La naissance d’un trou noir ou d’une étoile à neutrons observée pour la première fois

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| Sloan Digital Sky Survey
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Les trous noirs et les étoiles à neutrons font partie des objets les plus mystérieux du cosmos. Bien que les modèles théoriques, couplés aux observations menées au cours des dernières années, révèlent quelques informations sur ceux-ci, de nombreuses énigmes demeurent encore à leur sujet. C’est particulièrement le cas de leur formation qui, pour la toute première fois, a été observée par une équipe internationale d’astronomes.

Une équipe internationale d’astronomes dirigée par la Northwestern University est sur le point de comprendre les propriétés de l’objet mystérieux et lumineux qui a éclairé le ciel nord cet été, surnommé AT2018cow ou « The Cow » (La Vache). Avec l’aide de l’observatoire WM Keck de Maunakea (Hawaï) et des télescopes jumeaux ATLAS de l’Institut d’astronomie de l’université d’Hawaï, l’équipe multi-institutionnelle a maintenant la preuve qu’ils ont probablement capturé le moment exact où une étoile s’est effondrée pour former un objet compact, tel qu’un trou noir ou une étoile à neutrons.

Les débris stellaires, qui s’approchaient et tourbillonnaient autour de l’horizon des événements de l’objet, provoquaient une lueur remarquablement brillante. Les résultats des observations, qui paraîtront dans la revue The Astrophysical Journal, ont été rendus publics durant une conférence de presse lors de la 233ème réunion de l’American Astronomical Society à Seattle. Cet événement rare aidera les astronomes à mieux comprendre la physique en jeu dans les premiers instants de la création d’un trou noir ou d’une étoile à neutrons.

Une invitation à rêver, prête à être portée.
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L’événement The Cow a été observé dans la galaxie naine CGCG 137-068, située à 200 millions d’années-lumière. Crédits : R. Margutti/W. M. Keck Observatory

« Selon les émissions X et UV observées, ‘The Cow’ semble provenir de la destruction d’une naine blanche par un trou noir. Mais d’autres observations sur d’autres longueurs d’onde du spectre ont conduit à notre interprétation que ‘The Cow’ est en réalité la formation d’un trou noir ou d’une étoile à neutrons » déclare Raffaella Margutti, astrophysicienne à la Northwestern University.

« Nous savons théoriquement que des trous noirs et des étoiles à neutrons se forment quand une étoile meurt, mais nous ne les avons jamais vues juste après leur naissance. Jamais » ajoute-t-elle.

Un événement aux caractéristiques inhabituelles

L’événement a été repéré pour la première fois le 16 juin, après que les télescopes ATLAS sur Haleakala et Maunaloa aient capturé une anomalie spectaculaire à 200 millions d’années-lumière, dans la constellation d’Hercules. L’objet s’est rapidement illuminé, puis a disparu presque aussi rapidement. L’événement a suscité un intérêt international immédiat et a laissé les astronomes circonspects.

« Nous pensions qu’il devait s’agir d’une supernova » indique Margutti. « Mais ce que nous avons observé a remis en question nos notions actuelles sur les processus de mort stellaire ». D’une part, le phénomène était anormalement brillant — 10 à 100 fois plus lumineux qu’une supernova typique. Il est également apparu et a disparu beaucoup plus rapidement que d’autres explosions d’étoiles connues, avec des particules voyageant à 30’000 km/s (ou 10% de la vitesse de la lumière).

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Image d’AT2018cow et de sa galaxie hôte, obtenue grâce au spectrographe DEIMOS du Keck. Crédits : R. Margutti/W. M. Keck Observatory

En seulement 16 jours, l’objet avait déjà émis la plus grande partie de sa puissance. « Nous avions compris que cette source était passée d’un état d’inactivité à un pic d’activité maximal en seulement quelques jours » déclare Ryan Chornock, astronome à l’université de l’Ohio.

Sur le même sujet : La vitesse de rotation d’un trou noir mesurée grâce à la destruction gravitationnelle d’une étoile

« Keck a joué un rôle important dans la détermination de la composition chimique et de la géométrie d’AT2018cow » explique Nathan Roth, doctorant à l’Université du Maryland. « L’instrumentation spectroscopique de Keck nous a permis d’observer l’intérieur de l’explosion, et d’en explorer les caractéristiques spectrales, notamment décalées vers le rouge ».

Lorsque Margutti et son équipe ont examiné la composition chimique de The Cow, ils ont mis en évidence des traces d’hydrogène et d’hélium, excluant ainsi les modèles de fusion d’objets compacts, comme ceux qui produisent des ondes gravitationnelles.

« Il nous a fallu un certain temps pour nous rendre compte de ce que nous examinions, je dirais des mois » révèle Brian Metzger, physicien à l’Université Columbia. « Nous avons essayé plusieurs possibilités et avons été obligés de revenir plusieurs fois sur nos hypothèses. Nous avons enfin pu interpréter les résultats, grâce au travail acharné de notre équipe incroyablement dévouée ».

Une stratégie d’observation multi-spectrale

Les chercheurs ont observé l’objet dans des rayons X durs en utilisant le réseau de télescopes de spectroscopie nucléaire de la NASA (NuSTAR), et le laboratoire d’astrophysique gamma à rayons gamma de l’Agence spatiale européenne (ESA) « INTEGRAL » dans des rayons X doux (10 fois plus puissants que les rayons X normaux). Cela inclut également la mission à miroirs multiples à rayons X de l’ESA (XMM-Newton), et pour les ondes radioélectriques, le très grand réseau (VLA, Very Large Array) de l’Observatoire de la radioastronomie nationale (NRAO).

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À gauche : Le Sloan Digital Sky Survey au Nouveau-Mexique a observé la galaxie hôte Z 137-068 en 2003, The Cow étant encore indétectable (le cercle vert indique l’emplacement où The Cow est finalement apparue). Au centre : le télescope de Liverpool situé dans les îles Canaries, en Espagne, a permis d’observer The Cow proche de son pic maximal de luminosité de l’événement, le 20 juin 2018, alors qu’elle était beaucoup plus lumineuse que la galaxie hôte. À droite : le télescope William Herschel, également situé aux îles Canaries, a pris une image haute résolution de The Cow, près d’un mois après avoir atteint son maximum de luminosité, à mesure qu’elle s’effaçait et que la galaxie hôte redevenait visible. Crédits : Daniel Perley, Liverpool John Moores University

Environ 10 fois moins d’éjecta tourbillonnaient autour de The Cow par rapport à une explosion stellaire typique. Cette absence relative de débris a permis aux astronomes de scruter directement le « moteur central » de l’objet, qui s’est révélé être un trou noir ou une étoile à neutrons.

L’équipe de Margutti a également bénéficié de la proximité relative de l’étoile avec la Terre, même si elle était localisée dans la galaxie naine lointaine CGCG 137-068. « Deux cent millions d’années-lumière représentent une faible distance en astronomie. C’est l’objet transitoire le plus proche de ce type que nous ayons jamais trouvé » conclut Margutti.

Source : NASA

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