Néonicotinoïdes : représentent-ils toujours un danger pour les abeilles après leur interdiction ?

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| Dmitri Grigoriev
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En 2013, l’Union Européenne restreint l’utilisation de trois néonicotinoïdes standards dans le cadre des cultures extérieures et, en 2018, abolit complètement leur utilisation. Ces mesures ont notamment été prises pour protéger les populations d’abeilles pollinisatrices des effets toxiques de ces nicotinoïdes, qui contribuent au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles. Mais récemment, des chercheurs ont montré que, malgré leur interdiction, des traces de néonicotinoïdes persistent dans les cultures dans des concentrations mortelles et représentent toujours un danger important pour les abeilles.

Depuis 2013, un moratoire de l’Union européenne (UE) a restreint l’application de trois néonicotinoïdes aux cultures qui attirent les abeilles en raison de leurs effets nocifs sur ces insectes.

Des chercheurs du CNRS, de l’INRA et de l’Institut de l’Abeille (ITSAP) viennent de démontrer que des résidus de ces insecticides — et en particulier d’imidaclopride — peuvent encore être détectés dans le nectar de colza dans 48% des parcelles des champs étudiées, avec des concentrations très variables au fil des années.

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Une évaluation des risques pour les abeilles, basée sur les modèles et les paramètres des agences de santé, a révélé qu’au moins 12% des champs étaient suffisamment contaminés pendant deux années sur cinq pour tuer 50% des abeilles et des bourdons qui y évoluaient. Le rôle des néonicotinoïdes dans le déclin des abeilles a conduit au moratoire de 2013 limitant l’utilisation de trois insecticides — la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame — sur les cultures attirant les abeilles pollinisatrices.

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Les néonicotinoïdes sont des agonistes de l’acétylcholine (ACh). Les molécules pesticides se lient aux récepteurs nicotiniques de l’ACh et empêchent donc celle-ci de remplir son rôle de neurotransmetteur. Les abeilles souffrent ainsi de troubles neurologiques importants avant de mourir. Crédits : Landry et Gies

En septembre 2018, leur application a été interdite sur toutes les cultures en extérieur en France. Pourtant, les néonicotinoïdes sont fréquemment détectés sur les fleurs sauvages et les cultures non traitées, suggérant leur dispersion dans l’environnement après une utilisation agricole.

Des traces persistantes de néonicotinoïdes dans les cultures de colza

Pour approfondir cette réflexion, des scientifiques ont recherché et quantifié les résidus de néonicotinoïdes dans le nectar de 291 parcelles (536 échantillons) de colza d’hiver pendant les cinq années suivant l’adoption du moratoire, de 2014 à 2018. Les résultats ont été publiés dans la revue Science of the Total Environment. Leur première observation était que les trois néonicotinoïdes en question pouvaient être trouvés dans les échantillons.

L’imidaclopride, en particulier, a été détecté chaque année dans 43% des échantillons analysés (correspondant à 48% des champs), sans tendance à la baisse au fil des années, mais avec des écarts importants entre les concentrations. En 2016, plus de 90% des parcelles échantillonnées ont été testées positives, contre 5% en 2015.

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Les néonicotinoïdes sont des pesticides extrêmement écotoxiques. En s’infiltrant dans tous les compartiments environnementaux, ils tuent indifféremment vertébrés et invertébrés. Malgré leur interdiction en 2018, des traces de ces produits persistent dans la nature à des concentrations mortelles. Crédits : Nik Harron

Les niveaux de résidus dépendent du type de sol et sont plus élevés lorsque les précipitations sont plus abondantes, mais ils ne semblent pas être directement liés à la proximité spatiale ou temporelle de cultures potentiellement traitées. Bien que 92% des échantillons positifs ne contenaient que 0.1 à 1 ng/mL d’imidaclopride, les concentrations maximales dans certains cas étaient supérieures à celles rapportées pour les parcelles traitées, atteignant jusqu’à 70 ng/mL.

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Un risque de mortalité toujours préoccupant pour les abeilles

En utilisant ces données, les évaluations de la mortalité basées sur les modèles et les paramètres des agences de santé suggèrent un risque non négligeable pour les abeilles pollinisatrices. Pour les abeilles domestiques, le risque a atteint un sommet en 2014 et 2016, alors qu’environ 50% des pollinisateurs étaient susceptibles de mourir d’imidaclopride dans 12% des parcelles étudiées. Au cours de ces années, 10 à 20% des parcelles présentaient un niveau de contamination associé au même risque de mortalité pour les bourdons et les abeilles solitaires.

Ces résultats indiquent que l’utilisation persistante de néonicotinoïdes pour certaines cultures en plein champ menace les abeilles et les pollinisateurs fréquentant d’autres cultures non traitées. Les chercheurs confirment que les résidus d’imidaclopride restent dans l’environnement et se propagent, voire se retrouvent dans le nectar de colza, même si les néonicotinoïdes ne sont plus appliqués sur les cultures de colza depuis 2013. Ils justifient également le renforcement des contrôles des pesticides par l’interdiction totale de l’utilisation de néonicotinoïdes pour toute culture en extérieur en France, adoptée en septembre 2018.

Sources : Science of the Total Environment

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