Des observations d’amas stellaires remettent en question l’existence de la matière noire

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L’amas ouvert des Hyades est l’amas stellaire le plus proche du Soleil. | Jose Mtanous/NASA
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Une équipe internationale d’astrophysiciens a fait une découverte surprenante en analysant certains amas d’étoiles. Il se trouve que ces amas stellaires affichent une asymétrie inattendue en matière de distribution d’étoiles ; or, ceci vérifie davantage la théorie de la dynamique newtonienne modifiée (théorie MOND) — qui s’impose comme une alternative au concept de matière noire — que la théorie de la gravité largement admise aujourd’hui.

Cette nouvelle étude repose sur des amas d’étoiles dits « ouverts » — des amas de 4 à 5 parsecs en moyenne, de plusieurs dizaines à plusieurs milliers d’étoiles. Ces milliers d’étoiles naissent en peu de temps dans un énorme nuage de gaz et sont liées entre elles par des forces gravitationnelles. Ces amas stellaires ne survivent généralement que quelques centaines de millions d’années avant de se dissoudre : certaines étoiles se déplacent plus lentement, d’autres plus vite que l’amas dans son ensemble, emportant avec elles une partie du nuage de gaz et de poussière.

On observe alors la formation de deux « queues de marée ». L’une de ces queues s’étend derrière l’amas lorsqu’il voyage dans l’espace, tandis que l’autre s’étend vers l’avant. Les lois de la gravité de Newton prédisent qu’une étoile a autant de chance de se trouver dans la queue avant que dans la queue arrière ; ainsi, les deux queues devraient en théorie contenir un nombre d’étoiles quasi similaire. Or, en observant cinq amas ouverts connus (les Hyades, Praesepe ou amas de la Ruche, la Chevelure de Bérénice, COIN-Gaia 13 et NGC 752), des chercheurs se sont aperçus que cela n’était pas le cas.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Des simulations en parfait accord avec les observations

« Dans les amas que nous avons étudiés, la queue avant contient toujours beaucoup plus d’étoiles proches de l’amas que la queue arrière », explique le Dr Jan Pflamm-Altenburg de l’Institut Helmholtz de radioprotection et de physique nucléaire. Il n’est pas particulièrement aisé de distinguer les étoiles qui appartiennent aux queues de l’amas lorsque ce dernier est entouré de millions d’étoiles ; cela nécessite d’évaluer la vitesse, la direction du mouvement et l’âge de chacun des objets.

La Dr Tereza Jerabkova, astronome à l’Observatoire européen austral et co-auteure de l’étude, a donc mis au point une méthode — la méthode Jerabkova-compact-convergent-point (CCP) — permettant de compter avec précision les étoiles situées dans les queues de marée. Grâce aux données collectées par le satellite Gaia de l’Agence spatiale européenne, ses collègues et elle ont pu cartographier les queues de quatre amas ouverts proches, âgés de 600 à 2000 millions d’années. C’est ainsi qu’ils ont découvert que les queues de tête contenaient toutes plus d’étoiles que les queues arrière, au moins dans un rayon de 150 années-lumière du centre de l’amas.

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Dans l’amas des Hyades (en haut), le nombre d’étoiles (en noir) dans la queue de marée avant est nettement supérieur à celui de la queue arrière. Dans la simulation informatique reposant sur la théorie MOND (ci-dessous), une distribution similaire émerge. © Université de Bonn

En effectuant une série de simulations informatiques, l’équipe a constaté que cette asymétrie correspondait tout à fait aux prédictions de la théorie de la dynamique newtonienne modifiée (ou théorie MOND). « Pour faire simple, selon MOND, les étoiles peuvent quitter un amas par deux portes différentes. L’une mène à la queue de marée arrière, l’autre à l’avant. Cependant, la première est beaucoup plus étroite que la seconde, il est donc moins probable qu’une étoile quitte l’amas par cette porte. La théorie de la gravité de Newton, en revanche, prédit que les deux portes devraient avoir la même largeur », explique le professeur Pavel Kroupa, de l’Institut Helmholtz de physique des rayonnements et de physique nucléaire de l’Université de Bonn.

Une explication à la courte durée de vie des amas ouverts

Non seulement les simulations coïncidaient parfaitement avec la distribution stellaire observée, mais elles ont fourni une explication à un autre phénomène : elles ont en effet permis de déterminer que la durée de vie des amas d’étoiles ouverts était nettement plus courte (de 20 à 50% plus courte) que celle à laquelle on pourrait s’attendre selon les lois de Newton. « Cela explique un mystère connu depuis longtemps. À savoir que les amas d’étoiles dans les galaxies proches semblent disparaître plus vite qu’ils ne le devraient », a déclaré Kroupa.

De nombreuses étoiles et galaxies se déplacent trop vite par rapport à leur masse ; ainsi, dès les années 1930, les scientifiques ont émis l’hypothèse que d’énormes quantités de matière invisible — décrites aujourd’hui comme de la matière noire — pouvaient être à l’origine de ce phénomène. Bien qu’aucune preuve directe n’ait jusqu’à présent permis de confirmer son existence, la matière noire constitue encore aujourd’hui une théorie largement acceptée.

La théorie MOND a été proposée au début des années 1980 comme alternative au concept de matière noire pour expliquer pourquoi les galaxies ne semblent pas obéir aux lois de la physique actuellement admises. Elle repose sur une modification de la loi de la gravitation universelle de Newton, à des accélérations extrêmement faibles — elle prédit que les effets de la gravité sont plus forts à ces accélérations que ne le suggèrent les lois de Newton. Si elle devait se vérifier, cela aurait évidemment des conséquences considérables pour d’autres domaines de la physique ; selon Kroupa, il faudrait complètement « réinventer la cosmologie ». C’est pourquoi davantage de preuves seront nécessaires.

La théorie MOND est encore très controversée, mais l’équipe explore maintenant de nouvelles méthodes mathématiques pour des simulations encore plus précises. Elles pourraient ensuite être appliquées à d’autres observations et peut-être, apporter de nouvelles preuves en faveur de cette théorie alternative.

Source : P. Kroupa et al., Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

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