De nouvelles preuves suggèrent que les premiers peuples américains comptaient des ingénieurs hautement qualifiés

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Les tertres monumentaux de Poverty Point. | Susan Guice
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Poverty Point est un site archéologique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, situé dans le nord-est de la Louisiane, au sud des États-Unis. Le site est remarquable pour ses monuments de terre et autres aménagements de terrain, qui remontent à plus de 3000 ans. Alors que les premiers peuples autochtones étaient considérés comme de « simples » chasseurs-cueilleurs, de récentes découvertes archéologiques montrent qu’ils ont fait preuve d’une grande ingéniosité pour édifier leurs constructions.

Le site de Poverty Point se compose d’un énorme monticule de terre de 22 mètres de haut, d’énormes demi-cercles concentriques et de travaux de terrassement connexes. Ces structures ont été construites par des chasseurs-cueilleurs, il y a environ 3400 ans, à partir de près de 2 millions de mètres cubes de terre, le tout sans outils, sans animaux domestiques, ni aucun équipement pouvant leur faciliter la tâche. « Nous avons sous-estimé les autochtones et leur capacité à faire ce travail et à le faire rapidement », a déclaré Tristram R. Kidder, auteur principal de l’article relatant les récentes découvertes.

En effet, de nouvelles fouilles ont confirmé que ces structures de terre ont été construites très rapidement — en quelques mois, voire quelques semaines — et ont malgré tout incroyablement bien résisté au temps. « L’une des choses les plus remarquables est que ces travaux de terrassement ont tenu ensemble pendant plus de 3000 ans sans défaillance ni érosion majeure. […] Ils étaient vraiment d’incroyables ingénieurs avec des connaissances techniques très sophistiquées », souligne l’anthropologiste.

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Des travaux réalisés à une vitesse exceptionnelle

De grandes quantités d’artefacts (des objets domestiques, des figurines humaines et des tonnes de pierres) ont été retrouvées sur les lieux, suggérant que des individus y vivaient. Selon Kidder, le site était probablement un site religieux important, semblable à La Mecque, où les Autochtones venaient en pèlerinage ; il a été abandonné brutalement il y a 3000 à 3200 ans, probablement en raison d’inondations documentées dans la vallée du Mississippi et du changement climatique.

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Le site de Poverty Point. La plaine inondable du Mississippi est représentée en vert. Six crêtes en forme de C sont visibles sur le site ; certaines parties ont été endommagées par les activités historiques et modernes. Les spécialistes pensent que les nombreuses zones basses autour du site (ici en jaune) sont des endroits où le sol a été extrait pour construire les crêtes et les monticules. © T.R. Kidder/Washington University St Louis

En 1991, l’archéologue Jon Gibson s’était livré à des fouilles sur le site, au niveau d’une crête appelée Ridge West 3 ; ses recherches ont suggéré que cette crête avait été érigée relativement rapidement. À l’aide de nouvelles méthodes d’analyse (micromorphologie, susceptibilité magnétique, matière volatile en suspension) et d’une nouvelle datation au radiocarbone, Kidder et son équipe ont entrepris de tester cette hypothèse de construction rapide. Leurs résultats confirment que les travaux de terrassement ont été réalisés à une vitesse exceptionnelle (pour l’époque).

Si les chercheurs peuvent l’affirmer, c’est parce qu’ils n’ont détecté aucune délimitation particulière ni aucun signe d’altération entre les différents niveaux — qui seraient nécessairement apparus s’il y avait eu ne serait-ce qu’une brève pause dans la construction. La surface du sol sous la crête semble avoir été déblayée avant les travaux ; les dépôts antérieurs à la construction sont composés de sédiments enrichis par l’homme. Les chercheurs notent que les surfaces des différentes couches ont été utilisées brièvement pendant la construction.

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Une excavation avant l’échantillonnage. Notez les changements de couleur entre les couches : les couches les plus sombres contiennent des dépôts riches en carbone créés par l’homme, tels que des résidus ou des déchets qui ont été raclés et jetés pour former la structure de la crête pendant la construction. Il y a peu de déchets organiques dans la troisième section supérieure. © T.R. Kidder

L’objectif des bâtisseurs était d’élever rapidement la crête à sa pleine hauteur. Pour ce faire, les Autochtones ont complété leur construction avec des tas et des couches de sédiments organiques pour élever davantage la hauteur et étendre les dimensions de la crête, entre chaque couche de terre. Les mesures de susceptibilité magnétique et la densité des artefacts montrent que le sommet de la crête est enfoui de 10 à 30 cm sous la surface actuelle.

Un matériau conçu pour résister à l’érosion

Tout porte à croire que ce type de construction a sans aucun doute nécessité une main-d’œuvre conséquente, organisée et dirigée par un « chef de chantier » — des comportements que l’on ne pensait pas possibles chez les chasseurs-cueilleurs pré-modernes. « Entre la vitesse de l’excavation et de la construction, et la quantité de terre déplacée, ces données nous montrent des autochtones venant sur le site et travaillant de concert. Cela en soi est remarquable car les chasseurs-cueilleurs ne sont pas censés être en mesure de faire cela », a déclaré Kidder.

Non seulement cette première civilisation a fait preuve d’une organisation insoupçonnée, mais elle semble avoir réfléchi à la durabilité de ses constructions. Car plus de 3000 ans plus tard, il s’avère qu’elles sont toujours intactes ! Pourtant, la situation géographique du site, non loin du golfe du Mexique, est particulièrement propice aux intempéries. De par les fortes précipitations, fréquentes dans la région, les structures étaient soumises au phénomène d’érosion.

Mais les analyses microscopiques ont révélé que le matériau utilisé était en réalité constitué d’un astucieux mélange d’argiles, de limon et de sable, capable de résister à ces conditions difficiles. Cette « recette » sophistiquée leur a permis d’édifier des structures pratiquement indestructibles. « Il y a là une magie que nos ingénieurs modernes n’ont pas encore réussi à comprendre », conclut Kidder.

Sources : Southeastern Archaeology, T. R. Kidder et al.

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