Une start-up a commencé à larguer des particules dans l’atmosphère pour tenter de « sauver le climat »

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Alors que le réchauffement climatique s’intensifie, des plans de recherche controversés en géo-ingénierie voient le jour. Ces derniers étant encore considérés comme théoriques, une start-up a franchi le pas de la pratique grandeur nature, au grand dam de nombreux experts. Elle aurait lancé des ballons météorologiques contenant des particules de dioxyde de soufre dans la stratosphère, dans le but de manipuler le climat. Les conséquences négatives de cet essai, comme celles positives, sont loin d’être entièrement connues et anticipées.

La géo-ingénierie fait référence à un ensemble de technologies émergentes visant à manipuler l’environnement et à compenser partiellement certains des impacts du changement climatique. Il existe deux voies d’action : le carbone ou le solaire. Dans le premier cas, les chercheurs visent à éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère, ce qui s’attaquerait à la cause profonde du changement climatique — l’accumulation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Dans le second cas, les scientifiques cherchent à renvoyer une petite fraction de la lumière solaire dans l’espace ou à augmenter la quantité de rayonnement solaire qui s’échappe dans l’espace pour refroidir la planète. Néanmoins, cette géo-ingénierie solaire ne peut pas se substituer à la réduction des émissions ou à l’adaptation au changement climatique, mais elle pourrait compléter ces efforts.

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Dans ce contexte, une start-up fondée en octobre 2022, Make Sunsets, vient d’annoncer avoir lancé ses premiers ballons météorologiques dans le but de relarguer des particules de soufre dans la stratosphère, à plus de 20 km d’altitude. Ces particules réfléchissantes formeraient des nuages et permettraient, pour un gramme de nuage, de compenser une tonne d’émissions de CO2. Mais aucune organisation n’a jusqu’ici voulu franchir le pas de la pratique grandeur nature. Les conséquences peuvent être tout aussi négatives que positives.

« Un gramme compense une tonne de CO2 », utopie ou réalité ?

Nombreux sont les chercheurs en géo-ingénierie tentant désespérément de trouver une solution à la crise climatique, mais presque tous se sont abstenus d’interférer directement dans la stratosphère.

Comme le souligne le MIT Technology Review, c’est en partie parce que c’est très controversé. On sait peu de choses sur de telles interventions, mais elles pourraient avoir des effets secondaires dangereux. Les impacts pourraient également être plus graves dans certaines régions que dans d’autres, ce qui pourrait provoquer des conflits géopolitiques.

Luke Iseman, cofondateur et PDG de Make Sunsets, espère qu’en avançant dans l’espace controversé, la startup contribuera à alimenter le débat public et à faire avancer un domaine scientifique qui a rencontré de grandes difficultés à mener des expériences de terrain à petite échelle au milieu des critiques.

De surcroît, l’entreprise se targue de copier la nature : « Les nuages ​​que vous voyez dans le ciel utilisent le même procédé et sont étudiés depuis des années ». Mais ce n’est pas cela qui rend la technique plus sûre ou légitime… Concrètement, Make Sunsets veut libérer un composé naturel (du soufre) via des ballons réutilisables pour créer des nuages ​​réfléchissants dans la stratosphère. Selon l’entreprise, 1 gramme de ces nuages ​​compense le réchauffement que crée 1 tonne d’émissions de CO₂ pendant un an. Au bout de trois ans, les nuages ​​se compostent et se déposent sur Terre.

Selon la propre description d’Iseman, les deux premiers lancements de ballons étaient très rudimentaires. Ils ont eu lieu en avril 2022, quelque part dans l’État de Basse-Californie puis depuis leur site au Mexique. Make Sunsets n’a pas demandé d’approbation aux autorités gouvernementales ou aux agences scientifiques, au Mexique ou ailleurs, avant les deux premiers lancements.

De potentielles conséquences négatives pour un simple intérêt entrepreneurial

Le directeur de la Carnegie Climate Governance Initiative, Janos Pasztor, déclare au MIT Technology Review : « L’état actuel de la science n’est pas assez bon pour mettre en œuvre la géo-ingénierie solaire ». Ainsi, Luke Iseman reconnaît que l’effort est en partie entrepreneurial et en partie provocateur, un acte d’activisme en géo-ingénierie. Une sorte d’effort à prendre au sérieux.

Mais la communauté scientifique semble unanime sur le fait que le comportement de l’entreprise joue sur les craintes de longue date. Et le risque d’un attrait du grand public pour une technique qui semble bon marché et simple à faire, du moins de manière générale, est à prendre en compte. Il pourrait ruiner les efforts de recherche et de financement d’études sérieuses.

En effet, nous pouvons le lire sur le site internet de l’entreprise : « Nous sommes en mesure de compenser le CO₂ à moins de 1% du coût des autres solutions. De manière unique, nous pouvons également nous adapter pour compenser ‘tout’ le réchauffement climatique ».

Pasztor et d’autres ont souligné que les efforts de Make Sunsets soulignent le besoin urgent d’établir une surveillance large et des règles claires pour une recherche responsable en géo-ingénierie et qu’ils aident à déterminer s’il devrait y avoir une licence sociale, et dans quelles conditions dans ce cas.

Shuchi Talati, chercheuse dans une université américaine qui forme une organisation à but non lucratif axée sur la gouvernance et la justice dans la géo-ingénierie solaire, résume violemment : « Ils violent les droits des communautés à dicter leur propre avenir ». Elle ajoute qu’il est hypocrite de la part de Make Sunsets d’affirmer qu’ils agissent pour des raisons humanitaires, tout en avançant sans s’engager de manière significative avec le public, y compris avec ceux qui pourraient être affectés par leurs actions.

Sans compter que la pulvérisation de dioxyde de soufre dans l’atmosphère met directement la Terre et l’humanité en danger en perturbant la couche d’ozone, entraînant potentiellement des pluies acides et des maladies respiratoires. Certaines régions du monde pourraient en souffrir de manière exacerbée.

La société tente déjà de tirer des revenus des effets de refroidissement des futurs vols. Elle propose de vendre 10 dollars américains de « crédits de refroidissement » pour la libération d’un gramme de particules dans la stratosphère — assez, selon eux, pour compenser l’effet de réchauffement d’une tonne de carbone pendant un an.

David Keith, l’un des plus grands experts mondiaux de géo-ingénierie solaire, affirme qu’il est troublé par tout effort visant à privatiser les technologies de géo-ingénierie de base, y compris en les brevetant. Il conclut, en 2018 déjà, dans un article de l’Université Harvard : « Le développement commercial ne peut pas produire le niveau de transparence et de confiance dont le monde a besoin pour prendre des décisions sensées concernant le déploiement ».

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