Étant donné ses symptômes similaires à ceux de maladies auto-immunes ou virales telles que la sclérose en plaques (SEP) ou la maladie de Lyme, le diagnostic du syndrome de fatigue chronique représente un défi de taille. Des chercheurs de Stanford offrent un nouvel espoir aux patients, avec un test de diagnostic basé sur l’analyse de cellules sanguines. Utilisant une technique spectrométrique habituellement destinée à la chimie et à l’astronomie, le dispositif a démontré une fiabilité de 91%.
La fatigue étant sa principale caractéristique, l’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique (EM/SFC, ME/CFS en anglais) présente un large éventail de symptômes pouvant être confondus avec ceux d’autres pathologies, telles que la SEP, la fibromyalgie, la maladie de Lyme chronique et le COVID long. Par conséquent, de nombreux cliniciens sont réticents à l’idée de la considérer comme une véritable maladie, la présentant davantage comme une caractéristique de l’une d’entre elles. Parmi ces manifestations, figurent par exemple le malaise post-effort, le dysfonctionnement cognitif, les troubles du sommeil, la photosensibilité, le dysfonctionnement endocrinien, etc.
Au cours des dernières années, des preuves croissantes ont amené la communauté médicale à considérer l’EM/SFC comme une maladie à part entière. On estime que 75% des cas se déclenchent à la suite d’une infection, telle que la COVID-19. À savoir que le COVID long est catégorisé en tant qu’EM/SFC s’il ne s’améliore pas au bout de six mois et s’il répond à certains critères identifiés. D’autres facteurs peuvent également la provoquer, tels que la sensibilité à la vaccination, les évènements de stress majeurs, l’exposition à des produits chimiques toxiques, les dérèglements hormonaux, … Des chercheurs soupçonnent également l’implication du microbiote intestinal et de facteurs génétiques.
Des recherches ont précédemment suggéré que l’EM/SFC pourrait être causée par un dysfonctionnement énergétique au niveau des mitochondries. Dans cette vision, des chercheurs de l’Université de Stanford ont récemment développé un prototype de test, permettant de détecter le taux de cellules sanguines chez lesquelles la production énergétique est altérée. Grâce à sa précision, l’outil permettrait de surmonter les difficultés liées au diagnostic clinique de la maladie.
« L’EM/SFC ne dispose d’aucun test de diagnostic sensible et spécifique. Le développement d’un test simple offrant un potentiel de diagnostic précoce est un objectif essentiel », expliquent les experts dans leur article évalué par des pairs, disponible en lecture libre dans la revue Advanced Science. Un diagnostic précoce permettrait non seulement aux patients de mieux gérer la maladie, mais également de conduire à une meilleure compréhension de ses mécanismes physiopathologiques, ce qui pourrait potentiellement mener au développement de traitements adaptés.
Une technique habituellement utilisée en chimie et en astronomie
Des biopsies musculaires effectuées sur des patients souffrant d’EM/SFC ont montré que leurs cellules présentaient un dysfonctionnement mitochondrial. Lorsque leurs lymphocytes étaient isolés puis cultivés, des lignées cellulaires aux propriétés énergétiques très différentes (par rapport aux cellules des témoins sains) étaient générées. Les chercheurs de Stanford en ont conclu que les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) — incluant les lymphocytes — pourraient constituer un bon modèle pour la compréhension des mécanismes biomoléculaires régissant la maladie. Leur hypothèse est que l’analyse unicellulaire des PBMC pourrait révéler les différences entre les patients EM/SFC et les personnes saines.
Cependant, il n’existe à ce jour aucun dispositif pouvant quantifier la fonction énergétique au niveau des cellules. Les experts se sont alors tournés vers la spectroscopie Raman, un outil habituellement utilisé en chimie, en géologie ou en astronomie, pour analyser l’empreinte moléculaire de différents matériaux et objets cosmiques. Cette technique se base sur le phénomène selon lequel la composition moléculaire d’un matériau influence la fréquence de la lumière qui y circule. Il est ainsi possible de déterminer les comportements moléculaires énergétiques au sein d’un échantillon cellulaire, en y envoyant un faisceau de lumière monochromatique afin d’analyser la manière dont celle-ci est diffusée.
En étant combinée à la microscopie confocale, la spectroscopie Raman permet d’analyser les cellules individuelles de manière non invasive et sans recours à des marqueurs de détection artificiels. Le spectre Raman unicellulaire (SCRC) obtenu constitue une empreinte phénotypique de la totalité des biomolécules de la cellule et offre un aperçu de leur dynamique sous-jacente. Une étude pilote menée antérieurement par les mêmes chercheurs a démontré qu’un profilage comparatif du SCRS pouvait distinguer les patients EM/SFC des individus sains. Dans le cadre de la nouvelle étude, le protocole a été amélioré en introduisant les données dans un algorithme d’intelligence artificielle (IA), offrant ainsi un gain de précision.
Afin de tester leur protocole, les chercheurs ont recruté 98 volontaires, dont 61 patients souffrants d’EM/SFC et 37 témoins. Parmi ces témoins, 21 souffraient d’une SEP (présentant de nombreux symptômes similaires à l’EM/SFC) et 16 autres étaient totalement sains. En entrant les données comparatives des profils Raman dans l’outil d’IA, 2000 cellules différentes ont pu être analysées. Le système a pu déterminer avec une fiabilité de 91%, si les patients étaient atteints ou non d’EM/SFC. En outre, il a pu être évalué avec une fiabilité de 84% si les patients étaient atteints d’une forme légère, modérée ou sévère de la maladie.
Par ailleurs, l’approche pourrait être appliquée au diagnostic d’autres maladies chroniques présentant les mêmes symptômes, comme le COVID long et le syndrome post-traitement de la maladie de Lyme. Mais pour l’heure, l’équipe prévoit d’étendre le protocole à une cohorte plus importante, dans le cadre de l’EM/SFC.