L’alopécie androgénétique, ou plus communément la calvitie, est liée à des facteurs génétiques et hormonaux et se manifeste surtout à partir de 50 ans. Mais de plus en plus de jeunes en souffrent de façon précoce. Le marché des traitements est lucratif, mais leur efficacité est faible. Récemment, des chercheurs ont mis au point un nouveau traitement injectable qui pourrait relancer la croissance des follicules dormants. Les essais chez la souris sont prometteurs et son utilisation chez l’Homme est déjà envisagée.
Chez l’homme, la prévalence de l’alopécie androgénétique, ou calvitie, devient plus fréquente avec l’âge. On estime qu’elle affecte 20% des hommes de 20 ans, 30% des hommes de 30 ans, 40% des hommes de 40 ans, etc. Chez la femme, elle est plus rare, avec seulement une femme sur cinq à 40 ans, une femme sur quatre à 60 ans.
Il faut savoir qu’il s’agit d’une maladie héréditaire causée par une sensibilité génétiquement déterminée aux effets de la dihydrotestostérone (DHT) dans certaines zones du cuir chevelu. On pense que la DHT raccourcit la phase de croissance du cycle pilaire, d’une durée habituelle de 3 à 6 ans, à quelques mois ou semaines seulement. Cela s’accompagne d’une miniaturisation des follicules et produit progressivement des cheveux moins nombreux et plus fins. La production de DHT est régulée par une enzyme appelée 5-alpha réductase.
Plusieurs gènes sont impliqués, expliquant l’âge d’apparition et la progression. Les gènes de susceptibilité sont hérités de la mère et du père. Les femmes sont moins touchées, car présentant des taux d’hormones masculines moindres. Cependant, quelques femmes présentent une perte de cheveux de type masculin car ayant des niveaux excessifs d’androgènes ainsi qu’une prédisposition génétique.
De plus en plus de jeunes consultent pour une perte de cheveux précoce, souvent liée au stress induit par la vie actuelle, à des facteurs infectieux, mais aussi à une alimentation déséquilibrée. La calvitie est un sujet de société préoccupant pour de nombreuses personnes, soulignant un manque évident de traitements efficaces.
Récemment, une équipe internationale de chercheurs, menée par l’Université de Californie d’Irvine (UCI), a découvert la voie de signalisation qui stimule la croissance des cheveux. Elle pourrait offrir un traitement génique pour l’alopécie androgénétique. L’étude est publiée dans la revue Developmental Cell.
Stimulation et pousse des poils chez la souris
Concrètement, l’équipe a déterminé le mécanisme précis par lequel les cellules de la papille dermique — des fibroblastes spécialisés dans la signalisation, situés au bas de chaque follicule pileux — favorisent une nouvelle croissance. Bien qu’il soit reconnu que les cellules des papilles dermiques jouent un rôle central dans le contrôle de la croissance des cheveux, la base génétique des molécules activatrices impliquées est mal comprise.
Maksim Plikus, Ph.D., professeur UCI de biologie du développement et cellulaire et auteur correspondant de l’étude, déclare dans un communiqué : « À différents moments du cycle de vie du follicule pileux, les mêmes cellules de la papille dermique peuvent envoyer des signaux qui maintiennent les follicules en sommeil ou déclenchent la croissance de nouveaux cheveux ».
En effet, la production de molécules activatrices par les cellules de la papille dermique est essentielle pour une croissance efficace des cheveux chez la souris et l’homme. Chez les personnes atteintes d’alopécie androgénétique, les cellules des papilles dermiques fonctionnent mal, réduisant considérablement les molécules activatrices normalement abondantes.
Un modèle de souris avec des cellules de papilles dermiques hyperactivées et une pilosité excessive, qui facilitera les futures découvertes sur la régulation de la croissance des cheveux, a été développé pour cette recherche, comme dans d’autres études sur la pilosité utilisant la reprogrammation génétique. En s’appuyant sur le séquençage de l’ARN, les chercheurs ont alors mis en évidence une molécule de signalisation SCUBE3, que les cellules de la papille dermique produisent naturellement. Les auteurs ont noté que dans la peau « normale » des souris, SCUBE3 est exprimé uniquement dans les papilles dermiques de croissance, mais pas dans les follicules au repos.
Yingzi Liu, co-premier auteur et chercheur postdoctoral à l’UCI en biologie du développement et cellulaire, explique : « L’étude de ce modèle de souris nous a permis d’identifier SCUBE3 comme la molécule de signalisation jusque-là inconnue qui peut entraîner une croissance excessive des poils ». En d’autres termes, cette molécule est le messager induisant la division des cellules souches ciliées, marquant une nouvelle phase de croissance des poils.
Espoir de chevelure abondante chez l’Homme
Par la suite, les chercheurs ont testé l’action de la molécule chez l’Homme, afin de savoir si les effets murins étaient transposables. En effet, ils ont micro-injecté SCUBE3 dans la peau de souris dans laquelle des follicules de cuir chevelu humain avaient été transplantés, induisant une nouvelle croissance à la fois dans les follicules humains dormants et dans les follicules de souris environnants. Ces tests ont confirmé que SCUBE3 active bien la croissance des cheveux dans les follicules humains.
Christian Guerrero-Juarez, co-premier auteur et chercheur postdoctoral en mathématiques à l’UCI, déclare : « Ces expériences fournissent des données de preuve de principe que SCUBE3 ou des molécules dérivées peuvent être une thérapeutique prometteuse pour la perte de cheveux ».
Actuellement, il existe deux médicaments sur le marché — le finastéride et le minoxidil — qui sont approuvés par la Food and Drug Administration pour l’alopécie androgénétique. Le finastéride n’est approuvé que pour une utilisation chez les hommes. Les deux médicaments ne sont pas universellement efficaces et doivent être pris quotidiennement pour maintenir leur effet clinique.
Maksim Plikus déclare : « Il y a un fort besoin de nouveaux médicaments efficaces contre la chute des cheveux, et les composés naturels qui sont normalement utilisés par les cellules de la papille dermique présentent des candidats de nouvelle génération idéaux pour le traitement. Notre test dans le modèle de greffe de cheveux humains valide le potentiel préclinique de SCUBE3 ».
Enfin, l’UCI a déposé une demande de brevet provisoire pour l’utilisation de SCUBE3 et ses composés moléculaires associés pour la stimulation de la croissance des cheveux. D’ailleurs, pour le magazine Wired, ce dernier explique que SCUBE3 serait injecté -dose en microgramme- quelques fois par an, à moins d’un millimètre de profondeur, donc la procédure serait courte (moins de 20 minutes) et presque indolore. D’autres recherches seront menées dans le laboratoire de Plikus et chez Amplifica Holdings Group Inc., une société de biotechnologie cofondée par Plikus.