Est-il possible de décarboner l’industrie avec l’hydrogène « vert » ?

hydrogène vert
| Petmal/Getty Images
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Aujourd’hui, l’hydrogène est essentiellement utilisé pour le raffinage et la production d’ammoniac. Cette production repose en grande partie sur des énergies fossiles (gaz naturel, pétrole, charbon). Par conséquent, elle génère d’importantes émissions de CO2. L’hydrogène propre, ou « vert », est produit quant à lui à partir d’énergies renouvelables. Mais l’augmentation des capacités de production de ces énergies dans le monde ne se fait pas sans difficulté. Une question se pose donc : est-il possible de décarboner l’industrie avec l’hydrogène « vert » ?

L’hydrogène est l’élément chimique le plus abondant sur notre planète. Il est présent principalement dans l’eau (sous toutes ses formes, liquide, solide et gazeuse). On le trouve aussi associé au carbone, dans les hydrocarbures. On distingue trois grandes méthodes pour « extraire » l’hydrogène de ces molécules. La plus utilisée est le reformage à la vapeur, qui consiste à faire réagir de l’eau et du méthane à haute température. Ceci produit du monoxyde de carbone et du dihydrogène (H2). L’oxydation partielle des hydrocarbures est une autre méthode conduisant à la formation d’H2. Enfin, l’électrolyse de l’eau permet de produire du dihydrogène et du dioxygène (O2).

La production d’hydrogène joue un rôle clé dans l’industrie mondiale. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation mondiale d’hydrogène a atteint 95 millions de tonnes en 2022, soit une augmentation de près de 3% par rapport à l’année précédente. Cet hydrogène, essentiellement produit à partir de gaz naturel et de charbon, a entraîné l’émission de quelque 900 millions de tonnes de CO2. Les procédés évoqués ci-dessus, qui utilisent des combustibles fossiles, génèrent en effet beaucoup de gaz à effet de serre. Il est urgent aujourd’hui de favoriser les techniques reposant sur les énergies renouvelables, afin de rompre cette dépendance aux énergies fossiles.

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Une solution pour les secteurs difficiles à décarboner

L’hydrogène vert peut véritablement aider à atteindre cet objectif. Il est produit par électrolyse de l’eau – la seule technique qui ne produit pas de carbone. Grâce à un courant électrique, on dissocie les molécules d’eau en dioxygène et dihydrogène. Ces derniers sont ensuite comprimés (liquéfiés) pour faciliter le transport, puis stockés.

Si cet hydrogène est qualifié de « vert » ou « propre », c’est parce que l’électrolyse repose ici sur une énergie électrique renouvelable. En d’autres termes, l’électricité est produite par des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, des barrages hydroélectriques, ou toute autre forme d’énergie renouvelable.

À noter que de l’hydrogène propre peut également être produit à partir d’énergie nucléaire – considérée comme une source « bas-carbone » – ou de combustibles fossiles avec piégeage du carbone. Dans ce cas, on parle respectivement d’hydrogène « jaune » et « bleu ».

L’hydrogène vert peut véritablement aider à décarboner toute une série de secteurs, où les émissions sont particulièrement difficiles à réduire. Il s’agit notamment de la production de produits chimiques, de fer et d’acier, de produits alimentaires et de semi-conducteurs, ainsi que des raffineries de pétrole et de gaz. Il peut également être utilisé comme carburant pour les transports longue distance.

Atteindre zéro émission nette à l’échelle mondiale d’ici 2050 nécessitera de produire environ 306 millions de tonnes d’hydrogène vert chaque année, selon un rapport de l’AIE établi en 2021 (Net Zero by 2050) – en plus de quelque 198 millions tonnes d’hydrogène bleu et 16 millions de tonnes d’hydrogène jaune, selon les prévisions de l’Agence. L’industrie y parviendra-t-elle ?

Un déploiement à plus grande échelle freiné par les coûts

L’hydrogène vert est une énergie propre, renouvelable, pratique (il peut être stocké et transporté) et polyvalent. Néanmoins, il présente un inconvénient majeur : du fait qu’il repose sur des énergies renouvelables, il est aujourd’hui relativement coûteux à produire.

Plus de 40 pays ont défini des stratégies nationales sur l’hydrogène et le nombre de projets annoncés pour l’hydrogène à faibles émissions augmente rapidement. Parmi eux : la production d’hydrogène vert à partir d’énergie solaire pour alimenter le lanceur Ariane 6 – un projet initié par l’Agence spatiale européenne et le Centre national d’études spatiales.

La production pourrait atteindre 38 millions de tonnes par an en 2030, si tous les projets annoncés se réalisaient. Près des trois quarts de la production proviendraient d’électrolyseurs fonctionnant aux énergies renouvelables ; le reste reposerait sur des combustibles fossiles avec captage et stockage du carbone.

projets annoncés hydrogène vert
Carte des projets annoncés de production d’hydrogène à faibles émissions. © AIE

Mais la capacité installée et les volumes de production restent faibles à ce jour. L’hydrogène à faibles émissions représente toujours moins de 1% de la production et de l’utilisation globales d’hydrogène, selon la Global Hydrogen Review 2023 de l’AIE.

Il se trouve que le contexte économique n’est guère favorable à la dynamique en faveur de l’hydrogène vert. L’industrie est en effet confrontée à une crise énergétique majeure, déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ainsi qu’à une importante inflation, qui retardent les projets, voire menacent leur mise en œuvre. « Un environnement économique difficile va désormais mettre à l’épreuve la détermination des développeurs d’hydrogène et des décideurs politiques à donner suite aux projets prévus », a déclaré Fatih Birol, directeur général de l’AIE.

Des capacités renouvelables, tirées par le marché chinois

L’Agence estime à 360 GW le nombre de projets annoncés jusqu’en 2030. Mais en pratique, seulement 12 GW ont fait l’objet d’une décision d’investissement ou ont commencé à être construits. Elle a donc récemment revu à la baisse ses estimations concernant la production d’hydrogène vert, qui augmentera sans doute plus lentement que prévu.

Dans son nouveau rapport, Renewables 2023 : Analysis and forecast to 2028, l’AIE prévoit que 45 GW de nouvelles capacités d’énergie renouvelable pour l’hydrogène vert seront construites d’ici à la fin de 2028. Cela ne correspond qu’à 7% de ce que les promoteurs avaient annoncé initialement.

La Chine fait toutefois figure d’exception : c’est le seul marché où le rythme de croissance est susceptible d’être à la hauteur des objectifs annoncés, souligne le rapport. Le pays a mis en service autant d’énergie solaire photovoltaïque en 2023 que le monde entier en 2022 ! Parallèlement, ses capacités en matière d’énergie éolienne ont augmenté de 66% sur un an. Ainsi, 24 GW de capacité d’énergie renouvelable devraient être installés pour la production d’hydrogène en Chine d’ici 2028. Sur cette période, la Chine, l’Arabie Saoudite et les États-Unis représenteront à eux trois plus de 75% de la capacité de production d’hydrogène vert.

L’Agence prévoit que d’ici 2028, la moitié de la croissance annuelle mondiale de la capacité de production dédiée à l’hydrogène proviendra de l’extérieur de la Chine. Il s’agira essentiellement d’énergie photovoltaïque. De nouvelles capacités de production pourraient voir le jour dans l’Union européenne d’ici 2026, notamment en Espagne, au Danemark et en Allemagne.

En Europe, les estimations restent néanmoins délicates. Il y a encore trop d’incertitudes quant à la manière dont chaque État membre établira les politiques lui permettant d’atteindre les objectifs définis pour l’hydrogène vert, à savoir : faire en sorte que, d’ici 2030, 42% de l’hydrogène utilisé provienne d’énergies renouvelables. Dans l’UE comme ailleurs, « les efforts visant à stimuler la demande d’hydrogène à faibles émissions sont en retard par rapport à ce qui est nécessaire pour répondre aux ambitions climatiques », souligne l’AIE.

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