Mars est secouée par une série de séismes jamais détectés auparavant

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Vue d’artiste de la structure interne de Mars. | IPGP/David Ducros
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Deux scientifiques ont récemment découvert près d’une cinquantaine de séismes jamais détectés jusqu’alors sur la planète rouge. Ces tremblements de terre sont tous localisés sous une région baptisée Cerberus Fossae, une zone de failles identifiée comme étant sismiquement très active. Selon les deux spécialistes, ces séismes pourraient être causés par l’activité magmatique du manteau martien. Le fait qu’il soit toujours actif pourrait par ailleurs aider à comprendre pourquoi la planète Mars n’a plus de champ magnétique.

Hrvoje Tkalčić, chercheur géophysicien à l’Université nationale australienne et Weijia Sun, de l’Académie chinoise des sciences de Pékin, ont découvert ces nouveaux tremblements de terre grâce aux données collectées par le sismomètre embarqué sur l’atterrisseur InSight de la NASA — qui se trouve sur Mars depuis le mois de novembre 2018. À l’aide d’un nouvel algorithme, les deux chercheurs ont détecté parmi les signaux enregistrés par la sonde pas moins de 47 nouveaux séismes sur une période d’environ 350 sols (soit environ 359 jours terrestres).

« Ils se sont produits à tous les moments de la journée martienne, excluant ainsi la modulation des marées (par exemple, Phobos) comme cause », précisent-ils dans Nature Communications (Phobos est le plus grand et aussi le plus proche des deux satellites naturels de Mars). Les séismes détectés jusqu’alors par la NASA semblaient ne se produire que durant la nuit martienne, lorsque la planète était plus calme — le niveau de bruit étant plus faible, les tremblements les plus infimes devenaient détectables. Cette sismicité continue suggère que les mouvements du magma sous la région de Cerberus Fossae en sont la cause.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

La preuve d’une activité magmatique continue

Entre février 2019 et mars 2020, le sismomètre de la sonde InSight a permis de détecter 465 séismes, certains à haute fréquence (aux alentours de 2,4 Hz), voire à très haute fréquence (supérieure à 5 Hz), d’autres à basse fréquence. Parmi les séismes de basse fréquence (une quarantaine seulement), l’épicentre de deux d’entre eux a été localisé sous Cerberus Fossae. La nouvelle méthode de recherche mise au point par Tkalčić et Sun a permis de mettre en évidence de nouveaux événements basse fréquence, très similaires aux deux qui ont été précédemment géolocalisés.

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A- Le site d’atterrissage d’InSight est marqué par un triangle bleu, les étoiles noires indiquent les deux séismes précédemment identifiés. B- Les formes d’onde à trois composantes de l’événement S0173a ; les lignes verticales bleues et rouges indiquent les arrivées de l’onde P et de l’onde S. C- identique à B, mais pour l’événement S0235b. © W. Sun et al.

Certains séismes de courtes durées étaient auparavant associés à des contraintes thermiques. Ces tremblements de mars liés à la chaleur ont une fréquence relativement élevée (entre 5 et 30 Hz), et ne se produisent que pendant une fenêtre de temps de 2 heures autour du coucher du soleil, en raison de variations de température importantes. Ils sont localisés près de l’atterrisseur InSight et demeurent relativement proches de la surface. Mais compte tenu de leur fréquence et de l’heure à laquelle ils apparaissent, les séismes nouvellement détectés ne peuvent être induits par la température.

Les deux chercheurs estiment par ailleurs impossible que la modulation des marées dans le système Mars-Phobos soit à l’origine de ces séismes. De même, leur profondeur importante et leur caractère hautement répétitif rendent moins plausible le fait qu’ils résultent d’activités tectoniques au niveau des failles. À l’instar de ce que l’on observe sur Terre, cette région de la planète rouge pourrait donc être régulièrement agitée de tremblements de terre dus à l’activité magmatique qui se déroule sous sa surface. La nature répétitive de ces tremblements de terre et le fait qu’ils aient tous été détectés dans la même zone de la planète suggèrent que Mars est bien plus active sur le plan sismique que les scientifiques ne le pensaient jusqu’à présent, explique Hrvoje Tkalčić dans un communiqué.

Une convection propice à la formation d’un champ magnétique

L’analyse des ondes sismiques permet d’en savoir plus sur la composition de l’intérieur d’une planète, en l’occurrence, sur la nature et l’état actuel du manteau et du noyau de Mars. Mais la découverte de cette activité sismique a bien d’autres implications : « Savoir que le manteau martien est toujours actif est crucial pour notre compréhension de l’évolution de Mars en tant que planète », a déclaré Tkalčić. La découverte de ces séismes de très faible magnitude (si faible qu’ils seraient à peine perceptibles sur Terre) pourrait même aider à comprendre pourquoi Mars est aujourd’hui dépourvue de champ magnétique.

Rappelons que le champ magnétique terrestre — grâce auquel nous sommes protégés des particules du vent solaire — est créé par l’effet de dynamo dû aux mouvements de convection dans le noyau terrestre externe, composé à 90% de fer liquide ; ces mouvements sont eux-mêmes générés par le refroidissement progressif du noyau externe. Or, la découverte de Tkalčić et Sun indique qu’une convection se produit bel et bien à l’intérieur de Mars. « La convection dans les manteaux planétaires facilite l’échange de chaleur à la frontière noyau-manteau et, par conséquent, le fonctionnement d’une dynamo », notent les chercheurs dans leur article.

Ils en déduisent qu’un autre mécanisme doit nécessairement empêcher le développement d’un champ magnétique sur cette planète. La convection mantellique a-t-elle cessé dans le passé ? Le noyau martien est-il complètement fondu ou au contraire, complètement solidifié ? L’épaisseur de noyau liquide est-elle trop mince pour permettre un fonctionnement en dynamo ? C’est ce que tentent de savoir les scientifiques. « Comprendre le champ magnétique de Mars, comment il a évolué et à quel stade de l’histoire de la planète il s’est arrêté est évidemment important pour les missions futures et est essentiel si les scientifiques espèrent un jour établir la vie humaine sur Mars », souligne Tkalčić.

Source : W. Sun et al., Nature Communications

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