Pluton pourrait avoir hébergé un océan souterrain dès sa formation

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| NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
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Pluton serait finalement moins « hostile » que ne le pensaient les experts. De récentes analyses suggèrent en effet que cette planète naine, composée principalement de roche et de glace, aurait pu posséder un océan souterrain au tout début de sa formation. Cela signifie qu’elle était potentiellement propice à l’apparition de la vie.

Aujourd’hui, il est admis qu’un océan se cache sur Pluton, sous une épaisse couche de glace. Cette planète se serait formée par accrétion de matériaux froids, puis un océan souterrain serait apparu plus tard, suite au réchauffement causé par la désintégration radioactive. Mais des chercheurs suggèrent aujourd’hui que Pluton était en réalité relativement chaude au moment de sa formation et comportait déjà un océan souterrain au tout début de sa vie.

Une extension rapide de la surface dès sa naissance

Des études antérieures ont supposé que Pluton se serait formée via l’accrétion de roches froides et glacées issues de la ceinture de Kuiper, une zone du Système solaire en forme d’anneau, qui s’étend au-delà de Neptune et constituée de petits objets glacés. L’océan qui se trouve sous son épaisse coquille gelée se serait formé, quant à lui, relativement tardivement, de par la chaleur dégagée par les réactions nucléaires au cœur de Pluton. Dans ce scénario, basé sur une formation « à froid », la coquille de glace aurait ainsi subi une compression précoce, suivie d’une extension plus récente.

Pluton est un monde gelé, dont la température de surface frôle les 45 K (soit environ -228 °C). « Je trouve étonnant qu’en observant la géologie de cette surface, nous puissions en déduire que Pluton a eu une formation rapide et violente, suffisante pour réchauffer l’intérieur et former un océan souterrain », remarque Carver Bierson, planétologue à l’UC Santa Cruz et auteur principal de l’étude. Ses collaborateurs et lui soutiennent qu’au contraire, Pluton s’est formée dans des conditions « chaudes ».

La sonde New Horizons – lancée par la NASA en 2006 – a apporté de nouveaux éléments, qui viennent étayer cette nouvelle théorie. Plusieurs caractéristiques d’extension ont été relevées sur Pluton et sur Charon, son plus grand satellite. Comme l’eau se dilate lorsqu’elle gèle, cette extension est le résultat naturel d’un océan souterrain qui se recongèle : la surface de la planète s’étire, créant des structures géologiques caractéristiques. Les observations géologiques, réalisées par la sonde lorsqu’elle a survolé Pluton en 2015, ont été comparées à diverses simulations d’évolution thermique de la planète.

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Les flèches indiquent l’emplacement des failles d’extension à la surface de Pluton, révélant l’expansion de sa croûte, qui, selon les scientifiques, est due au gel d’un océan souterrain. Crédits : NASA/Laboratoire de physique appliquée de l’Université Johns Hopkins/Southwest Research Institute/Alex Parker

Il se trouve que si Pluton avait été froide à sa naissance, la fonte de sa couche de glace initiale – due à des désintégrations nucléaires – aurait entraîné une compression précoce ; elle aurait ensuite subi une extension, bien plus tard, après la décomposition des éléments radioactifs. Cependant, Bierson et ses collègues ont remarqué que les parties les plus anciennes de la surface de Pluton, imagées à haute résolution, ne montrent aucune preuve de cette phase de compression précoce. Ce qui met en doute la théorie.

Au contraire, si Pluton avait eu une formation rapide et violente, la chaleur dégagée par les roches en collision lors de l’accrétion se serait dissipée rapidement, entraînant le développement de la coque de glace. Cette période de gel se serait ensuite arrêtée, de par l’augmentation de la température inhérente à la radioactivité ; elle aurait ensuite repris à mesure de l’élimination des éléments radioactifs, créant lentement différentes structures d’extension au fil du temps.

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Modèles d’évolution thermique de Pluton. Évolution des températures et de la déformation linéaire nette due à l’expansion/contraction thermique et à la congélation/fusion de la glace, pour le démarrage à froid (à gauche) et pour le démarrage à chaud (à droite). Crédits : C. Bierson et al.

Or, ce second scénario est tout à fait cohérent avec les caractéristiques d’extension observées sur Pluton. Les auteurs de l’étude affirment notamment que les fissures au niveau de la coque glacée, de même que le système de crêtes et de creux récemment identifié sur la planète naine – et non expliqué jusqu’à ce jour – sont révélateurs d’une tectonique d’extension précoce : Pluton aurait donc été une planète relativement chaude au début de sa formation.

Une théorie qui pourrait s’appliquer aux autres planètes naines

Un démarrage initial « à chaud » est possible grâce à l’énergie gravitationnelle libérée pendant l’accrétion, si la phase finale de l’accrétion de Pluton est « rapide » (moins de 30 millions d’années). Or, un stade final de croissance rapide est en accord avec les modèles de formation des objets de la ceinture de Kuiper (basés sur un effondrement gravitationnel, suivi d’une accrétion de cailloux).

Les chercheurs se réjouissent de cette découverte, qui selon eux, pourrait avoir une portée bien plus large : « Je pense que l’implication la plus excitante est que les océans souterrains pourraient avoir été relativement courants lors de la formation des grands objets de la ceinture de Kuiper », affirme Bierson. En effet, ces résultats suggèrent que d’autres grandes planètes naines, telles que Hauméa, Makémaké et Eris, sont susceptibles d’avoir elles aussi hébergé un océan souterrain dès leur formation. Un paramètre qui a « peut-être influencé l’habitabilité potentielle de ces mondes glacés lointains » selon les chercheurs.

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Si les conditions exactes de l’émergence de la vie dans l’Univers sont encore méconnues, tous les experts s’accordent à dire que la présence d’eau liquide est indispensable. Et Pluton — a priori comme les autres naines transneptuniennes —en dispose depuis ses origines.

Bierson ajoute toutefois un bémol sur ces conclusions : il se trouve que la sonde New Horizons n’a pu capturer des images haute résolution que d’environ la moitié de l’hémisphère nord de Pluton. Ainsi, il se pourrait que les scientifiques n’aient pas eu l’occasion d’observer une région affichant les caractéristiques d’une compression à grande échelle. Reste à imager le reste de la surface plutonienne pour confirmer la théorie pour de bon…

Source : Nature geoscience, C. Bierson et al.

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