Le mystère des gigantesques tempêtes géométriques de Jupiter est sur le point d’être résolu

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Image composite montrant un cyclone central entouré de six autres tempêtes au pôle Sud de Jupiter, disposées en hexagone. | NASA/JPL-Caltech/SwRI/ASI/INAF/JIRAM/Trust My Science
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Les planètes du système solaire diffèrent entre elles principalement par leur taille et leur composition, mais certaines se distinguent surtout par leur dynamique interne et atmosphérique. C’est notamment le cas de Jupiter, la géante gazeuse de notre système solaire. Sa dynamique météorologique pose encore bien des dilemmes aux astrophysiciens et planétologues, qui tentent d’en savoir plus notamment par le biais des nouvelles technologies d’observation équipant les sondes spatiales telles que Juno, dont les caméras ont permis de reconstituer des images composites saisissantes montrant les tempêtes de Jupiter. Aujourd’hui, des chercheurs sont sur le point d’élucider l’un des mystères les plus fascinants de Jupiter, celui de la disposition géométrique de ses impressionnants cyclones.

Dans le cadre d’une nouvelle étude, le mystère derrière le mécanisme faisant que les cyclones géants restent unis dans des configurations géométriques autour des pôles de Jupiter est sur le point d’être résolu ! Cependant, de nouvelles questions ont émergé quant à la façon dont ces objets dynamiques se sont formés en premier lieu.

Après que la sonde Juno de la NASA est entrée en orbite autour de Jupiter en 2016, l’engin spatial a découvert des cyclones géants disposés selon des motifs géométriques autour des pôles de la géante gazeuse. Au pôle Nord de la planète, il y a notamment huit cyclones entourant un vortex central, tandis qu’au pôle Sud, on peut en compter six autour de l’élément central.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

« Nous avons été surpris que les pôles de Jupiter ne soient pas comme ceux des autres planètes », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Cheng Li, spécialiste des planètes à l’université de Californie, à Berkeley. « Nous n’avions jamais rien vu de tel que ces amas de cyclones organisés selon un schéma régulier ». Les chercheurs détaillent leurs découvertes dans leur article publié le 7 septembre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Une disposition parfaitement géométrique

Chaque tempête gargantuesque a une largeur de 4000 à 7000 km et entoure son pôle respectif à une distance de 8700 km. Ces cyclones et ces configurations ont perduré pendant au moins quatre ans depuis l’arrivée de Juno sur Jupiter.

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Image composite montrant un cyclone central entouré de six autres sur Jupiter, disposés en hexagone, obtenue à l’aide de l’instrument Jovian Infrared Auroral Mapper (JIRAM) de la sonde Juno de la NASA. Nous avons placé un hexagone sur l’image afin de mettre en évidence la disposition très géométrique des cyclones. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/ASI/INAF/JIRAM/Trust My Science

Depuis leur observation, la stabilité de ces rassemblements est restée un mystère pour les scientifiques. Sur Terre, les cyclones dérivent vers le pôle mais se dissipent au-dessus des terres et des eaux froides, a déclaré Li. En revanche, Jupiter n’a ni terre ni océan, ce qui soulève la question de savoir pourquoi les cyclones n’ont pas simplement dérivé vers les pôles et fusionné. Pour prendre l’exemple de Saturne, cette dernière n’a qu’un seul cyclone à chacun de ses pôles…

« Toutes les théories précédentes prédisaient que les régions polaires des planètes géantes devraient être dominées par de gros cyclones au-dessus de leurs pôles, comme ce qui est observé sur Saturne, ou rester chaotiques », a déclaré Li, qui occupe un nouveau poste à l’université du Michigan à Ann Arbor. « Ce que nous voyons sur Jupiter signifie que ces théories précédentes sont fausses, et nous avons besoin de quelque chose de nouveau ».

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Cette image capturée par le vaisseau spatial Juno de la NASA en novembre 2019 montre six cyclones disposés selon un schéma hexagonal au pôle Sud de Jupiter. Pour l’échelle, un contour des États-Unis continentaux est superposé au cyclone central, et un contour du Texas (de taille comparable à la France !) au cyclone le plus récent. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/ASI/INAF/JIRAM

Des modèles informatiques pour élucider le mystère

Pour faire la lumière sur les cyclones de Jupiter, Li et ses collègues ont développé des modèles informatiques basés sur ce que Juno a révélé sur la taille et la vitesse des tempêtes. Ils se sont concentrés sur les facteurs qui pourraient maintenir ces modèles géométriques stables dans le temps sans qu’ils se confondent.

Les chercheurs ont découvert que la stabilité de ces modèles dépend en partie de la profondeur à laquelle les cyclones descendent dans l’atmosphère de Jupiter, mais surtout des anneaux anticycloniques autour de chaque cyclone — c’est-à-dire un anneau de vent tournant dans la direction opposée à celle dans laquelle chaque cyclone tourbillonne. Une protection trop faible contre ces anneaux anticycloniques a conduit à la fusion des cyclones, tandis qu’une protection trop importante éloignait les cyclones les uns des autres.

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Il y a beaucoup de mystères non résolus concernant ces groupes de cyclones. Par exemple, on ignore pourquoi les vortex de Jupiter occupent ce juste milieu entre « trop et trop peu de protection ». « Pour l’instant, nous n’avons aucune idée de ce qui les fait s’asseoir dans cet endroit idéal », a déclaré Li.

Les scientifiques cherchent maintenant à savoir comment ces cyclones ont pu se former au départ. Une possibilité est qu’ils se soient formés près des pôles, où ils sont actuellement situés. « L’autre, que nous pensons plus probable, est qu’ils se soient formés ailleurs et ont ensuite migré vers les pôles », a déclaré Li.

Une fois que les chercheurs auront généré des modèles informatiques basés sur les données de Juno pour voir lequel de ces scénarios de formation est le plus probable, ils pourront alors commencer à comprendre comment ces cyclones s’organisent en ces modèles stables. Pour résumer, ce n’est maintenant qu’une question de temps !

Mais il pourrait s’avérer plus difficile de répondre à cette question, car cela implique une modélisation détaillée en 3D de la façon dont ces cyclones sont générés, et il y a beaucoup de paramètres qui restent inconnus, comme leur structure verticale. « Mais nous pouvons essayer différents scénarios pour voir quelles structures verticales pourraient générer les profils de vitesse du vent que nous avons observés avec ces cyclones, et aller de l’avant à partir de là », conclut Li.

Source : Proceedings of the National Academy of Sciences

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