Le pulsar le plus énergétique jamais observé pourrait être le signe d’une « nouvelle physique »

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| Laboratoire de communication scientifique pour DESY
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Des chercheurs ont détecté les rayons gamma émis par un pulsar les plus énergétiques jamais enregistrés, d’une puissance de 20 téraélectronvolts (TeV). Générés par le pulsar Vela, situé à 1000 années-lumière de la Terre, ils sont 10 milliards de fois plus énergétiques qu’un faisceau de lumière visible et 200 fois plus que les rayons gamma émis par un pulsar moyen. Ces faisceaux extrêmes remettent en question nos connaissances sur ces objets cosmiques et défient les modèles théoriques actuels.

Les pulsars, ou étoiles à neutrons, sont les vestiges d’étoiles massives en fin de vie ayant explosé en supernova. De l’explosion de l’étoile résulte un noyau qui est en moyenne à peine plus grand qu’une petite ville (environ 20 kilomètres de diamètre) tournant sur lui-même à grande vitesse (jusqu’à 700 tours par seconde). La densité d’un tel noyau est si élevée qu’une seule cuillère à café de sa matière aurait une masse de plus de 5 milliards de tonnes.

Les puissants champs magnétiques des pulsars canalisent la matière. Les particules sont ainsi accélérées (à des vitesses proches de celle de la lumière) et éjectées sous la forme de deux gigantesques faisceaux cylindriques de rayonnement électromagnétique. Ces rayonnements sont émis depuis les pôles, soit dans des directions opposées. Depuis nos points d’observation, nous percevons des éclats de lumière oscillant à des intervalles réguliers, comme le faisceau de lumière d’un phare.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Les astronomes estiment que ces rayons sont générés par les électrons accélérés au sein de la magnétosphère des pulsars, qui se déplacent vers sa périphérie. Bronek Rudak, du Centre astronomique Nicolas Copernic (CAMK PAN) en Pologne, explique que « lors de leur voyage aller, les électrons acquièrent de l’énergie et la libèrent sous la forme des faisceaux de rayonnement que nous observons ». Cependant, il n’y a pas encore de consensus quant à l’exactitude de cette hypothèse.

Les rayons émis par les pulsars couvrent une large bande du spectre électromagnétique, allant des ondes radio aux rayons gamma à très haute énergie. En raison de leur puissance inédite, les rayons gamma émis par Vela (ou PSR B0833 45) ont interpellé Rudak et ses collègues du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS). Étant l’un des plus proches de notre planète, ce pulsar est l’un des plus étudiés de sa classe.

Un phénomène très inhabituel

Situé à environ 1000 années-lumière de la Terre, Vela émet de gigantesques rayons gamma s’étalant jusqu’à 0,7 année-lumière au-delà de ses pôles — soit 15 millions de fois la distance Terre-Lune. Montrant une vitesse de rotation de 11 fois par seconde, il est le plus brillant jamais observé dans la bande radio du spectre électromagnétique, ainsi que le plus lumineux dans la bande gamma.

Plus de 3000 pulsars ont jusqu’ici été recensés dans la bande radio, tandis que ceux émettant des rayons gamma à haute énergie, ou HE (entre 100 mégaélectronvolts et 100 gigaélectronvolts), sont seulement au nombre de 270 dans notre historique. Ceux émettant des rayons gamma à très haute énergie VHE (supérieurs à 100 gigaélectronvolts) sont encore plus rares. Cependant, ces derniers sont indétectables par les télescopes spatiaux.

Pour observer PSR B0833 45, les chercheurs de la nouvelle étude se sont donc appuyés sur le réseau terrestre Cherenkov (CT1-5) du système stéréoscopique à haute énergie (H.E.S.S.), constitué de 5 télescopes d’imagerie atmosphérique et situé en Namibie. Ses puissants détecteurs permettent de capter des gammes énergétiques allant de quelques dizaines de GeV à des dizaines de TeV. Les détails de l’observation sont disponibles dans la revue Nature Astronomy.

Les chercheurs ont été surpris de constater qu’au-dessus du seuil d’énergie HE, les émissions de Vela semblaient s’arrêter brusquement. L’hypothèse émise est qu’en franchissant les limites de sa magnétosphère, les électrons s’en échappent tout simplement et se dispersent librement dans l’espace. Plus inhabituel encore : alors que l’énergie gamma des pulsars conventionnels se limite généralement à quelques GeV, PSR B0833 45 dégage une puissance de rayonnement gamma phénoménale de 20 TeV, soit environ dix mille milliards de fois supérieure à l’énergie de la lumière visible. « C’est environ 200 fois plus énergétique que tout rayonnement jamais détecté auparavant provenant d’un tel objet », explique Christo Venter de l’Université du Nord-Ouest en Afrique du Sud, qui a également contribué à la recherche. Ces émissions VHE oscillaient au même rythme que les émissions HE.

Avant Vela, le seul pulsar VHE jamais détecté était celui de la nébuleuse de Crabe, qui n’émettait cependant que des rayonnements s’approchant timidement du TeV. Des rayonnements gamma à ultrahaute énergie (supérieurs à 100 TeV) semblant provenir de ce même objet ont également été détectés. Mais pour l’instant, la véritable origine de ces rayonnements à l’énergie colossale fait toujours débat.

D’après les auteurs de l’étude, la puissance de PSR B0833 45 ne concorde ni avec les observations antérieures ni avec les modèles théoriques actuels expliquant l’origine des rayonnements des pulsars. En effet, l’une de ces dernières avance que les électrons sont accélérés le long des lignes de champ magnétique, à l’intérieur ou légèrement à l’extérieur de la magnétosphère. Or, pour atteindre de telles énergies (20 TeV), les électrons doivent se déplacer beaucoup plus loin, tout en conservant le schéma de rotation rapide du pulsar.

« Peut-être assistons-nous à l’accélération des particules grâce au processus dit de reconnexion magnétique au-delà du cylindre de lumière, qui préserve encore d’une manière ou d’une autre le schéma de rotation », suggère l’auteur principal d’étude Arache Djannati-Atai, du laboratoire Astroparticules & Cosmologie (APC). Toutefois, même ce scénario se heurte à des difficultés et des incohérences. « Nos résultats remettent en question nos connaissances antérieures sur les pulsars et nécessitent de repenser le fonctionnement de ces accélérateurs de particules naturels », conclut-il.

Source : Nature Astronomy

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