Ils ont recréé l’endosymbiose : des bactéries s’intègrent et cohabitent avec des cellules pour la première fois en laboratoire

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L’endosymbiose a permis l’apparition de nouvelles formes de vie, notamment les cellules eucaryotes, véritable fondation de la biodiversité. En intégrant des bactéries dans leur structure, ces cellules ont bénéficié de capacités métaboliques inédites, ouvrant ainsi la voie à des organismes multicellulaires plus complexes. Pour la première fois, des chercheurs ont reproduit en laboratoire un processus d’endosymbiose, injectant la bactérie Mycetohabitans rhizoxinica dans un champignon. Ces expériences apportent des éclairages intéressants sur les conditions permettant ce phénomène dans le monde microbien naturel.

Les microbes unicellulaires révèlent des interactions complexes et fascinantes. Ces organismes, essentiels à l’équilibre des écosystèmes, se livrent souvent à une compétition féroce pour les ressources disponibles. Bien qu’ils puissent parfois se nourrir les uns des autres pour accéder à des ressources limitées, ils établissent aussi des relations symbiotiques. Lorsqu’une cellule en intègre une autre pour former une coexistence durable, on parle alors d’endosymbiose.

Les mitochondries, par exemple, sont issues de bactéries ayant été incorporées dans une cellule primitive il y a des milliards d’années. Ces organites, essentiels à la production d’énergie des cellules eucaryotes, conservent leur propre ADN, distinct de celui de leur cellule hôte, ce qui suggère leur origine indépendante. De même, les chloroplastes des cellules végétales proviennent de cyanobactéries intégrées à travers un processus d’endosymbiose.

La relation endosymbiotique : un phénomène encore mal compris

Si l’endosymbiose est reconnue comme un moteur clé de l’évolution, ses mécanismes exacts restent entourés de mystère. Selon certaines hypothèses, lorsqu’une bactérie parvient à pénétrer dans une cellule hôte, la dynamique de leur relation initiale peut osciller entre parasitisme et symbiose. Une multiplication trop rapide de la bactérie pourrait épuiser les ressources de l’hôte et provoquer une réponse immunitaire fatale. En revanche, une croissance trop lente empêcherait son établissement durable.

Pour Julia Vorholt, microbiologiste à l’École polytechnique fédérale de Zurich, un facteur indispensable pour qu’une bactérie devienne un véritable endosymbiote est son intégration dans le cycle reproductif de l’hôte. « Ils deviennent accros l’un à l’autre », explique-t-elle à Quanta Magazine. Cependant, elle souligne également que des mutations dans le génome de l’hôte sont nécessaires pour permettre l’adaptation à cette nouvelle présence. L’équipe de Vorholt s’est ainsi attachée à recréer les conditions favorables à l’émergence de telles relations en laboratoire.

Explorer les mécanismes entre bactérie et champignon

Les chercheurs ont pris comme modèle l’association naturelle entre le champignon Rhizopus microsporus et la bactérie Mycetohabitans rhizoxinica. Cette dernière produit une toxine que le champignon utilise pour infecter les plants de riz. Dans cette relation, le champignon extrait des nutriments des cellules végétales grâce à la toxine, tandis que la bactérie bénéficie d’un environnement protégé et riche en ressources au sein de son hôte. Ce partenariat, développé sur des générations, est devenu si intime que certaines souches de Rhizopus microsporus ne peuvent plus se reproduire sans la bactérie.

Dans leurs expériences, les scientifiques ont étudié une souche du champignon capable de survivre sans endosymbiote. Dans une première phase, ils ont introduit des bactéries dans la paroi cellulaire d’un modèle expérimental, avec Escherichia coli. Ce choix permettait de tester les mécanismes d’injection et d’observation dans un environnement standardisé. Pour ce faire, Gabriel Giger, auteur principal de l’étude, publiée dans la revue Nature, a conçu un cocktail enzymatique pour ramollir la paroi cellulaire, facilitant ainsi l’injection. À l’aide d’un microscope à force atomique équipé de la technologie FluidFM, l’équipe a perforé les parois cellulaires et injecté les bactéries.

Cependant, cette approche a rencontré des difficultés initiales. Une fois la paroi transpercée, le cytoplasme de la cellule s’échappait, rendant l’injection inefficace. « Nous avons dû gérer un problème constant de reflux », explique Giger. Pour pallier cet obstacle, les chercheurs ont connecté une pompe au microscope, permettant d’injecter les bactéries sous une pression équilibrée. Une fois les bactéries introduites dans le cytoplasme, elles se sont multipliées trop rapidement, déclenchant la réponse immunitaire du champignon, qui les a ensuite éliminées.

Un succès avec Mycetohabitans rhizoxinica

Dans une seconde phase, l’équipe a répété l’expérience avec la bactérie Mycetohabitans rhizoxinica. Contrairement aux essais précédents, cette bactérie a démontré une division à un rythme optimal, ni trop rapide ni trop lent, ce qui lui a permis de survivre et de coexister avec le champignon. « Nous étions fascinés de constater que les bactéries et le champignon pouvaient se développer ensemble », confie Giger.

VIDÉO : La bactérie Mycetohabitans rhizoxinica (ovales verts fluorescents) se déplaçant à l’intérieur d’une cellule du champignon Rhizopus microsporus.

Les scientifiques ont ensuite observé que les bactéries s’étaient intégrées dans les spores du champignon. Ces spores, isolées puis cultivées sur dix générations (une période de plusieurs semaines), ont montré une persistance des bactéries au fil du temps. En outre, le génome du champignon a évolué, développant des mutations favorisant cette coexistence. « Aucun des deux organismes ne nuit à l’autre, et leurs croissances respectives sont harmonieuses », souligne Giger.

Le modèle étudié ici illustre un cas parmi de nombreuses combinaisons potentielles de bactéries et d’hôtes. Les chercheurs espèrent que l’étude d’autres systèmes permettra de révéler des principes universels tout en précisant les spécificités propres à chaque interaction.

Source : Nature

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