Un ordinateur quantique utilisé pour la première fois dans un cas réel de chimie

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Les ordinateurs quantiques sont voués à résoudre des problèmes mathématiques complexes en un temps record. On s’attend par conséquent à ce qu’ils offrent de nouvelles possibilités dans de nombreuses industries, y compris dans l’industrie chimique, où ils pourraient aider à mettre au point de nouveaux médicaments ou simuler le comportement de nouveaux matériaux. Des chercheurs de l’Université de technologie de Chalmers, en Suède, annoncent avoir utilisé pour la première fois un ordinateur quantique pour effectuer des calculs moléculaires de haute précision.

En chimie quantique, les chercheurs utilisent les lois de la mécanique quantique pour comprendre quelles réactions chimiques sont possibles, quelles structures et quels matériaux peuvent être développés et quelles sont leurs caractéristiques. Le but ? Identifier les arrangements moléculaires les plus avantageux. Pour ce faire, ils utilisent généralement des superordinateurs, basés sur des circuits logiques conventionnels. Mais même ces machines hors normes sont limitées. Les lois de la mécanique quantique étant dédiées aux phénomènes se déroulant à l’échelle atomique et subatomique, de nombreux chercheurs pensent qu’un ordinateur quantique pourrait être plus adapté à ce genre de calculs.

« Les ordinateurs quantiques pourraient en théorie être utilisés pour traiter les cas où les électrons et les noyaux atomiques se déplacent de manière plus compliquée. Si nous parvenons à exploiter pleinement leur potentiel, nous devrions pouvoir repousser les limites de ce qu’il est possible de calculer et de comprendre », explique Martin Rahm, professeur associé de chimie théorique au Département de chimie et de génie chimique. Si l’informatique quantique a beaucoup progressé ces dernières années, les qubits sont encore très vulnérables aux perturbations de leur environnement, ce qui génère des erreurs de calcul. Rahm et ses collègues ont développé une méthode qui permet de corriger ces erreurs dues au bruit.

Une précision améliorée de deux ordres de grandeur

L’un des principaux défis à relever pour réaliser un calcul quantique pratique en chimie est la sensibilité des dispositifs quantiques au bruit. Les erreurs dues au bruit peuvent être causées par plusieurs facteurs tels que l’émission spontanée, l’imperfection du contrôle et de la mesure, et le couplage indésirable avec l’environnement, expliquent les chercheurs. Ainsi, plusieurs méthodes d’atténuation des erreurs ont été développées pour améliorer la qualité des mesures.

Leur méthode, appelée « Reference-State Error Mitigation » (REM), est applicable sur une large gamme d’intensités de bruit et est peu coûteuse ; elle peut en outre être couplée à d’autres méthodes d’atténuation, précise l’équipe. Elle repose sur ce qu’ils nomment « un état de référence », qui représente une description plus simple d’une molécule que celle du problème original destiné à être résolu par l’ordinateur quantique. Cet état de référence est obtenu en résolvant le même problème à la fois sur un ordinateur quantique et sur un ordinateur conventionnel.

Ce dernier peut résoudre rapidement la version simplifiée du problème. En comparant les résultats fournis par les deux ordinateurs, les chercheurs peuvent estimer avec précision la quantité d’erreurs causées par le bruit dans le calcul exécuté par l’ordinateur quantique. Les différences entre les résultats sont ensuite utilisées pour corriger la solution du problème original, plus complexe, lorsqu’il est exécuté sur le processeur quantique.

Rahm et son équipe ont appliqué cette nouvelle méthode en effectuant des calculs avec l’ordinateur quantique Särimner de Chalmers — un processeur quantique à cinq qubits. Ils ont ainsi réussi à calculer avec une grande précision l’énergie de l’état fondamental de plusieurs petites molécules telles que le dihydrogène ou l’hydrure d’hélium ; ils rapportent une amélioration de la précision allant jusqu’à deux ordres de grandeur (ce, en utilisant conjointement une méthode d’atténuation des erreurs de lecture).

Une technique d’atténuation qui ne génère aucun coût supplémentaire

Des calculs équivalents peuvent être effectués plus rapidement sur un ordinateur conventionnel, mais cette nouvelle méthode représente un développement important et constitue la première démonstration d’un calcul de chimie quantique sur un ordinateur quantique en Suède, souligne le communiqué de l’Université. « La méthode REM améliore considérablement la précision de calcul à laquelle les énergies totales des molécules peuvent être calculées à l’aide du matériel quantique actuel », concluent les chercheurs.

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(En haut) Surfaces d’énergie potentielle pour la dissociation de H2 et HeH+. Les solutions exactes, sans bruit, provenant de simulations de vecteur d’état, sont représentées par des lignes noires. Les résultats obtenus après atténuation des erreurs de lecture et la méthode REM sont représentés par des croix oranges et des carrés verts, respectivement. La combinaison des deux méthodes est représentée par des étoiles rouges. (En bas) Erreur des différentes approches par rapport à la solution exacte. © P. Lolur et al.

Les utilisations concrètes comme celles-ci aident à mieux comprendre le fonctionnement de l’ordinateur quantique et à identifier les moyens de l’améliorer. « L’étude est une preuve de concept que notre méthode peut améliorer la qualité des calculs de chimie quantique. C’est un outil utile que nous utiliserons pour améliorer nos calculs sur les ordinateurs quantiques à l’avenir », a déclaré Martin Rahm. Ses collègues et lui se sont concentrés ici sur de petites molécules (H2, HeH+, LiH, BeH2), mais ils pensent qu’il est possible d’améliorer encore la méthode pour les calculs moléculaires beaucoup plus complexes, qui seront effectués par la prochaine génération d’ordinateurs quantiques.

Ils rappellent qu’aucune technique d’atténuation unique ne résoudra complètement le problème du bruit, et la méthode REM ne fait pas exception. Mais l’un de ses points forts est sa capacité à être combinée à d’autres techniques d’atténuation des erreurs sans entraîner de coûts supplémentaires (elle n’entraîne pas de surcharge de calcul classique ou quantique significative).

Les recherches ont été menées en étroite collaboration avec des collègues du Département de microtechnique et de nanoscience, qui ont construit les ordinateurs quantiques utilisés dans l’étude et ont aidé à effectuer les mesures sensibles nécessaires aux calculs. « Les calculs chimiques sont l’un des premiers domaines où nous pensons que les ordinateurs quantiques seront utiles, c’est pourquoi notre collaboration avec le groupe de Martin Rahm est particulièrement précieuse », a déclaré Jonas Bylander, professeur associé en technologie quantique au Département de microtechnique et de nanoscience.

Source : P. Lolur et al., Journal of Chemical Theory and Computation

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