À partir de quel moment un système microscopique devient-il macroscopique ?

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| Gerd Altmann
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Depuis de nombreux siècles, les physiciens s’astreignent à décrire la matière, sa structure et sa dynamique, et les objets qui nous entourent avec une précision toujours croissante. L’essor de la mécanique quantique a donné aux chercheurs les outils pour décrire la dynamique des particules à l’échelle microscopique. Tant et si bien qu’aujourd’hui, les physiciens disposent de tout un panel de moyens pour étudier des systèmes physiques, qu’ils soient microscopiques ou macroscopiques. Mais à partir de quel moment un tel système passe de microscopique à macroscopique ? C’est la question à laquelle ont récemment répondu expérimentalement une équipe de chercheurs en révélant le nombre minimal d’atomes requis pour qu’un système soit considéré comme macroscopique.

À l’aide d’un piège laser ultra-froid spécialement conçu, des physiciens ont observé le précurseur quantique de la transition d’une phase normale à une phase superfluide — offrant un moyen d’étudier l’émergence du comportement atomique collectif et les limites des systèmes macroscopiques.

Systèmes macroscopiques : le comportement collectif des particules

La physique à plusieurs corps est le domaine qui cherche à décrire et à comprendre le comportement collectif d’un grand nombre de particules : un seau d’eau, par exemple, ou une cartouche de gaz. Nous pouvons décrire ces substances en fonction de leur densité ou de leur température. On les appelle des systèmes macroscopiques ou à plusieurs corps, et il est impossible de les comprendre en étudiant simplement le comportement d’atomes ou de molécules individuels.

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Leur comportement découle plutôt des interactions entre des particules qui individuellement n’ont pas les mêmes propriétés du système dans son ensemble. Certains exemples de comportements macroscopiques qui ne peuvent pas être décrits individuellement incluent des excitations collectives, telles que les phonons qui font osciller des atomes dans un réseau cristallin. Les transitions de phase sont un autre exemple — lorsqu’une substance passe d’une phase à une autre — comme lorsque la glace fond en liquide, par exemple, ou lorsque le liquide s’évapore en un gaz.

Les physiciens ont longtemps cherché à comprendre comment ce comportement collectif émerge de la réunion progressive de particules individuelles — comment le macroscopique émerge du microscopique. Une équipe de chercheurs de l’Université d’Heidelberg a donc conçu une expérience pour essayer de le découvrir.

Observer l’émergence du macroscopique à partir du microscopique

L’expérience consistait en un faisceau laser étroitement focalisé agissant comme un « piège » pour les atomes ultra-froids d’un isotope stable du lithium, appelé lithium-6. Lorsqu’il est refroidi dans un gaz à une fraction de degré au-dessus du zéro absolu, cet isotope fermionique peut se comporter comme un superfluide, avec une viscosité nulle.

Dans le piège laser, un très petit nombre d’atomes de lithium peut être retenu, devenant ainsi un simulateur de comportement quantique. Dans ce système, l’équipe pouvait régler les interactions entre les atomes à l’aide des résonances de Feshbach. Ces résonances se produisent lorsque l’énergie de deux atomes en interaction entre en résonance avec un état lié moléculaire, et elles peuvent être utilisées pour modifier la force d’interaction entre les particules.

protocole experimental piege atomes
A) Schéma du protocole expérimental. Les atomes fermioniques sont piégés dans une grille optique monocouche attractive (disque horizontal) offrant un confinement qui fige le mouvement le long de la direction z. Une pince optique superposée à focalisation étroite (cône vertical) fournit un confinement harmonique radial. B) Nombre moyen d’atomes piégés en fonction de la profondeur finale de la pince optique. C) Déviation standard du nombre d’atomes détectés. © Luca Bayha et al. 2020

Dans chaque expérience, l’équipe a introduit jusqu’à deux, six ou 12 atomes de lithium-6 dans le piège laser, permettant aux chercheurs d’observer quand les atomes commencent à se comporter collectivement. « D’une part, le nombre de particules dans le système est suffisamment petit pour décrire le système de manière microscopique. D’un autre côté, les effets collectifs sont déjà évidents », indique Luca Bayha, auteur principal.

Avec les atomes emprisonnés, les chercheurs ont réglé le piège, d’une attraction nulle à une attraction si forte que les atomes se sont réunis par paires liées. C’est une exigence pour former un superfluide fermionique — les particules fermioniques doivent être liées entre elles comme des paires de Cooper qui agissent comme des bosons, une particule plus lourde qui forme une phase superfluide à des températures plus élevées que les fermions.

Un minimum requis de six atomes

Dans chaque expérience, l’équipe a étudié le moment où le comportement collectif a émergé en fonction du nombre de particules et de la force d’interaction entre elles. Ils ont découvert que les excitations des particules n’étaient pas seulement liées à la force de l’attraction entre elles, mais qu’elles étaient le précurseur à quelques corps d’une transition de phase quantique vers un superfluide de paires de Cooper.

« Le résultat surprenant de notre expérience est que seuls six atomes présentent toutes les signatures d’une transition de phase attendue pour un système à plusieurs particules », explique le physicien Marvin Holten. Le degré de contrôle obtenu par les chercheurs sera, selon l’équipe, utile à l’avenir pour d’autres recherches, telles que l’étude du processus de thermalisation dans les systèmes quantiques. Ils pourront également conduire des sondes de superfluide fermionique à un niveau fondamental, et étudier l’émergence de paires de Cooper dans des systèmes plus grands.

Sources : arXiv

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