Le tatouage, un moyen d’expression aux vertus thérapeutiques

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| Mowgli/Through My Third Eye
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Plusieurs études scientifiques montrent que les tatouages sont bien plus que de simples accessoires de mode. Les personnes tatouées ont généralement des motivations plus profondes que le simple fait d’arborer un joli dessin sur leur corps. Des études scientifiques ont même révélé qu’être tatoué renforçait l’estime de soi, et ce, de façon permanente.

Le tout premier tatouage connu remonte au Néolithique (vers 2600 av. J.-C.) : le corps momifié d’Ötzi, un chasseur retrouvé piégé dans un glacier alpin, arborait une soixantaine de motifs géométriques sur ses jambes, son torse et le bas du dos. On compte aujourd’hui en France près de 4000 salons de tatouage ; un sondage IFOP rapportait en janvier 2017 que 14% des Français étaient tatoués. Selon le Syndicat national des artistes tatoueurs, le tatouage est aujourd’hui considéré comme « le 10e art » et fait de plus en plus d’adeptes.

Un simple attrait esthétique ? Un effet de mode ? Pour Viren Swami, psychologue à l’Université Anglia Ruskin et spécialiste en image corporelle, un tatouage est par nature bien plus que cela : « Compte tenu de sa nature permanente, de la douleur que cela implique et de la planification souvent nécessaire pour se faire tatouer, il est très difficile de conceptualiser le tatouage comme un accessoire de mode », explique-t-il.

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Le tatouage comme moyen de s’approprier son corps

L’art du tatouage remonte à des millénaires. Certains psychologues pensent que le tatouage avait alors un objectif évolutif : selon leur théorie, à l’époque de la préhistoire, il était nécessaire de disposer de solides défenses immunitaires pour survivre au danger d’infection inhérent au tatouage ; ainsi, les individus qui résistaient à ce marquage de la peau prouvaient qu’ils étaient génétiquement forts et donc des partenaires de choix pour la reproduction.

Mais Viren Swami n’est pas convaincu par cette hypothèse. Pour ce spécialiste, seule compte la façon dont les individus se sont exprimés — et s’expriment encore — via cet art, selon le contexte historique et culturel. Il explique que les tatouages en Grande-Bretagne ont gagné en popularité après l’exploration du Pacifique par le capitaine Cook ; en effet, à cette époque, les marins revenaient au pays avec des tatouages tribaux gravés sur la peau par les indigènes. Puis, l’art du tatouage est devenu très populaire dans la haute société anglaise vers la fin du 19e siècle, dès lors que fut inventée la toute première machine à tatouer électrique.

Pour cette catégorie de personnes, il s’agissait de marquer clairement leur appartenance aux classes supérieures. Le roi George V lui-même arborait un tatouage représentant un dragon rouge et bleu. Puis, au cours du 20e siècle, le tatouage a peu à peu quitté la sphère mondaine pour rejoindre les mouvements de rébellion antisociaux (gangs, punks, etc.) — le corps humain servait alors directement de support pour exprimer son refus des règles établies, pour signaler son appartenance à un groupuscule, etc.

Aujourd’hui, le tatouage concerne toutes les catégories de personnes, quelle que soit leur classe sociale, leurs croyances et leurs opinions politiques. Beaucoup de célébrités, issues du monde de la musique ou du cinéma, ont fièrement exhibé leurs tatouages à la fin des années 1990, ce qui a peut-être initié le mouvement. Mais pour Swami, les tatouages constituent surtout pour les gens « un moyen d’exercer leur propriété et de marquer leur contrôle sur leur chair », dans une société très normative sur tout ce qui touche au corps. Pour le Dr Joseph Pierre, professeur clinicien en sciences de la santé à l’Université de Californie à Los Angeles, la popularité croissante des tatouages peut également être liée au déclin du « puritanisme » en Occident. Les gens exposent davantage de peau et le tatouage est « une autre façon de présenter au monde ce qui restait auparavant caché », explique-t-il.

Le tatouage comme élément de croissance post-traumatique

Swami a réalisé plusieurs études sur le sujet, en examinant en particulier les personnalités des individus qui ont fait le choix de se faire tatouer. Il ressort de ces études que les individus tatoués sont légèrement plus colériques et plus impulsifs que les personnes non tatouées ; cela dit, le psychologue souligne que la différence est vraiment infime et qu’aucun trait de caractère ne distingue les uns et les autres de manière significative.

Point intéressant : l’une de ses études, menée en 2011, a toutefois révélé que le tatouage avait un réel impact sur l’image de soi ; les résultats ont montré que juste après s’être fait tatouer, les personnes sondées affichaient une anxiété et une insatisfaction liées à l’apparence significativement plus faibles. En outre, cette meilleure estime d’eux-mêmes persistait même trois semaines après l’acte. « Une fois que vous avez votre tatouage, vous vous sentez beaucoup plus proche de votre corps », explique Swami.

Un tatouage ne se choisit pas à la légère et nécessite plusieurs jours, semaines, ou mois de réflexion pour imaginer le dessin qui traduira le mieux son ressenti. « Pour beaucoup de gens, le tatouage sera le marqueur d’une expérience de vie particulière, et de la force qu’ils en tirent », confirme Mowgli, un célèbre tatoueur londonien, qui tient à s’entretenir près d’une heure avec chacun de ses clients avant de leur soumettre un dessin. Le chagrin suite à une séparation, ou encore le deuil d’une personne font partie de ces expériences qui motivent certaines personnes à se faire tatouer. Pour autant, comme le confirme une récente étude, les dessins choisis pour commémorer ces tristes circonstances sont rarement macabres ; au contraire, ils traduisent souvent le lien avec le défunt et symbolisent ce que cette personne a apporté au tatoué.

Le tatouage peut donc faire partie intégrante d’un processus de deuil, ou contribuer à combattre tout autre traumatisme. Swami évoque notamment le fait que le tatouage peut aussi aider les victimes de violence domestique à se reconstruire. Une autre étude rapporte que les tatouages de survivants du cancer sont l’une des nombreuses stratégies utilisées pour se remettre du traumatisme causé par le diagnostic et le traitement de la maladie. Enfin, dans le contexte sanitaire actuel, les demandes de tatouages liés à la pandémie augmentent, chacun souhaitant exprimer à sa manière la façon dont il a traversé cette crise sans précédent.

En résumé, les tatouages n’ont certainement pas qu’une valeur esthétique. Chaque dessin traduit une histoire marquante et très personnelle, dont on souhaite conserver une trace indélébile, à des fins de commémoration, de reconstruction ou d’acceptation de soi. Et c’est sans doute le seul moyen d’expression qui soit aussi intime et immuable.

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