Où mènent les trous noirs ?

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Les trous noirs font certainement partie des objets les plus étranges du catalogue cosmique. Prédits par les équations de la relativité générale d’Albert Einstein, leur existence ne fait aujourd’hui plus débat, la collaboration de l’Event Horizon Telescope ayant publié la première image de l’aspect structurel d’un trou noir en 2019. Mais malgré tous les indices observationnels que nous possédons sur ces objets, nous ne savons toujours pas précisément ce qu’il se trouve à l’intérieur. Plusieurs théories, comme la théorie des supercordes et la gravité quantique à boucles, ont fourni des éléments théoriques de réponse, mais la question reste encore aujourd’hui en suspend. 

Le rayon d’un trou noir est proportionnel à sa masse, cela signifie que la densité d’un trou noir est inversement proportionnelle à sa masse. En d’autres termes, plus un trou noir est petit, plus il sera dense, et plus son attraction gravitationnelle sera intense aux abords de son horizon des événements. Essayer d’entrer dans un trou noir stellaire, c’est prendre le risque de se faire immédiatement spaghettifier, c’est-à-dire être étiré puis détruit par les forces de marées extrêmes du trou noir.

Les trous noirs supermassifs sont bien moins denses, il est donc possible de s’en approcher, et même de passer leur horizon des événements sans courir le moindre risque (en mettant bien entendu de côté les radiations ultra-énergétiques provenant du disque d’accrétion qui cuiraient n’importe quel astronaute sur place). Cependant, Einstein était clair sur ce point : peu importe que l’on arrive à entrer ou pas dans un trou noir, sa singularité centrale serait le point final du voyage. Mais est-ce vraiment le cas ?

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Trous de ver : des passages spatio-temporels à l’intérieur des trous noirs ?

Au fil des ans, les scientifiques ont étudié la possibilité que les trous noirs puissent être des trous de ver menant vers d’autres galaxies. Ils pourraient même être, comme certains l’ont suggéré, un chemin vers un autre univers. Une telle idée circule depuis un certain temps : Einstein s’est associé à Nathan Rosen pour théoriser des ponts reliant deux points différents de l’espace-temps en 1935.

Mais la théorie a gagné du terrain dans les années 1980 lorsque le physicien Kip Thorne — l’un des principaux experts sur les implications astrophysiques de la théorie de la relativité générale d’Einstein — a soulevé une discussion sur la question de savoir si les objets pouvaient physiquement les traverser. Toutefois, il semble peu probable que des trous de ver existent.

trou noir ver blanc voyage interstellaire matière exotique
Bien qu’ils soient une solution possible aux équations de la relativité générale, les trous de ver nécessitent de la matière exotique pour rester stables. Toutefois, selon plusieurs physiciens (par ex. Jefferis et al.), il pourrait exister une configuration stable de trou de ver ne nécessitant pas une telle matière. Crédits : Andrzej Wojcicki/Getty

En effet, Thorne, qui a prêté ses conseils d’expert à l’équipe de production du film Interstellar, a écrit : « Nous ne voyons aucun objet dans notre univers qui pourrait devenir un trou de ver en vieillissant », dans son livre « The Science of Interstellar ». Thorne explique que les voyages à travers ces tunnels théoriques resteront très probablement de la science-fiction, et il n’y a certainement aucune preuve solide qu’un trou noir puisse permettre un tel passage.

Trous noirs : des passerelles vers des trous blancs ?

Si les trous noirs mènent à d’autres galaxies ou d’autres univers, il pourrait se trouver son exact opposé à l’extrémité du tunnel. Par exemple, un trou blanc, une théorie avancée par le cosmologiste russe Igor Novikov en 1964. Novikov a proposé qu’un trou noir soit lié à un trou blanc qui existait dans le passé. Contrairement à un trou noir, un trou blanc permet à la lumière et à la matière de sortir, mais ces dernières ne peuvent pas y entrer.

Les physiciens ont continué à explorer le lien potentiel entre les trous noirs et les trous blancs. Dans leur étude de 2014 publiée dans la revue Physical Review D, les physiciens Carlo Rovelli et Hal M. Haggard affirmaient qu’ « il existe une métrique classique satisfaisant les équations d’Einstein en dehors d’une région d’espace-temps finie où la matière s’effondre dans un trou noir puis émerge d’un trou blanc ».  En d’autres termes, la matière absorbée par les trous noirs peut-être rejetée, et les trous noirs peuvent eux-mêmes devenir des trous blancs à leur mort.

Loin de détruire les informations qu’il absorbe, l’effondrement d’un trou noir serait stoppé. Il subirait plutôt un rebond quantique, permettant aux informations de s’échapper. Si tel était le cas, cela conforterait une proposition de l’ancien cosmologiste et physicien théoricien de l’Université de Cambridge, Stephen Hawking, qui, dans les années 1970, a exploré la possibilité que les trous noirs émettent des particules et des radiations à la suite de fluctuations quantiques aux abords de leur horizon.

Hawking a calculé que le rayonnement entraînerait la perte d’énergie, le rétrécissement et la disparition d’un trou noir, comme décrit dans son article de 1976 publié dans la revue Physical Review D. Selon ses affirmations selon lesquelles le rayonnement émis serait aléatoire et ne contiendrait aucune information sur ce qui a été absorbé, le trou noir, lors de son évaporation, effacerait toute l’information contenue.

transition trou noir trou blanc gravité quantique boucles
Vue d’artiste de la transition entre trou noir et trou blanc. En utilisant la gravité quantique à boucles, Ashtekar, Olmedo et Singh montrent que les trous noirs évoluent en trous blancs. Crédits : F. Vidotto

Cela signifiait que l’idée de Hawking était en contradiction avec la mécanique quantique affirmant que l’information ne peut pas être détruite. L’idée de Hawking a conduit au « paradoxe de l’information du trou noir » et a longtemps intrigué les scientifiques. Certains ont dit que Hawking avait tout simplement tort, et l’homme lui-même a même déclaré qu’il avait commis une erreur lors d’une conférence scientifique à Dublin en 2004.

Dans leur étude de 2013 publiée dans Physical Review Letters, Jorge Pullin de la Louisiana State University et Rodolfo Gambini de l’Université de la République de Montevideo, en Uruguay, ont appliqué la gravité quantique à boucles à un trou noir et ont constaté une dynamique gravitationnelle cohérente avec l’existence d’une sortie de la matière. Les résultats ont donné une crédibilité supplémentaire à l’idée de trous noirs servant de ponts dans l’espace-temps. Dans cette étude, la singularité n’existe pas, elle ne forme donc pas une barrière impénétrable qui finit par écraser tout ce qu’elle rencontre. Cela signifie également que l’information ne disparaît pas.

Une voie sans issue

Pourtant, les physiciens Ahmed Almheiri, Donald Marolf, Joseph Polchinski et James Sully pensaient, quant à eux, que Hawking avait raison. Ils ont travaillé sur une théorie connue sous le nom de pare-feu AMPS, ou hypothèse du pare-feu du trou noir. Selon leurs calculs, la mécanique quantique pourrait transformer l’horizon des événements en un immense mur de feu et tout ce qui entrerait en contact brûlerait en un instant. En ce sens, les trous noirs ne mènent nulle part, car rien ne pourra jamais y pénétrer.

Ceci, cependant, viole la théorie de la relativité générale d’Einstein. Une personne traversant l’horizon des événements ne devrait pas ressentir d’effets particuliers, car elle serait en chute libre et, selon le principe d’équivalence, cette personne ne ressentirait pas les effets extrêmes de la gravité. Et même si cela ne violait pas la relativité générale, cette hypothèse entrerait en contradiction avec la théorie quantique des champs.

Hawking est allé jusqu’à dire que les trous noirs n’existent peut-être même pas. « Les trous noirs devraient être redéfinis comme des états liés métastables du champ gravitationnel », a-t-il écrit. Il n’y aurait pas de singularité, et tandis que le champ apparent se déplacerait vers l’intérieur en raison de la gravité, il n’atteindrait jamais le centre et ne formerait donc jamais de singularité.

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