Record de la température la plus froide jamais enregistrée dans un laboratoire

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Le zéro absolu, équivalent à -273,15 °C (ou 0 K), est la valeur la plus basse possible sur l’échelle de température thermodynamique. À ce stade, il n’y a plus aucun mouvement atomique, donc aucune chaleur. Cependant, il est impossible pour les scientifiques d’atteindre cette température extrême, car à ce jour, il n’existe aucun moyen de retirer toute l’énergie cinétique des atomes d’un système. Des chercheurs du monde entier tendent cependant à s’en rapprocher de plus en plus et une équipe allemande vient d’atteindre la température la plus froide jamais enregistrée : 0,038 milliardième de degré au-dessus du zéro absolu !

En 2019, une équipe de Harvard a réussi à refroidir des molécules jusqu’à quelques millionièmes de degré au-dessus du zéro absolu, à une température de 500 nanokelvins (nK) — ce qui leur a permis d’observer en détail les réactifs, intermédiaires et produits d’une réaction entre deux molécules de potassium-rubidium. Mais le record de froid était jusqu’à présent détenu par le Cold Atom Laboratory, le laboratoire se trouvant à bord de la Station spatiale internationale, où les astronautes réalisent des expériences à seulement 100 nK !

Aujourd’hui, une équipe allemande de l’Université de Brême rapporte avoir atteint un nouveau record : elle a enregistré une température effective de seulement 38 picokelvins — soit 38 trillionièmes (10-12) de degré au-dessus du zéro absolu ! Pour accomplir cet exploit, les chercheurs ont développé un nouveau système de lentilles à ondes de matière capable de réduire encore plus l’énergie cinétique interne d’un condensat de Bose-Einstein constitué de 100 000 atomes de rubidium.

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Un gaz quantique refroidi en chute libre

À l’approche du zéro absolu, des phénomènes physiques atypiques commencent à se produire. En effet, à cette température, la nature quantique ondulatoire des particules domine et elles fusionnent ainsi en un seul objet quantique macroscopique, appelé condensat de Bose-Einstein, agissant comme une seule onde de matière, que les physiciens peuvent utiliser pour étudier certains comportements. En 2020, dans le Cold Atom Lab, des astronautes de la NASA ont par exemple pu observer des atomes existant à deux endroits à la fois !

Dans cette récente étude, les chercheurs allemands sont partis d’un nuage de 100 000 atomes de rubidium, piégés dans un champ magnétique au sein d’une chambre à vide. Ils ont ensuite refroidi ces atomes pour former un condensat de Bose-Einstein. Le système, déjà extrêmement froid, se trouvait alors à environ deux milliardièmes de degré au-dessus du zéro absolu — ce qui aurait déjà été un record mondial.

Pour refroidir davantage leur gaz quantique, il était nécessaire de reproduire les conditions spatiales ; ils ont donc entrepris de le laisser tomber d’une hauteur de 120 mètres, au sein de la célèbre Bremen Drop Tower — une structure spécifiquement conçue pour mener diverses expériences en microgravité. Pendant la chute libre de leur condensat de Bose-Einstein, les chercheurs ont désactivé puis activé à plusieurs reprises le champ magnétique contenant le gaz.

En effet, lorsque le champ est désactivé, le gaz commence à se dilater et lorsqu’il est réactivé, il se contracte à nouveau ; le passage de l’un à l’autre état a permis de ralentir l’expansion du gaz quasiment jusqu’à l’arrêt complet, et la réduction de la vitesse moléculaire a permis d’atteindre la température record de 38 picokelvins !

Un record obtenu par collimation 3D des ondes de matière

Un condensat de Bose-Einstein est généré dans un piège magnétique, après quoi il se dilate initialement dans les trois directions de l’espace. Par le passé, il était possible de ralentir cette expansion et de collimater l’onde de matière au moyen d’une lentille magnétique. Cependant, en raison d’une forte asymétrie du piège magnétique, cette méthode ne fonctionnait suffisamment bien que dans deux directions.

Afin de parvenir à stopper l’expansion dans la troisième direction également, les chercheurs ont combiné une lentille magnétique et l’oscillation en mode collectif excitée du nuage atomique. « Si le nuage atomique pulsant au rythme de cette oscillation est libéré du piège au bon moment, l’expansion dans la direction problématique est déjà fortement réduite, et l’utilisation ultérieure de la lentille magnétique arrête finalement l’expansion dans les deux autres directions également », explique l’équipe dans un communiqué.

De cette manière, l’équipe a réussi à créer des conditions encore plus froides que l’endroit le plus glacial de l’Univers : selon l’Agence spatiale européenne, il s’agit de la nébuleuse du Boomerang, située dans la constellation du Centaure, à 5000 années-lumière de la Terre. Il y régnerait une température de -272°C.

Sur Terre, le précédent record de 36 millionièmes de Kelvin avait été atteint par des scientifiques du National Institute of Standards and Technology à Boulder, dans le Colorado, au moyen de lasers spécifiques. Ce nouveau record n’a été maintenu que pendant les deux secondes de chute libre lors de l’expérience, mais les simulations informatiques réalisées en parallèle ont montré que le condensat de Bose-Einstein peut théoriquement être maintenu en apesanteur jusqu’à 17 secondes à l’aide du système de lentille à ondes de matière — ce qui ouvre la voie à de futures mesures de plus haute précision en apesanteur prolongée, par exemple sur un satellite.

Source : Physical Review Letters, C. Deppner et al.

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