Qu’est-ce que l’ère de grande unification ?

gut image
| Futurism
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Dans la chronologie établie par le modèle cosmologique standard, l’ère de la grande unification est une période de l’univers primitif prenant place à l’issue de l’ère de Planck. Durant cette période, les interactions électromagnétique, nucléaire forte et nucléaire faible sont théoriquement unifiées en une seule et même interaction, décrite par une théorie de grande unification.

L’ère de grande unification intervient après l’ère de Planck, entre 10-43 et 10-36 secondes après le Big Bang. Durant l’ère de Planck, les quatre interactions fondamentales sont théoriquement unifiées en une « théorie du tout ». À son terme, la gravité se sépare des trois autres interactions qui demeurent unifiées : c’est l’ère de grande unification. Lors de cette époque, selon les théories de grande unification, l’énergie de l’univers est légèrement inférieure à l’énergie de Planck, qui est d’environ 1016 GeV pour une température de 1027 °C.

La description d’une telle hypothèse nécessite le développement d’une théorie de grande unification (GUT, pour grand unified theory). Le premier modèle simplifié de GUT apparaît en 1974 avec les travaux des physiciens théoriciens Abdus Salam et Jogesh Pati, aboutissant au modèle de Pati-Salam. La même année, les physiciens américains Howard Georgi et Sheldon Glashow proposent le modèle de Georgi-Glashow, un modèle plus élaboré et approfondi. Quelques années plus tard, en 1978, les physiciens du CERN John Ellis, Andrzej Buras, Mary K. Gaillard et Dimitri Nanopoulos publient un article complet sur la grande unification ; c’est dans cet article qu’apparaît pour la première fois l’acronyme GUT.

:: LE T-SHIRT QUI SOUTIENT LA SCIENCE ! ::

Une théorie de grande unification pour décrire l’unification des trois interactions du Modèle Standard

Le Modèle Standard décrit les interactions fondamentales via l’algèbre de Lie, et plus précisément via les groupes de Lie. Chaque interaction repose mathématiquement sur un groupe de Lie spécifique. Deux types de groupes de Lie interviennent dans cette description. Le groupe de Lie unitaire, noté « U(n) », et le groupe spécial unitaire, noté « SU(n) ». Dans le cadre du Modèle Standard, ce sont également des groupes de jauge car ils sont associés à la symétrie de jauge. Le groupe de jauge de l’électromagnétisme est noté « U(1) », le groupe de jauge de l’interaction nucléaire faible est noté « SU(2) », et celui de l’interaction nucléaire forte est noté « SU(3) ».

Tandis que les groupes SU(2) et SU(3) n’autorisent que des charges discrétisées (c’est-à-dire des charges possédant des valeurs quantifiées), le groupe U(1) autorise l’existence de charges aux valeurs arbitraires. Cependant, l’on observe bien une quantification des charges ; chaque particule élémentaire possède une charge électrique égale à un multiple exact de 1/3 de la charge élémentaire « e ». Le Modèle Standard n’explique pas, à lui seul, ce phénomène. Cette lacune a donc conduit à l’idée que les trois interactions pouvaient être intégrées à un seul et unique groupe de symétrie englobant le Modèle Standard, noté « SU(3)×SU(2)×U(1) ». Une telle unification prédirait alors naturellement la quantifications des valeurs des charges électriques des particules élémentaires.

gut
Les théories de grande unification (GUT) prédisent une énergie d’unification d’environ 1016 GeV. Crédits : Kim Dirks & al

L’unification des trois interactions est possible grâce à la dépendance à l’échelle d’énergie de leur constante de couplage. Une constante de couplage est un nombre décrivant l’intensité d’une interaction. En théorie quantique des champs, la constante de couplage est directement proportionnelle à l’énergie. À très haute énergie, les différentes valeurs des constantes de couplage des interactions convergent vers une même valeur. Dans l’extension supersymétrique du Modèle Standard (MSSM), la valeur de l’énergie requise pour l’unification des trois interactions est ΛGUT ~ 1016 GeV.

Il existe ainsi plusieurs modèles de GUT, intégrant la supersymétrie ou non, basés sur la manière dont le groupe contenant les interactions est construit. Chacun prédit des particules différentes, des propriétés de particules différentes et des phénomènes physiques différents. Parmi ces modèles, les plus aboutis sont : le modèle SU(5) (modèle de Georgi-Glashow), le modèle SO(10) basé sur un groupe spécial orthogonal de Lie et également le plus prometteur, le modèle SU(8), le modèle O(16), la GUT symplectique, le modèle SU(6) et E6.

La physique lors de l’époque de la grande unification

Dans la grande majorité des GUT, l’unification des trois interactions préserve les bosons médiateurs, mais il n’existe plus qu’une seule constante de couplage unifiée. Les photons, les bosons W/Z et les gluons sont distincts mais s’appliquent avec une intensité identique. Il n’existe aucune hiérarchie des forces. En outre, durant l’ère de la grande unification, le champ de Higgs possède toujours une valeur nulle dans le vide, tous les bosons sont donc non massifs.

Les GUT prédisent généralement l’existence de défauts topologiques dans l’univers primitif. Les défauts topologiques sont des configurations particulières du vide qui apparaissent lorsqu’une symétrie du vide est brisée lors d’une transition de phase. Il peut s’agir de cordes cosmiques, de murs de domaine, de skyrmions ou encore de monopôles magnétiques. Si de tels défauts topologiques se sont réellement formés, alors certains comme les cordes cosmiques ou les monopôles devraient encore pouvoir être observés aujourd’hui. Leur détection serait une indication forte en faveur de l’existence d’une grande unification.

Beaucoup de GUT prédisent également la désintégration du proton. Celle-ci n’a jamais été observée jusqu’à maintenant. La détermination de la durée de vie minimum du proton (de l’ordre de 1034-1035 ans) a exclu un certain nombre de modèles de GUT et a placé de très fortes contraintes sur les autres. Actuellement, le plus puissant accélérateur de particules, le LHC, permet d’atteindre une énergie de 14 TeV lors des collisions proton-proton ; une énergie encore bien loin des 1016 GeV nécessaires.

Laisser un commentaire