Les orangs-outans seraient de véritables « beatboxers » de la jungle. Une découverte éclairant l’origine du langage humain

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La bioacoustique, étude des sons produits par les organismes vivants, connaît un essor grâce à de nouvelles technologies d’enregistrement et d’analyse. D’autant plus que certaines vocalisations animales jouent un rôle déterminant dans la compréhension de l’évolution du langage. Récemment, des chercheurs ont démontré que les orangs-outans sont capables de produire deux sons distincts simultanément, une capacité connue sous le nom de biphonation. Cette découverte, qui révèle une complexité vocale insoupçonnée chez ces primates, suggère que le langage humain a probablement évolué à partir de capacités vocales complexes déjà présentes chez nos ancêtres hominidés.

Dans le domaine de la communication animale, les vocalisations occupent une place centrale, servant de moyen de transmission d’informations vitales pour la survie et la reproduction des espèces. Alors que l’homme a longtemps considéré son langage comme une caractéristique distincte, des recherches récentes ont commencé à remettre en question cette notion, révélant des formes de communication sophistiquées chez de nombreuses espèces animales.

Les orangs-outans, ces grands singes originaires d’Asie du Sud-Est, ont récemment fait l’objet d’une étude particulièrement intéressante. Des chercheurs de l’Université de Warwick ont révélé que ces primates sont capables de produire deux sons distincts simultanément, une capacité jusqu’alors observée seulement chez les oiseaux chanteurs et les beatboxers humains. Cette découverte, qui met en lumière la complexité du langage animal, pourrait également avoir des implications majeures pour notre compréhension de l’évolution du langage humain. L’étude est publiée dans la revue PNAS Nexus.

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Un langage musical chez les orangs-outans

Cette capacité de biphonation a été mise en évidence chez deux populations d’orangs-outans à Bornéo et à Sumatra. À Bornéo, les grands mâles orangs-outans ont été observés en train de produire des sons appelés « chomps », qui sont des bruits de mastication forts, en combinaison avec des « grumbles », des grognements bas. Ces deux types de sons sont produits simultanément dans des situations de combat, probablement pour intimider leurs adversaires et affirmer leur dominance.

D’autre part, à Sumatra, les femelles orangs-outans ont été observées produisant des « kiss squeaks », des sons aigus ressemblant à des bisous, en même temps que des « rolling calls », des appels roulants longs et bas. Ces deux types de sons sont produits simultanément pour alerter d’une possible menace de prédateur. Les « kiss squeaks » attirent l’attention des autres membres du groupe, tandis que les « rolling calls » servent à localiser la source de la menace.

Ces observations suggèrent que la biphonation chez les orangs-outans n’est pas seulement une capacité vocale complexe, mais qu’elle est également utilisée de manière stratégique en fonction du contexte social et environnemental.

Des implications pour la compréhension de l’évolution du langage humain

Le Dr Adriano Lameira, professeur agrégé de psychologie à l’Université de Warwick et co-auteur, explique dans un communiqué : « Il est possible que le langage humain primitif ressemblait plus à du beatboxing, avant que l’évolution n’organise le langage dans la consonne — structure de voyelle que nous connaissons aujourd’hui ».

Le beatboxing, une performance vocale qui imite les rythmes complexes de la musique hip-hop, est l’une des rares occasions où les humains produisent des bruits voix et non-voix simultanément. Les chercheurs écrivent que le fait que les humains soient anatomiquement capables de faire du beatboxing soulève des questions sur l’origine de cette capacité. La réponse pourrait se trouver dans l’évolution de nos ancêtres.

Une analogie avec le chant des oiseaux

Les capacités de contrôle et de coordination vocale des grands singes ont été sous-estimées par rapport à l’accent mis sur les performances vocales des oiseaux chanteurs. En effet, leur capacité de produire deux sons simultanément a longtemps été considérée comme un phénomène unique à ces espèces.

De plus, le chant des oiseaux, avec sa complexité et sa diversité, ressemble à certains égards au langage parlé. Mais l’anatomie des oiseaux, notamment leur appareil vocal, est très différente de la nôtre, ce qui rend difficile l’établissement de liens directs entre le chant des oiseaux et l’évolution du langage humain. Il manquait jusqu’à présent un élément pour comprendre la survenue de cette faculté chez nous.

Les conclusions des chercheurs chez les orangs-outans apportent une nouvelle perspective à cette question. Les grands singes, dont nous sommes les plus proches parents sur le plan évolutif, partagent une anatomie vocale plus similaire à la nôtre. Le fait que ces primates soient capables de produire deux sons simultanément suggère que cette capacité vocale complexe fait partie du répertoire des grands singes, donc chez nos ancêtres communs.

Il est crucial de ne pas ignorer les liens évolutifs entre les humains et les autres primates dans notre quête pour comprendre l’origine et l’évolution du langage humain.

Un appel à la conservation des grands singes

La révélation de la biphonation chez les orangs-outans met en exergue l’importance de la conservation de ces animaux. Ils sont une source précieuse d’informations sur notre propre histoire évolutive. Cependant, les orangs-outans sont aujourd’hui une espèce en danger critique d’extinction, principalement en raison de la déforestation et du braconnage. Leur disparition serait non seulement une tragédie en soi, mais signifierait également la perte d’une partie de notre histoire. Il est donc capital de mettre en place des mesures pour protéger ces animaux et leur habitat.

Cela comprend la mise en œuvre de politiques de conservation efficaces, la lutte contre le commerce illégal d’animaux sauvages et la promotion de pratiques durables dans l’industrie de l’huile de palme, qui est l’une des principales causes de la déforestation dans les habitats des orangs-outans. En outre, la recherche sur les orangs-outans et d’autres grands singes doit être soutenue et encouragée, car elle peut nous aider à comprendre non seulement ces animaux eux-mêmes, mais aussi notre propre espèce et notre place dans le monde naturel.

Source : PNAS Nexus

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