Ces derniers mois, les habitudes et le rythme quotidiens de la plupart des individus ont profondément changé. Pour beaucoup, ces changements se sont accompagnés de troubles du sommeil plus ou moins importants : difficultés à s’endormir, réveils intempestifs, rêves particulièrement intenses… Des scientifiques se sont penchés sur le phénomène pour mieux comprendre l’influence de cette situation exceptionnelle sur notre sommeil.
Il est reconnu que les troubles du sommeil nuisent à la santé : système immunitaire affaibli, vieillissement cutané accéléré, risque accru de cancer, prise de poids, troubles de la mémoire et de la concentration, troubles cardiovasculaires, dépression, irritabilité, maladresse… Voilà tout autant de conséquences possibles d’un manque de sommeil ! En France, une personne sur trois est concernée par un trouble du sommeil. On pourrait ainsi se réjouir du fait que les mesures de confinement et l’arrêt des activités « non essentielles » aient permis à beaucoup de gens de dormir plus longtemps. Mais il se trouve que leur sommeil était généralement de moins bonne qualité.
Des nuits allongées, mais moins réparatrices
Bien que les besoins varient d’une personne à l’autre, la plupart des adultes devraient dormir de sept à neuf heures chaque nuit pour ne pas impacter leur santé. Évidemment, les obligations professionnelles et/ou familiales ne nous offrent pas toujours cette opportunité… Gros dormeur, petit dormeur, endormissement difficile, insomniaque, somnambule, chaque personne a un profil type de sommeil. Ce dernier semble toutefois avoir été quelque peu chamboulé pendant la pandémie.
Christine Blume, chercheuse en sommeil au Centre de chronobiologie de Bâle et ses collègues ont étudié les effets du confinement sur le sommeil et sur le rythme veille-sommeil. L’étude a été menée sur six semaines, de la mi-mars à la fin avril, période à laquelle les pays concernés (Autriche, Allemagne et Suisse) appliquaient des mesures plus ou moins strictes de confinement (les commerces et les écoles étaient fermés, les déplacements limités en Autriche et en Allemagne). Résultat : les 435 personnes interrogées ont dormi en moyenne 15 minutes de plus par nuit, mais dormaient moins bien.
En temps normal, les gens ont tendance à privilégier les activités sociales plutôt que leur sommeil. Si l’isolement et le travail à distance a permis à certaines personnes de dormir davantage, c’est déjà très positif pour la santé souligne Christine Blume. Mais ce changement a malheureusement eu un impact sur la qualité du sommeil, ce que la spécialiste explique par une charge mentale plus importante : « Dans notre échantillon, la qualité globale du sommeil a diminué. Nous pensons que le fardeau ressenti par chacun, qui a considérablement augmenté au cours de ce confinement sans précédent dû au COVID-19, peut avoir contrebalancé les effets par ailleurs bénéfiques d’une réduction du décalage horaire social ».
Face à ce phénomène, comment améliorer son sommeil ? Si vous dormez plus que d’habitude, mais que vous ne vous sentez pas reposé pour autant, Christine Blume suggère de penser à sortir vous aérer dans la journée. En effet, des recherches antérieures ont déjà démontré que la qualité du sommeil peut largement être améliorée par l’exercice physique régulier, et l’exposition à la lumière du jour.
Un sommeil plus long pour les étudiants
Les habitudes de sommeil sont influencées par des facteurs biologiques tels que l’âge, le sexe et le rythme circadien. À l’adolescence, le coucher se fait plus tard et la quantité de sommeil diminue. Après l’adolescence, la quantité de sommeil augmente avec l’âge et l’heure du coucher avance. Les habitudes de sommeil peuvent également être modifiées par des facteurs sociaux, environnementaux et psychologiques autres que des facteurs biologiques. Les étudiants universitaires peuvent ainsi avoir un cycle veille-sommeil irrégulier, en raison d’un coucher tardif inhérent aux exigences sociales ou académiques.
Une seconde étude menée aux États-Unis s’est justement intéressée au sommeil des étudiants pendant le confinement strict de la population. Il s’avère que les jeunes qui suivaient des cours à distance ont adopté des horaires de sommeil plus réguliers et ont gagné environ une demi-heure de sommeil par jour (en semaine). Même constat sur le week-end : le groupe des 139 étudiants interrogés dormait 24 minutes de plus en moyenne par nuit.
Finalement, les mesures de confinement à domicile ont permis à plus de 90 % des étudiants interrogés de dormir 7 heures ou plus chaque nuit (en semaine), soit la quantité de sommeil recommandée pour être en bonne santé. Auparavant, ils étaient 84 % à atteindre cette durée. Ken Wright, physiologiste à l’Université du Colorado à Boulder et auteur de l’étude, souligne que ces résultats prouvent que les « mauvais » comportements de sommeil observés couramment chez les étudiants sont bel et bien réversibles.
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Les conditions de vie exceptionnelles liées à la pandémie ont été – et sont encore – une occasion idéale d’étudier le sommeil et les moyens de traiter certains troubles. Malheureusement, Wright regrette qu’il existe peu de données permettant d’effectuer des comparaisons : « C’est une période sans précédent pour la recherche, mais en ce qui concerne le sommeil, peu de gens ont accès aux données sur ce que les gens faisaient auparavant ».