Mise à mal par la pandémie, Shell accélère sa reconversion dans le renouvelable. Des annonces lourdement critiquées

plan transition énergétique shell
| Shell/Pixabay
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La compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Royal Dutch Shell vient d’annoncer que sa production avait culminé en 2019, tandis que ses émissions totales de carbone avaient atteint un sommet en 2018 et qu’elle envisageait désormais de se détacher progressivement des combustibles fossiles. Son objectif ? Devenir un fournisseur de produits et services énergétiques à émissions nettes nulles d’ici 2050. Une ambition qui ne satisfait pas les militants pour le climat.

Shell rejoint ainsi ses rivaux européens, BP et Total, qui eux aussi ont annoncé leur intention de passer à l’énergie propre. Dans un communiqué officiel, Shell précise qu’elle prévoit que sa production de pétrole diminue de 1 à 2% chaque année. Si tous les géants du pétrole affichent aujourd’hui une forme de conscience écologique, c’est parce que les prévisions montrent que la demande mondiale en pétrole ne reviendra jamais à son niveau prépandémique.

La crise sanitaire a en effet bouleversé le mode de travail de nombreuses personnes, ainsi que leur façon de voyager, ce qui a largement impacté le secteur des transports. À cela s’ajoutent les inquiétudes croissantes concernant le réchauffement climatique. Autant dire que les acteurs majeurs du secteur de l’énergie fossile n’ont pas d’autre choix que de changer drastiquement de stratégie pour assurer leur avenir.

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Un investissement minime dans les énergies renouvelables

La demande a tellement chuté que Shell accuse une perte massive de près de 22 milliards de dollars pour 2020. Le géant du pétrole travaille donc activement sur son plan de transition. Pour atteindre son objectif, Shell envisage de vendre plus d’énergie propre, tout en investissant dans des projets de captage et de stockage du carbone et de boisement pour compenser ses émissions. Elle prévoit également d’étendre ses activités de production et de distribution de biocarburants. « Que nos clients soient des automobilistes, des ménages ou des entreprises, nous utiliserons notre échelle mondiale et notre marque de confiance pour nous développer sur les marchés où la demande de produits et services plus propres est la plus forte, offrant des flux de trésorerie plus prévisibles et des rendements plus élevés », a déclaré le PDG Ben van Beurden.

Alors que les compagnies pétrolières européennes tentent de se réinventer, les Américains ExxonMobil et Chevron ont jusqu’à présent résisté à des changements majeurs dans leurs activités. Mais leurs actionnaires incitent à un changement de direction et les décisions prises par la concurrence pourraient commencer à avoir un impact certain outre-Atlantique. Michael Wirth, PDG de Chevron, a déclaré cette semaine que sa société prévoyait d’investir dans le captage et le stockage du carbone, ainsi que dans l’hydrogène. Mais le PDG a également précisé que le pétrole et le gaz constitueront encore une part importante des activités de Chevron pour les années à venir. Le fournisseur américain joue donc un double jeu. Et malgré ses récentes annonces, il semblerait que Shell fasse de même…

Pour tenir ses engagements, Shell prévoit d’investir 2 à 3 milliards de dollars par an dans les énergies renouvelables, dont l’hydrogène ; cela représente environ 10% du total des dépenses d’investissement du groupe, toutes activités confondues. Mais elle envisage également d’investir entre 8 et 9 milliards de dollars dans le gaz et les produits chimiques, tandis qu’elle consacrera environ 8 milliards de dollars par an à l’exploration pétrolière et à la production d’hydrocarbures. Ces activités, dont Shell tire la plus grosse partie de ses revenus, doivent en effet lui permettre de financer sa transition énergétique. Selon les chiffres annoncés, la production de pétrole diminuera de 6-8% d’ici 2023, de 20% d’ici 2030 et de 45% d’ici 2035. Mais cela signifie que la firme produira toujours plus d’un million de barils de pétrole par jour en 2035 !

Pour les défenseurs de l’environnement, l’effort est donc dérisoire : « Shell continuera d’investir plus de 80% dans le pétrole et le gaz dans les années à venir, tandis que les investissements dans les énergies renouvelables sont loin derrière », souligne dans un communiqué Friends of the Earth Netherlands, un groupe néerlandais d’action pour le climat. L’organisation pointe du doigt le fait que la stratégie de Shell se concentre sur la compensation des émissions de dioxyde de carbone et non sur leur réduction.

Doper la vente d’électricité propre

Dans son communiqué, Shell a confirmé que le pic de sa production de pétrole a été atteint en 2019 (avec près de 1,9 million de barils de pétrole par jour), juste avant la pandémie, et qu’elle diminuerait désormais progressivement — tout comme les émissions de carbone qui se sont élevées à 1,7 gigatonne en 2018. Mais Ben van Beurden a admis toutefois que la production de gaz allait augmenter. « Il est probablement juste de dire que la production de gaz et de pétrole va rester stable », a-t-il reconnu lors d’une conférence de presse.

Côté biocarburants, la société — qui sous-traite la production au brésilien Raízen, qui fournit du carburant à faible émission à partir de canne à sucre — annonce une augmentation de capacité de production de près de 50%, soit 3,75 milliards de litres de bioéthanol par an (3% de la production mondiale).

Par ailleurs, la directrice financière Jessica Uhl a déclaré que la société accordera la priorité à la vente d’électricité propre aux clients, plutôt qu’à l’investissement dans la production d’énergie renouvelable, à l’instar de certains de ses concurrents, comme BP. « Pour vendre ces produits, vous n’avez pas nécessairement besoin de posséder la capacité de production », a-t-elle ajouté. Elle prévoit ainsi de vendre de l’électricité à plus de 15 millions de clients particuliers et professionnels dans le monde ; l’entreprise ambitionne de doubler ses ventes d’électricité d’ici 2030 et souhaite augmenter son réseau mondial de points de charge de véhicules électriques, qui compte plus de 60’000 stations aujourd’hui, à environ 500’000 d’ici 2025.

Enfin, Shell a également déclaré qu’elle soumettra son plan de transition énergétique pour un vote consultatif aux actionnaires, plan qui sera révisé tous les trois ans, et qui donnera lieu à un vote consultatif sur les progrès réalisés chaque année. C’est la première entreprise du secteur à le faire.

Source : Shell

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