Une météorite tombée au sud de l’Angleterre offre de précieux indices sur l’origine de l’eau terrestre

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La météorite Winchcombe. | Natural History Museum London
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Le 28 février 2021, une météorite a traversé le ciel britannique sous la forme d’une boule de feu, puis s’est écrasée dans le Gloucestershire, un comté situé au sud-ouest du pays. Cette météorite, baptisée Winchcombe, du nom de la ville où ont été retrouvés les fragments, est la toute première météorite de chondrite carbonée à avoir été découverte au Royaume-Uni. Elle pourrait aider à élucider le mystère de l’apparition de l’eau sur Terre.

Les chondrites carbonées constituent la plus ancienne classe de météorites et à ce titre, fournissent un aperçu de la composition originale du système solaire il y a 4,6 milliards d’années. La météorite Winchcombe est d’autant plus exceptionnelle, qu’elle a pu être récupérée et analysée quelques heures seulement après sa chute, avant toute intempérie ; les scientifiques disposaient ainsi d’un spécimen non contaminé, de qualité équivalente à celle des échantillons récupérés par des sondes spatiales — ce qui est très rare. Plus de 500 grammes de matériaux ont pu être récupérés.

En outre, la plupart des chondrites carbonées sont des découvertes fortuites, dont la région source dans le système solaire est difficilement identifiable (moins de 1% des météorites étudiées ont une origine connue). Ce n’était pas le cas cette fois-ci : l’entrée dans l’atmosphère de la météorite a été enregistrée par 16 caméras dédiées et bien d’autres dispositifs amateurs. Les experts ont ainsi pu établir la trajectoire précise de l’objet, dont l’origine se situe à plus de 300 millions de kilomètres. L’analyse de sa composition soutient la théorie selon laquelle les météorites ont apporté une contribution majeure à l’apparition d’eau sur Terre.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Un voyage de 300 000 ans avant de rencontrer la Terre

L’eau de la Terre a été fondamentale pour l’émergence et le développement de la vie. Ses origines sont toutefois toujours sujettes à débat parmi la communauté scientifique. Une théorie dominante soutient que la Terre était stérile à sa naissance, car la température du système solaire interne était alors trop élevée pour que de l’eau liquide puisse y exister ; la limite de la région où la glace d’eau pouvait se former dans le système solaire primitif est connue sous le nom de « ligne de gel » (ou « ligne des glaces ») et se situe dans la ceinture d’astéroïdes moderne.

L’eau aurait donc été « livrée » sur Terre ultérieurement, via la chute de météorites glacées ou d’impacts plus importants. L’analyse de la météorite Winchcombe apporte de nouvelles preuves en faveur de cette théorie. Le premier fragment a été récupéré dans une allée de la ville environ 12 heures seulement après la chute. « Cela nous donne un aperçu parfait de sa composition d’origine sur l’astéroïde, les premières mesures d’eau ayant eu lieu moins d’une semaine après sa récupération », explique le Dr Ashley King, expert en météorites au Musée d’histoire naturelle de Londres et co-auteur de l’étude décrivant la météorite.

Cette météorite a vraisemblablement fait partie d’un astéroïde plus gros, en orbite entre Mars et Jupiter, pendant plusieurs millions d’années. Elle présente des signes d’exposition aux vents solaires, ce qui suggère qu’elle a passé une partie de ce temps en surface. Mais il y a moins de 300 000 ans, une collision dans la ceinture d’astéroïdes a brisé la roche et projeté la météorite dans l’espace circumterrestre. Les experts estiment qu’elle pesait environ 30 kilogrammes au moment de sa formation.

orbite météorite Winchcombe
Orbite pré-atmosphérique de la météorite Winchcombe (W), comparée à celles d’autres chondrites carbonées : Sutter’s Mill (S), Maribo (M), Tagish Lake (T) et Flensburg (F). Les planètes sont représentées au moment de la chute de Winchcombe. © A. King et al.

Elle s’est ensuite rapidement retrouvée en orbite, à environ 116 millions de kilomètres du Soleil — ce qui est relativement éloigné par rapport à d’autres astéroïdes. Mais elle décrivait une orbite elliptique et donc, se trouvait parfois plus proche du Soleil. En ce mois de février 2021, elle se trouvait à peu près à la même distance que la Terre du Soleil et, attirée par la gravité terrestre, elle est finalement entrée en contact avec notre planète. Elle est entrée dans l’atmosphère à environ 13,5 km/s.

Une eau similaire à celle des océans de la Terre

Depuis la collecte des fragments, la météorite Winchcombe a fait l’objet de nombreuses analyses. Les scientifiques ont également examiné des prélèvements effectués sur les lieux de collecte, ainsi que les matériaux qui ont servi à manipuler la météorite pour exclure toute erreur due à une contamination.

photos météorite Winchcombe
(A) La masse principale (319,5 g) de la météorite Winchcombe, récupérée le 1er mars 2021, sous forme de poudre et de petits fragments. (B) Exemple d’un fragment. (C) Le plus gros fragment (152 g), retrouvé le 6 mars 2021. © A. King et al.

La majorité de sa masse est constituée de phyllosilicates — des minéraux riches en argile, aptes à préserver la matière organique. La météorite contient d’ailleurs des lipides et des acides gras ; elle renferme également des hydrocarbures, des métaux tels que le fer, le titane et l’aluminium, et des gaz nobles piégés, comme le néon.

L’eau représentait jusqu’à 11% du poids de la météorite. La composition isotopique de l’hydrogène est très similaire à celle des océans de la Terre, ce qui suggère que les astéroïdes étaient la principale source d’eau. Elle contient également des acides aminés, principalement de l’acide α-aminoisobutyrique et de l’isovaline. « La météorite de Winchcombe est incroyablement bien conservée et renferme tous les ingrédients nécessaires à la création d’un environnement propice à l’évolution de la vie », résume King.

Des astéroïdes similaires à Winchcombe auraient donc pu jouer un rôle majeur dans l’apport de molécules essentielles à la Terre après sa formation. L’étude d’un objet non contaminé provenant de la ceinture d’astéroïdes permet également d’approfondir notre compréhension de la formation du système solaire. « Lorsque nous étudions des météorites d’origine connue, nous pouvons découvrir à quoi ressemblent la minéralogie et la chimie de leurs corps parents. Cela nous permet de commencer à cartographier la géologie du système solaire », conclut King.

Source : A. King et al., Science Advances

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