De récentes avancées en astrophysique révèlent un aspect fascinant de la formation des éléments dans l’Univers. Jusqu’ici, on croyait que les éléments plus lourds que le fer étaient formés principalement lors d’événements astronomiques extrêmes, tels que la fusion d’étoiles à neutrons ou dans certaines classes de supernovae. Cependant, de nouvelles études suggèrent un autre mécanisme de création : la fission nucléaire au sein d’environnements stellaires.
Cette hypothèse émerge de l’analyse détaillée d’éléments trouvés dans des étoiles très anciennes. Les chercheurs, issus d’une collaboration internationale, ont découvert des indices qui pourraient être interprétés comme des signatures de fission. Ces derniers suggèrent que la nature est capable de produire des noyaux superlourds, allant au-delà des éléments les plus lourds du tableau périodique actuel.
Cette découverte (que des étoiles anciennes et des supernovae peuvent produire des éléments avec des masses atomiques au-delà de 260) défie les théories établies sur la formation des éléments dans l’univers. L’étude, publiée dans la revue Science, soulève ainsi des questions sur la nature et l’origine de la matière.
Les mécanismes de la création des éléments lourds
Dans l’univers, la formation des éléments plus lourds que le fer a longtemps été attribuée à des phénomènes violents tels que les supernovae ou les collisions d’étoiles à neutrons. Ces événements cataclysmiques libèrent une immense quantité d’énergie, propice à la fusion nucléaire, qui crée de nouveaux éléments. Toutefois, des recherches récentes ont commencé à ébranler cette compréhension.
Selon Matthew Mumpower, physicien théorique au Los Alamos National Laboratory, la fission (un processus dans lequel un noyau atomique lourd se divise en deux noyaux plus légers) pourrait également jouer un rôle essentiel dans la création d’éléments super-lourds. Cette hypothèse est particulièrement intrigante, car, jusqu’à présent, la fission n’avait jamais été observée dans des étoiles. Cette découverte suggère que les processus nucléaires dans les étoiles pourraient être plus complexes et variés que précédemment estimé.
L’indice le plus convaincant provient de l’analyse détaillée des éléments trouvés dans des étoiles très anciennes. En examinant leur composition chimique, les chercheurs ont détecté des signatures qui pourraient indiquer la présence d’événements de fission. En effet, en étudiant les schémas de répartition des éléments dans de nombreuses étoiles différentes, les astronomes peuvent apprendre comment les éléments sont créés.
Ian Roederer, auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Au cours de leur vie, les étoiles fusionnent des éléments plus légers en éléments plus lourds, et ce processus de fusion est la raison pour laquelle les étoiles brillent ». Il ajoute : « Quand une étoile meurt, elle recycle ses éléments les plus lourds dans l’espace, où ils peuvent se reformer pour donner la prochaine génération d’étoiles ».
Au-delà du tableau périodique
Portant sur la composition chimique de 42 étoiles, l’étude a permis de mettre en évidence des modèles intrigants dans la répartition des éléments lourds. Les chercheurs ont découvert une corrélation entre les métaux légers de précision comme l’argent et les noyaux de terres rares comme l’europium. Lorsqu’un de ces groupes d’éléments augmente, les éléments correspondants de l’autre groupe augmentent également : la corrélation est positive.
M. Mumpower, co-auteur, explique dans un autre communiqué : « La seule façon plausible dont cela peut se produire entre différentes étoiles est l’existence d’un processus cohérent à l’œuvre pendant la formation des éléments lourds ». L’équipe a étudié toutes les possibilités, et la fission était la seule explication permettant de reproduire la tendance.
En effet, cette particularité suggère que ces éléments pourraient être les produits de la fission d’éléments encore plus lourds. Dans le contexte stellaire, cela implique que des noyaux extrêmement massifs, formés dans les étoiles, pourraient se diviser, donnant naissance à des éléments comme l’argent et le rhodium. Cette hypothèse est renforcée par la présence simultanée de ces métaux dans plusieurs étoiles étudiées, indiquant un processus récurrent et non un phénomène isolé.
Ces résultats apportent un soutien significatif à la théorie du processus de capture rapide de neutrons, ou r-process. Ce processus se produit dans des environnements extrêmement riches en neutrons, comme ceux trouvés lors de supernovae ou de collisions d’étoiles à neutrons. Dans ces conditions, les noyaux atomiques capturent rapidement des neutrons, devenant de plus en plus lourds.
L’étude suggère notamment que, grâce au r-process, des atomes avec une masse atomique d’au moins 260 peuvent se former, dépassant ainsi les éléments les plus lourds naturellement présents sur Terre. Ces atomes super-lourds, une fois formés, seraient instables et susceptibles de subir la fission, se fragmentant en éléments plus légers tels que l’argent et le rhodium.
Ces résultats enrichissent notre connaissance des processus nucléaires dans l’univers et souligne la capacité des étoiles à produire une gamme d’éléments bien plus vaste que ce que l’on croyait auparavant. Ils fournissent également des indices précieux sur le fonctionnement de la fission dans l’univers. Roederer espère que les astronomes pourront, dans un avenir proche, détecter directement ces éléments transuraniens, c’est-à-dire des éléments plus lourds que l’uranium, dans l’espace.
Une telle avancée serait une aubaine, car elle permettrait d’observer directement les produits de la fission stellaire, offrant ainsi une fenêtre unique sur ce phénomène nucléaire. La possibilité de détecter ces éléments dans des environnements extrêmes, tels que les sites de collisions d’étoiles à neutrons, ouvrirait de nouvelles voies pour étudier la fission sous des conditions extrêmes. Cela permettrait non seulement de valider les théories actuelles sur la formation des éléments lourds dans l’univers, mais aussi de pousser plus loin notre compréhension des processus nucléaires qui se déroulent dans les environnements les plus hostiles de l’espace.