Des expériences menées dans l’espace, comme celle faisant appel au spectromètre magnétique Alpha arrimé à la Station spatiale internationale, recherchent des noyaux légers d’antimatière dans le but de trouver la matière noire. Pour savoir si la matière noire peut effectivement être détectée de la sorte, les scientifiques doivent déterminer le « flux » d’antinoyaux susceptibles d’arriver à proximité de la Terre, où se déroulent ces expériences. Dans une nouvelle étude, la collaboration ALICE montre que des antinoyaux légers peuvent effectivement parcourir de longues distances dans la Voie lactée sans être détruits.
ALICE (A Large Ion Collider Experiment) est un détecteur spécialisé dans la physique des ions lourds, installé sur le Grand collisionneur de hadrons (LHC). Il a été conçu pour étudier les propriétés physiques de la matière soumise à l’interaction forte, à des densités d’énergie extrêmes — des conditions dans lesquelles peut se former un plasma quarks-gluons (un état primordial de la matière qui aurait existé juste après le Big Bang).
Dans notre galaxie, les antinoyaux légers — composés d’antiprotons et d’antineutrons — peuvent être produits par des collisions de rayons cosmiques à haute énergie avec le milieu interstellaire ; ils pourraient également être produits lorsque d’hypothétiques particules susceptibles de constituer la matière noire s’annihilent mutuellement. Des noyaux d’antimatière légers, tels que l’antideutéron et l’antihélium, ont déjà été produits sur Terre, dans des accélérateurs de particules à haute énergie, mais ils n’ont encore jamais été observés avec certitude en provenance de l’espace.
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Déterminer la probabilité de disparition d’antihélium 3
« L’observation d’antinoyaux tels que l’antihélium 3 est l’une des signatures les plus prometteuses de l’annihilation de particules de matière noire, telles que des particules massives interagissant faiblement », écrivent les chercheurs dans Nature Physics. Pour calculer le flux attendu d’antinoyaux près de la Terre, il faut connaître précisément les probabilités de formation et d’annihilation d’antinoyaux dans la galaxie.
Ce flux dépend de caractéristiques telles que le type exact de source d’antimatière présente dans notre galaxie et la cadence à laquelle cette source produit des antinoyaux, mais aussi de la cadence à laquelle les antinoyaux disparaissent ensuite par annihilation ou absorption lorsqu’ils rencontrent de la matière ordinaire sur leur parcours en direction de la Terre.
La probabilité de formation d’antinoyaux légers est actuellement étudiée dans les accélérateurs de particules. Les scientifiques d’ALICE se sont attelés à déterminer la probabilité de disparition d’antihélium 3 lorsqu’il rencontre de la matière ordinaire et s’annihile ou se désintègre.
Pour ce faire, ils ont étudié la manière dont les noyaux d’antihélium-3 produits lors de collisions d’ions lourds et de protons au LHC interagissent avec le détecteur — ici, c’est le matériau du détecteur qui constitue la matière ordinaire avec laquelle interagissent les antinoyaux. En théorie, les noyaux d’hélium et d’antihélium sont produits en nombre égal ; les chercheurs ont donc déduit le nombre d’antihélium annihilés du nombre de noyaux « survivants ».
L’équipe d’ALICE a ensuite intégré le taux de disparition obtenu dans un programme informatique appelé GALPROP, qui simule la propagation des particules cosmiques, y compris les antinoyaux, dans la galaxie.
La moitié de ces particules seraient détectables près de la Terre
Les chercheurs ont étudié deux modèles de flux de noyaux d’antihélium-3 : l’un des modèles a considéré que ces antinoyaux étaient issus des interactions de rayons cosmiques avec le milieu interstellaire ; l’autre modèle a pris pour source des particules hypothétiques de matière noire, appelées « particules massives interagissant faiblement » (ou WIMP, pour Weakly Interacting Massive Particles).
Pour chaque modèle, l’équipe a évalué le degré de transparence de la Voie lactée aux noyaux d’antihélium-3, c’est-à-dire la capacité de la galaxie à laisser passer les noyaux sans qu’ils soient absorbés. Pour ce faire, l’équipe a réparti les flux selon qu’ils ont été obtenus avec disparition d’antinoyaux ou sans disparition d’antinoyaux. Pour le modèle reposant sur la matière noire, ils ont obtenu une transparence d’environ 50%, tandis que, dans le modèle prenant pour hypothèse les rayons cosmiques, la transparence variait de 25 à 90% en fonction de l’énergie de l’antinoyau.
« Les résultats indiquent que les noyaux d’antihélium 3 peuvent parcourir de longues distances dans la galaxie, et peuvent être utilisés pour étudier les interactions entre les rayons cosmiques et l’annihilation de la matière noire », concluent les chercheurs. Les distances en question sont de l’ordre de plusieurs kiloparsecs.
Cette découverte facilitera la recherche d’antimatière provenant de la matière noire, dans l’espace et au moyen de ballons stratosphériques — tel que prévu par l’expérience GAPS (General antiparticle spectrometer). « Ces résultats montrent que la recherche de noyaux d’antimatière légers en provenance de l’espace reste un moyen puissant de traquer la matière noire », souligne Luciano Musa, porte-parole d’ALICE.