Un trou noir supermassif change de direction et pointe son jet de blazar directement sur la Terre

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Vue d’artiste d’un trou noir supermassif actif avec un jet relativiste. Si le jet pointe vers la Terre, il s’agit d’un blazar. | NASA/JPL-Caltech
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L’Univers fascine et les objets célestes intriguent, car les connaissances sont limitées. Cette curiosité est encore plus vive lorsqu’un objet adopte un comportement totalement inattendu. Une galaxie a récemment été reclassée comme une radiogalaxie géante hébergeant en son cœur un blazar, l’un des phénomènes les plus puissants de l’Univers. Cette reclassification est due à un changement d’angle des jets de rayonnement (émanant à une vitesse proche de celle de la lumière) pour pointer directement vers la Terre — un changement qui déroute les physiciens.

Il y a des milliards de galaxies dans l’Univers, toutes censées héberger un trou noir supermassif en leur centre. Parmi elles, certaines présentent une activité nucléaire et sont connues sous le nom de noyaux galactiques actifs (AGN). Dans ces cas, le trou noir supermassif est alimenté par un disque d’accrétion et les AGN émettent un rayonnement sur tout le spectre électromagnétique, des ondes radio aux rayons gamma. Une galaxie hébergeant un AGN est appelée « galaxie active ».

Actuellement, il est admis que toutes les galaxies passent par différentes phases d’activité nucléaire, et ce, plusieurs fois au cours de leur vie. Les modèles prédisent donc que l’activité AGN est un phénomène récurrent et évolutif pouvant faire disparaître le flux d’accrétion, laissant place à un noyau dormant.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Cependant, les échelles de temps humaines sont trop courtes pour qu’il soit possible d’observer les différentes sources de rayonnement au sein de ces états de transition. Mais des signatures d’activité de redémarrage des AGN dans les jets sont trouvées dans les radiogalaxies géantes, selon la fréquence à laquelle elles sont vues (ondes radio, rayons X, etc.).

Récemment, une équipe internationale d’astronomes a mis en évidence une activité unique au sein du noyau de la galaxie PBC J2333.9-2343, impliquant un changement de classification. En effet, il s’agit en réalité d’une radiogalaxie géante de 4 millions d’années-lumière de diamètre possédant un blazar en son cœur, dont les jets sont directement pointés vers la Terre. Le travail est publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

Une question d’angle de vue

Un blazar est un noyau galactique actif (AGN) avec un jet relativiste (un jet voyageant presque à la vitesse de la lumière) dirigé vers un observateur. Il s’agit d’un objet à très haute énergie, considéré comme l’un des phénomènes les plus puissants de l’Univers. La présente étude a révélé qu’au sein de PBC J2333.9-2343, le jet a radicalement changé de direction avec un angle allant jusqu’à 90 degrés. Le jet autrefois dans le plan du ciel, c’est-à-dire perpendiculaire à notre ligne de visée, pointe désormais directement vers la Terre.

Un jet de blazar est constitué de particules élémentaires chargées (électrons et protons) qui se déplacent à des vitesses proches de celle de la lumière. Ces jets se déplacent en cercles autour d’un champ magnétique puissant, provoquant l’émission de rayonnement sur tout le spectre électromagnétique. Dans le cas de PBC J2333.9-2343, les chercheurs pensent que le jet provient du trou noir supermassif central.

Avec le jet pointant en direction de la Terre, l’émission est fortement augmentée et peut facilement dépasser celle provenant du reste de la galaxie. Cela entraîne à son tour des éruptions de haute intensité plus fortes que celles provenant d’autres radiogalaxies, modifiant ainsi sa catégorisation.

En effet, l’orientation des jets vers notre planète détermine la classification d’une galaxie. Lorsque deux jets pointent vers le plan du ciel, ils résultent en une classification en tant que radiogalaxie, mais si l’un des jets pointe vers la Terre, alors le noyau actif de ​​la galaxie est classé comme un blazar, ce qui semble être le cas de PBC J2333.9-2343.

Un changement de cap inexpliqué

Pour comprendre le comportement inhabituel de cette galaxie, les astronomes l’ont observée sur une large gamme du spectre électromagnétique. Elle a été observé avec des télescopes radio, optiques, infrarouges, à rayons X, ultraviolets et à rayons gamma. Les données sont notamment issues du radiotélescope allemand Effelsberg de 100 m de diamètre (géré par l’Institut Max Planck), du télescope optique SMARTS de 1,3 m de l’Université de Yale et de l’observatoire Penn State Neil Gehrels Swift.

PBC galaxie panstarrs
Image colorée utilisant les filtres z/i/g tirée du Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System (Pan-STARRS) PS1, un système d’imagerie astronomique à grand champ développé et exploité par l’Institut d’astronomie de l’Université d’Hawaï. La galaxie PBC J2333.9-2343 est située au centre de l’image. © Institut d’astronomie de l’Université d’Hawaï

L’équipe a ensuite comparé les propriétés de PBC J2333.9-2343 avec de grands échantillons de galaxies blazars et non blazars fournis par le projet ALeRCE (Apprentissage automatique pour la classification rapide des événements) au Chili avec les données du Zwicky Transient Facility (ZTF) et le système de dernière alerte d’impact terrestre d’astéroïdes (ATLAS).

En utilisant les données d’observation, l’équipe a conclu que cette galaxie contient bien un blazar brillant au centre, avec deux lobes dans les zones extérieures du jet. Les lobes observés sont apparentés aux anciens jets et ne sont plus alimentés par l’émission du noyau. Ils sont donc des reliques de l’activité radio passée. Le noyau galactique actif n’entraîne plus les lobes, comme on le voit dans les radiogalaxies typiques.

L’équipe explique dans un communiqué qu’elle ne sait pas encore ce qui a causé le changement de direction radical des jets. Les scientifiques spéculent cependant qu’il pourrait s’agir d’un événement de fusion avec une autre galaxie ou tout autre objet relativement massif, ou d’une forte poussée d’activité dans le noyau galactique après une période de dormance.

Source : Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

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