Découverte d’une phase de transition cachée entre l’état liquide et solide du verre et du plastique

transition phase liquide solide
| Kranthi Mandadapu/Université de Californie
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À l’heure actuelle, la dynamique moléculaire régissant les matériaux amorphes — le verre et le plastique — demeure en grande partie mystérieuse. En effet, malgré leur apparence a priori solide, ils sont dans un état liquide « surfondu », qui s’écoule extrêmement lentement. Des chercheurs suggèrent maintenant une meilleure description de cette caractéristique, par le biais d’une théorie de phase de transition cachée entre l’état liquide et solide.

Les matériaux amorphes sont caractérisés par une structure moléculaire particulière qui ne s’arrange jamais de manière ordonnée. Contrairement à de nombreux matériaux qui se solidifient et forment un arrangement moléculaire ordonné en refroidissant (cristallisation), les atomes d’un matériau amorphe sont distribués de manière aléatoire comme dans un liquide — malgré son apparence solide. Ces matériaux, appelés liquides « surfondus », ne sont pas entièrement solidifiés et continuent donc de s’écouler très lentement.

Un matériau en surfusion conserve les caractéristiques d’une phase liquide, alors que sa température est nettement inférieure à celle de la transition vitreuse. Cet état dit « métastable » peut brusquement changer en réponse à une petite perturbation, pour se diriger vers le même état qu’un solide conventionnel. Au cours de ce processus de début de rigidité, le matériau atteint un tel état de viscosité qu’il ne s’écoule quasiment plus.

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Il s’agirait d’une phase de transition encore incomprise, que des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab) de l’Université de Californie tentent d’expliquer. Une meilleure compréhension du phénomène pourrait ouvrir la voie à la conception de matériaux plus performants pour les dispositifs médicaux, les excipients médicamenteux, les supports biocompatibles, etc.

transition liquide solide
(À gauche) au-dessus de la température de transition vitreuse, un matériau 2D amorphe présente un comportement liquide normal avec toutes les particules se déplaçant de la même manière (jaune). (À droite) En dessous de cette température, il devient surfondu, avec l’apparition d’une rigidité conduisant à quelques particules mobiles (jaune) parmi des régions figées de type solide (bleu). © Kranthi Mandadapu

Des calculs basés sur un modèle bidimensionnel

Un liquide surfondu montre une hétérogénéité dynamique. Cela signifie que les particules qui le composent se déplacent continuellement et les configurations moléculaires ne cessent de passer d’un état à l’autre. Les régions où se déroulent ces changements sont localisées et sont catégorisées en tant qu’excitations, régissant les « sauts » de particules. Ce processus est basé sur la théorie de la facilitation dynamique, selon laquelle l’hétérogénéité dynamique facilite la formation et la relaxation d’excitations adjacentes, de manière hiérarchique. Toutefois, ce mécanisme de relaxation semble différent pour les liquides en surfusion, au-dessus de la température de transition vitreuse.

Différentes théories ont été évoquées pour expliquer la dynamique des liquides surfondus. Kranthi Mandadapu, chercheur au Berkeley Lab, explique que « la température de transition vitreuse est comme une température de fusion qui fait fondre un liquide surfondu en un liquide. Cela devrait être pertinent pour tous les liquides surfondus ou les systèmes vitreux ». Cependant, aucune hypothèse n’a jusqu’à présent permis d’établir la physique régnant au-dessus et en dessous de cette température de transition. En effet, de nombreuses questions restaient sans réponse : quels sont les mécanismes microscopiques régissant ce seuil et permettant de différencier les liquides surfondus des liquides normaux ? Comment relier les liquides en surfusion à la nature des solides à des échelles de temps intermédiaires ?

Pour tenter de répondre à ces questions, Mandadapu et ses collègues ont analysé des excitations dans un modèle de liquide surfondu bidimensionnel, en les traitant comme étant des défauts au sein d’un solide cristallin. « Notre théorie prédit la température de transition mesurée dans les systèmes modèles et explique pourquoi le comportement des liquides surfondus autour de cette température rappelle les solides, même si leur structure est la même que celle des liquides », suggèrent-ils. Plus précisément, l’analyse consistait à déterminer les structures moléculaires différenciant un liquide en surfusion d’un liquide à haute température. Leur article est disponible sur le serveur PNAS.

D’après leurs calculs, à mesure que le liquide en surfusion atteint la température de transition, chaque paire de molécules liées par des défauts se sépare pour former une paire non liée. À cette température, la dissociation des défauts fait perdre sa rigidité à la structure pour se comporter tel un liquide conventionnel, selon les chercheurs. En outre, au cours de l’excitation et sur de courtes périodes, quelques particules se mettent à se déplacer tandis que le reste de la structure reste figé. La théorie suggère qu’il s’agit de propriétés jusqu’ici inconnues de la dynamique vitreuse.

Prochainement, les scientifiques comptent étendre leur modèle aux systèmes tridimensionnels. Davantage de recherches seront également effectuées pour expliquer comment les excitations localisées provoquent celles adjacentes et entraînent une relaxation de l’ensemble du liquide. Plus important encore, les résultats devront être vérifiés de manière empirique, particulièrement en vue des avancées en matière d’imagerie à superrésolution.

Source : PNAS

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