Les « robots majordomes » feront-ils un jour partie de notre quotidien ?

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T-HR3, conçu par le Toyota Research Institute, est doté d’impressionnantes capacités. Il ne lui manque plus qu’une apparence un peu plus « humaine ». | TRI
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Pour commencer, précisons le sujet : il ne s’agit pas ici de robots aspirateurs autonomes, ni de machine à repasser les chemises ou encore de robots-tondeuses, mais de robots d’apparence humanoïde, qui interagiraient avec les humains pour les assister dans leurs tâches quotidiennes (un peu à la manière de C-3PO dans Star Wars). Rangement, ménage, lessive, préparation des repas, tout ou partie des corvées du foyer pourraient lui être assignées sans que le robot ne s’en plaigne. Un rêve pour beaucoup, mais se concrétisera-t-il un jour ?

Il se pourrait bien que oui, à en croire les performances de Bot Handy, présenté par Samsung au Consumer Electronics Show 2021. Le constructeur travaille en effet sur un concept de robot majordome, pas tout à fait humanoïde, mais néanmoins doté d’un bras articulé qui lui permet d’assurer de nombreuses tâches. L’engin s’appuie sur une intelligence artificielle avancée qui lui permet de reconnaître et de ramasser des objets de toutes sortes, de remplir le lave-vaisselle, de mettre la table, de vous servir un verre ou encore de ranger les courses — en calculant à chaque fois la force nécessaire pour manipuler tous ces objets.

Cerise sur le gâteau, ce robot possède un écran sur lequel apparaissent deux yeux destinés à le rendre plus « attachant ». « Notre monde est différent et beaucoup d’entre vous ont été confrontés à une nouvelle réalité — une réalité où, entre autres choses, votre maison a pris une plus grande importance », a déclaré Sebastian Seung, président et directeur de Samsung Research, lors de la conférence de presse associée à l’événement. En effet, le contexte sanitaire et les mesures de confinement ont amené les gens à demeurer davantage chez eux, ce qui a nécessairement suscité de nouveaux besoins en matière d’organisation. Les robots assistants domestiques n’ont peut-être jamais présenté autant d’intérêt qu’actuellement.

Plusieurs projets en cours de développement

Le Toyota Research Institute (TRI) travaille lui aussi activement sur un concept de robot humanoïde. Son modèle T-HR3, dévoilé en 2017, est truffé de capteurs qui lui permettent d’imiter parfaitement tous les mouvements humains. Lui aussi est capable de « sentir » ce qu’il manipule et d’adapter sa force en conséquence. Au mois de juin de cette année, le groupe a annoncé que son robot est désormais doté de nouvelles capacités, qui le rendent parfaitement adapté aux tâches complexes inhérentes à l’environnement domestique. Il est notamment capable de reconnaître et d’agir sur des surfaces transparentes, comme on peut le voir dans cette vidéo.

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Le T-HR3 développé par Toyota est désormais capable de saisir des objets transparents, ce qui le rend plus adapté à un usage domestique. © Toyota Research Institute/YouTube

Il se trouve que les objets transparents ou réfléchissants que l’on trouve couramment dans une maison (un verre ou tout autre objet en verre, des objets chromés ou laqués, etc.) perturbent la plupart des robots. « Pour surmonter cela, les roboticiens du TRI ont développé une nouvelle méthode d’entraînement pour percevoir la géométrie 3D de la scène tout en détectant des objets et des surfaces », explique Max Bajracharya, vice-président de la robotique chez TRI. Grâce à des capteurs de sensibilité améliorés, le robot est également capable de saisir convenablement des objets mous — typiquement un ours en peluche qui traînerait au sol.

Le robot Walker X développé par UBTECH Robotics est assez similaire au T-HR3 en termes de capacités, mais a une apparence un peu plus « humaine ». La dernière mise à niveau de l’engin, présentée cet été, lui permet d’effectuer un éventail beaucoup plus large de tâches ménagères, telles que servir du thé, arroser des plantes, essuyer des surfaces ou manipuler des appareils ménagers (machine à café, aspirateur, etc.). Grâce à des algorithmes de mouvement avancés, il peut en outre s’adapter à des environnements complexes (escaliers, terrain en pente ou accidenté, etc.).

Bien que ces performances robotiques soient impressionnantes, on est encore loin d’un robot humanoïde convaincant au niveau de l’esthétique et de la stabilité. Sur ce point, la start-up britannique Engineered Arts a fait ses preuves : son robot baptisé Ameca est l’un des automates humanoïdes les plus réalistes jamais conçus. Certes, il est dépourvu de jambes et d’intelligence artificielle et ne peut pour le moment qu’exécuter des mouvements prédéfinis. Mais ces derniers sont emprunts d’un réalisme sans précédent, tant au niveau des mouvements corporels que des expressions faciales, comme on peut le voir dans la vidéo suivante. Combiné à une interface d’IA développée par une société tierce, il pourrait véritablement s’approcher de l’image que l’on se fait d’un assistant domestique humanoïde.

À savoir qu’Elon Musk a lui aussi annoncé lors du Tesla AI Day qui s’est tenu au mois d’août, qu’il préparait actuellement un prototype de robot humanoïde qui pourrait être prêt dès l’année prochaine. Ce Tesla Bot, d’environ 1,7 mètre, pourrait être capable d’effectuer n’importe quelle tâche répétitive et/ou pénible, dans un contexte domestique ou professionnel, comme porter et déplacer des objets (jusqu’à vingt kilos), faire des courses, etc. Le PDG de Tesla précise que son robot sera « amical » et qu’il ne se déplacera qu’à 8 km/h — « ce qui permet potentiellement de lui échapper s’il devient menaçant », plaisante l’homme d’affaires. Ce robot sera équipé du Full Self-Driving présent dans les voitures de la marque et de caméras similaires à celles qui guident l’Autopilot.

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Le « Tesla Bot » présenté par Elon Musk lors du Tesla AI Day qui s’est tenu en août 2021. © Tesla/YouTube

Un secteur qui peine à trouver son public

Aussi prometteurs que soient ces différents projets, leur commercialisation à grande échelle n’est cependant pas pour demain. Un certain nombre d’experts voient des assistants robotiques dans notre avenir, dont Rob Coneybeer, co-fondateur de la société de capital-risque Shasta Ventures, rapporte Futurism, mais pas avant au moins 20 ou 25 ans. Pour commencer, bien que ce type de produit fasse a priori l’objet d’une forte demande, il se pourrait que les consommateurs n’y soient pas encore tout à fait réceptifs. Le secteur n’a en tout cas jamais vraiment décollé jusqu’à présent.

Pour preuve, le robot Asimo développé par Honda. Présenté pour la première fois en l’an 2000 et considéré comme le premier robot à marcher sur deux jambes, ce robot humanoïde « le plus avancé au monde » (dixit le site du projet) avait pourtant pas mal évolué : la dernière version en date, présentée en 2011, était capable d’évoluer sur des terrains accidentés, de se déplacer à 9 km/h, d’ouvrir une bouteille et de servir un verre, et même de parler la langue des signes. Il n’a toutefois jamais été commercialisé et Honda a officiellement mis fin à son développement en 2018. Le constructeur met aujourd’hui sa technologie à profit dans les motos et les voitures de la marque, ainsi que dans des dispositifs de rééducation utilisés en physiothérapie.

De même, le robot Pepper, présenté en 2014 par SoftBank Robotics (anciennement Aldebaran Robotics), a connu un succès mitigé. Ce robot humanoïde, conçu à l’origine pour un usage professionnel (relation client), était capable de reconnaître certaines émotions humaines (à partir des expressions faciales, du ton et du champ lexical de son interlocuteur) et de réagir en conséquence. Il fut commercialisé pour la première fois en 2015, au Japon, en tant que robot compagnon : les mille premiers robots se sont vendus en une minute ! Il fut ensuite lancé en Europe et aux États-Unis, servant d’hôte d’accueil dans certaines entreprises et divers lieux publics. Mais en sept ans, seules 27 000 unités ont été vendues. En juillet 2021, face à une baisse de la demande, SoftBank annonce qu’elle arrête la production.

Le concept répond-il à un vrai besoin ?

En ce qui concerne Pepper, des fonctionnalités jugées trop limitées et des dysfonctionnements relativement fréquents pourraient expliquer que le public n’ait finalement pas adhéré au concept. Les autres projets apparaissent plus dignes de confiance, mais force est de reconnaître que parmi les projets en cours — hormis celui d’Engineered Arts — peu affichent une apparence réellement humanoïde, ce qui, pour certains experts, demeure fondamental. « On dit souvent qu’une forme humaine est utile parce que le robot peut utiliser les mêmes outils et le même environnement qu’un humain, mais une autre raison importante est que les humains trouvent qu’il est plus facile de contrôler les robots de forme humanoïde », déclarait dans un communiqué Tomohisa Moridaira, chef de l’équipe de développement du T-HR3.

Sur ce point, Hanson Robotics se démarque réellement de ses concurrents. Ses robots ressemblent vraiment à des humains, leur tête est même recouverte d’une peau synthétique en silicone, spongieuse et flexible. Ils sont en outre capables de reproduire une large gamme d’expressions faciales. Son robot Sophia — célèbre pour avoir obtenu la citoyenneté arabe en 2017 — est ainsi considéré comme l’un des robots humanoïdes les plus sophistiqués jamais construits. Ses réseaux neuronaux lui permettraient de percevoir les émotions d’une personne selon l’expression de son visage et le timbre de sa voix.

Cela dit, certains experts en IA demeurent sceptiques, arguant qu’elle ne fait guère mieux que les chatbots conçus pour formuler des réponses toutes faites en fonction de certains mots-clés. Elle n’a pas non plus été conçue pour réaliser des tâches domestiques, mais Hanson a publié la plateforme de robotique cognitive sur laquelle repose son robot pour permettre à d’autres équipes de développer d’autres applications et services.

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La vice-secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed, lors d’une brève conversation avec Sophia lors d’une réunion consacrée au développement durable, en 2017. © ONU/Manuel Elias

Démocratiser l’usage d’un robot domestique humanoïde ne sera pas une mince affaire. L’idée est séduisante en théorie, encore faut-il qu’elle soit accessible au plus grand nombre (financièrement parlant) et que l’investissement soit réellement justifié. Il y a quelques années, Greg Shirakyan, ingénieur chez Microsoft Robotics, a évoqué trois raisons pouvant expliquer l’absence de robots domestiques dans nos foyers : 1) nos environnements privés sont pensés pour être utilisés par des humains et non par des machines ; 2) le manque d’intelligence sociale du robot ; 3) l’absence d’une idée précise de ce à quoi devrait ressembler un robot domestique.

Il se trouve que la plupart des tâches domestiques considérées comme utiles peuvent aujourd’hui déjà être prises en charge par de nombreux appareils connectés. Et si les prototypes de robots existants sont effectivement capables d’effectuer plusieurs tâches, ils ne sont pas non plus complètement autonomes. En quoi un androïde qui passerait l’aspirateur serait-il plus intéressant qu’un « simple » aspirateur-robot ?

Les robots doivent-ils nécessairement nous ressembler pour faire le travail que nous voulons qu’ils effectuent ? Le public est-il vraiment prêt à débourser une somme importante (la version professionnelle de Pepper s’est vendue à 20 000 euros !) pour qu’un robot lui serve son jus d’orange tous les matins ?

En dehors d’un véritable rôle d’assistant, accompagnant les personnes âgées et/ou à mobilité réduite, pas sûr que le public a réellement envie d’accueillir une aide ménagère synthétique chez lui, du moins pour le moment. Cependant, le jour où de telles machines sophistiquées, entièrement autonomes et effectuant toutes les tâches ménagères sans accroc, seront disponibles (d’ici une trentaine d’années selon certains experts), le discours sera différent.

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