Sécheresse en forêt : la régénération naturelle « ne suffit plus »

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| Marcus Scheidel
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Pour les forestiers et les experts des forêts, la régénération naturelle des arbres « ne suffit plus » pour faire face aux menaces du changement climatique. Le caractère extrême du réchauffement de la planète et les risques qui y sont liés rendent aujourd’hui indispensable l’intervention humaine. Explications.

Le dérèglement climatique fragilise, voire menace 30 % des surfaces forestières françaises. Depuis 2018, plus de 300 000 hectares de forêts publiques françaises ont subi un taux de mortalité inédit, alerte l’ONF. Même constat du côté des forêts privées, qui représentent 75 % du couvert forestier français : « quelle que soit la surface, le besoin d’agir concerne l’ensemble des forêts aujourd’hui », alerte Bertrand Servois, président d’Unisylva et de l’Union des coopératives forestières françaises. D’autant plus que les effets du dérèglement climatique vont s’accélérer dans les années à venir, à en croire le sixième rapport du GIEC qui prévoit une augmentation médiane de 3,2 °C avant la fin du siècle.

75 % des nappes phréatiques en dessous des normales en mars 2023

Si la décennie 2011-2020 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis 125 000 ans, il se pourrait que la suivante (2021-2030) dépasse la limite que les pays s’étaient promis de ne pas dépasser : « les politiques en place fin 2020 conduiraient à un réchauffement global de 2,4 à 3,5 °C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère pré-industrielle », peut-on lire dans le rapport d’évaluation du GIEC publié le 20 mars dernier.

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Un scénario catastrophe qui aggraverait la mortalité des forêts françaises, déjà mises à rude épreuve. Comme à Fontainebleau, le « poumon de l’Île-de-France », où ce dépérissement est déjà à l’œuvre : de plus en plus de pins sylvestres, une espèce pourtant résistante, commencent à perdre leur feuillage à cause du déficit hydrique, dû à la sécheresse hivernale. Un phénomène qui ne manquera pas de s’accroître cet été, à en croire l’état des nappes phréatiques.

En mars, les trois quarts d’entre elles se trouvaient en dessous des normales de saison, d’après le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). S’il enregistre une légère amélioration par rapport au mois de février (80 % des nappes en dessous des normales), le mois de mars est bien pire que celui de l’an dernier (seulement 56 %). Même constat pour le risque de sécheresse, bien plus préoccupant cette année qu’en 2022 selon le BRGM ; une année pourtant marquée par un déficit pluviométrique record de 25% selon Météo France.

Face à ce constat, les forestiers, déterminés à sauver les forêts, ont fait le choix d’adapter leurs modes de gestion : « On est dans un moment charnière pour la gestion forestière. On a besoin de savoir ce qui va mal, où agir, comment le faire », expliquait Louise Hurstel, propriétaire forestière.

« Continuer à faire de la régénération naturelle […] c’est se raconter des histoires » (Olivier Rousset)

Pour les gestionnaires des forêts privées comme pour ceux des forêts publiques, une chose est sûre : « la forêt n’est pas adaptée au réchauffement climatique (…) car il va dix fois plus vite que sa capacité d’adaptation » résume Benoît Rachez, directeur général d’Unisylva. Pour Olivier Rousset, directeur général adjoint à l’ONF, ces multiples constats alarmants doivent conduire à un changement de braquet : « Il faut aider la forêt à s’adapter et se défendre, estime-t-il. Nous avons du recul sur certaines forêts depuis une dizaine d’années, et on voit bien qu’elle ne s’en sort pas toute seule quand on la laisse se reproduire à l’identique ».« Continuer à faire de la régénération naturelle sur une parcelle de hêtres », comme on le faisait jusqu’ici à l’ONF, « c’est se raconter des histoires et s’exonérer de notre responsabilité », ajoute-t-il.

Un changement déjà opéré dans plusieurs forêts françaises, où les forestiers diversifient les essences pour plus de résilience. C’est notamment le cas à Fontainebleau où sont importées « des essences du Sud de la France, plus résistantes au manque d’eau » explique Matthieu Augery, responsable du Service forêt de l’ONF Île-de-France Est. Un exemple qui illustre le rôle qu’auront à jouer dans les années à venir les forestiers, dont l’activité sera en partie guidée par l’évolution du climat.

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