et Seung J. Lee, ont étudié la possibilité que ces gravitons soient les constituants de la matière noire.
Jusqu’à présent, cette hypothèse n’avait jamais été prise en compte : le processus de formation des gravitons était en effet considéré comme trop rare pour pouvoir expliquer la quantité de matière noire qui se trouve aujourd’hui dans l’Univers ; les gravitons, produits moins rapidement, auraient donc été trop peu nombreux par rapport aux autres particules ordinaires. Mais dans leur nouvelle étude, les trois physiciens montrent qu’un nombre suffisant de gravitons aurait finalement pu être produit dans l’Univers primitif. S’ils existent, les gravitons auraient une masse inférieure à 1 mégaélectronvolt (MeV) — un ordre de grandeur bien inférieur à l’échelle à laquelle le boson de Higgs génère la masse de la matière ordinaire.
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Des particules très stables depuis l’aube de l’Univers
Les trois physiciens se sont penchés sur les gravitons alors qu’ils tentaient de rechercher des preuves de l’existence de dimensions supplémentaires — soit d’autres dimensions que les trois qui décrivent l’espace, et la quatrième dimension représentée par le temps. « Notre étude a commencé par examiner les dimensions supplémentaires, en particulier les dimensions supplémentaires déformées, qui ont été beaucoup étudiées au cours des 20 dernières années », précise Cacciapaglia à Phys.org.
En théorie, si la gravité se propageait à travers ces dimensions supplémentaires, elle se matérialiserait dans notre univers sous forme de gravitons massifs, qui n’interagiraient avec la matière ordinaire que très faiblement, par la force de gravité — une description qui correspond à ce que l’on sait de la matière noire aujourd’hui.
En effet, la matière noire n’est pas sensible à la force électromagnétique ; elle ne peut donc absorber, refléter, ni émettre de la lumière, ce qui la rend extrêmement difficile à détecter. On ne peut aujourd’hui supposer son existence que par l’effet gravitationnel qu’elle semble produire sur la matière visible, une influence qu’elle exerce dans tout l’Univers — la matière noire serait notamment à l’origine de la cohésion des galaxies.
Le fait que les gravitons interagissent très peu, et uniquement via la gravité, avec la matière ordinaire pourrait finalement expliquer comment ils pourraient constituer aujourd’hui près de 27% de la densité d’énergie totale de l’Univers. « En raison de leurs interactions très faibles, ils se désintègrent si lentement qu’ils restent stables pendant toute la durée de vie de l’Univers. Pour la même raison, ils sont produits lentement pendant l’expansion de l’Univers et s’y accumulent jusqu’à aujourd’hui », explique Cacciapaglia à Live Science.
Un processus qui se déroule sous l’échelle d’énergie du boson de Higgs
Non seulement les gravitons seraient extrêmement stables, mais les chercheurs ont surtout découvert que, contrairement à ce que prédisaient les théories précédentes, bien plus de gravitons auraient été produits juste après le Big Bang (dans la picoseconde qui a suivi l’événement très exactement) — une quantité a priori suffisante pour expliquer la quantité de matière noire qui compose l’Univers actuellement. « En calculant le taux de production de ces particules, nous avons découvert que certains processus sont renforcés en dessous de l’échelle où le boson de Higgs génère des masses pour les particules ordinaires, une picoseconde après le Big Bang », a déclaré Cacciapaglia à Phys.org.
« L’amélioration a effectivement été un choc. Nous avons dû effectuer de nombreuses vérifications pour nous assurer que le résultat était correct », se souvient le physicien. Comme les gravitons massifs se forment en dessous de l’échelle d’énergie du boson de Higgs — sur lequel repose tout le modèle standard de la physique des particules —, ils sont exempts des incertitudes liées aux échelles d’énergie plus élevées que l’on est incapable de décrire complètement à partir des connaissances actuelles.
« Nos résultats impliquent que la matière noire gravitationnelle est produite 1 picoseconde après le Big Bang, à un moment où la physique des particules est bien décrite par les théories actuelles », résume le physicien. L’équipe pense que de puissants accélérateurs de particules comme le futur collisionneur circulaire du CERN, qui devrait être opérationnel en 2035, pourraient rechercher des preuves de la présence de ces particules potentielles de matière noire. « Les futurs collisionneurs de particules de haute précision constituent probablement notre meilleure chance », conclut Cacciapaglia.