Ce télescope spatial utiliserait la Terre en tant que véritable loupe géante !

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| James Tuttle Keane/ California Institute of Technology
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Lorsqu’il sera terminé, dans environ six ans, le Télescope géant européen (European Extremely Large Telescope, ELT) sera le plus grand télescope au monde, avec un miroir de près de 40 mètres de diamètre. Mais un astronome a proposé un télescope spatial encore plus puissant, avec l’équivalent d’un miroir d’un diamètre virtuel de 150 mètres. L’appareil utiliserait l’atmosphère de la Terre elle-même comme une lentille gravitationnelle naturelle afin de recueillir et focaliser la lumière.

Il s’agit de l’astronome David Kipping de l’Université de Columbia, qui a effectivement déterminé qu’un télescope spatial de 1 mètre, positionné au-delà de l’orbite de la Lune, pourrait utiliser la puissance de focalisation de l’anneau d’atmosphère entourant la planète pour amplifier, des dizaines de milliers de fois, la luminosité des objets distants.

Un projet pour le moins ambitieux. Mais comme le souligne Kipping, l’atmosphère est trop variable pour un Terrascope (comme l’appelle ce dernier), pour produire des images qui rivalisent avec celles du télescope spatial Hubble par exemple.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Cependant, il pourrait tout de même permettre de découvrir des objets de luminosité beaucoup plus faible qu’il n’est maintenant possible de détecter, y compris de petites exoplanètes ou des astéroïdes menaçant la Terre. Bien qu’il reste encore du travail afin de prouver le fonctionnement de son concept, Kipping affirme que la technologie nécessaire existe déjà : « Rien de tout cela ne consiste à réinventer la roue, il faut juste pousser plus fort ».

L’image de l’amas galactique Abell 370, capturée par le télescope spatial Hubble dans le cadre du projet BUFFALO, révèle des milliers de galaxies lointaines grâce à l’effet de lentille gravitationnelle. Crédits : NASA/ESA/A Koekemoer/M Jauzac/C Steinhardt/BUFFALO team

Les astronomes ayant analysé la recherche de Kipping sont à la fois ravis et prudents… Par exemple, Matt Kenworthy, de l’Université de Leiden aux Pays-Bas, a expliqué qu’il était « époustouflé par tout le travail et la réflexion que Kipping a investi dans le projet », mais souhaite plus de preuves démontrant que cela pourrait effectivement fonctionner. Il y a également Bruce Macintosh, de l’Université de Stanford à Palo Alto (USA), qui a ajouté : « C’est une expérience de pensée intéressante, mais il y a beaucoup de détails à considérer ».

Il faut savoir que Kipping est bien connu pour avoir mené des recherches sur des lunes situées dans d’autres systèmes planétaires. Il a expliqué que son idée de Terrascope lui est venue il y a déjà treize ans, lorsqu’il était en train d’étudier un phénomène atmosphérique rare appelé rayon vert (flash vert, ou encore éclair vert) : il s’agit d’un photométéore rare qui peut être observé au lever ou au coucher du soleil, et qui prend la forme d’un point vert visible quelques secondes au sommet de l’image de l’astre, tandis qu’il se trouve en grande partie sous l’horizon.

Ce phénomène peut également être observé avec la Lune. C’est à ce moment-là que Kipping a réalisé que, du bon angle depuis l’espace, il est possible de voir tout un anneau vert, lorsque le soleil passe derrière la Terre et que sa lumière est réfractée par l’anneau d’air qui entoure la circonférence de la planète.

Kipping a également été inspiré par l’idée que le Soleil lui-même pourrait être utilisé comme une lentille, avec sa gravité focalisant la lumière sur un détecteur basé dans l’espace. Une telle lentille solaire amplifierait la luminosité des objets célestes 1 million de milliards de fois, laissant potentiellement apparaître les surfaces des exoplanètes.

Cette idée a fait naître la mission FOCAL (Fast Outgoing Cyclopean Astronomical Lens), proposée à l’ESA en 1993. Cependant, cette mission n’a jamais vu le jour car le détecteur aurait dû se situer dans l’espace à 550 fois la distance Terre-Soleil, soit presque 20 fois plus loin que Neptune. Une distance beaucoup trop difficile à atteindre pour un vaisseau spatial actuel (il lui faudrait près d’un siècle…).

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Ici, grâce à l’effet de lentille gravitationnelle d’un amas galactique massif (à gauche), des astrophysiciens ont pu observer Icarus (en bas à droite) alors qu’en 2011, elle n’était pas encore visible (en haut à droite). Crédits : NASA/ESA/P. Kelly

Mais le Terrascope serait beaucoup plus proche de la Terre ! Kipping a calculé que la lumière rasant la surface d’un objet situé directement derrière la Terre est déviée vers une distance focale située à 85% de la distance qui le sépare de la Lune. Mais la lumière atteignant ce point focal risque de rencontrer des nuages ​​et beaucoup de turbulences, à cause du passage à travers la basse atmosphère.

De ce fait, selon Kipping, il suffit de déplacer le détecteur d’environ 1.5 million de kilomètres, sur un point focal quatre fois plus éloigné que la Lune. Cela permettrait d’obtenir des échantillons de lumière ayant traversé la stratosphère (qui est beaucoup plus calme et sans nuages), à une altitude de 13.7 kilomètres.

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À cette distance, un télescope de 1 mètre qui observerait tout au long de la nuit, pourrait clairement observer un objet se trouvant boosté jusqu’à 22’500 fois par rapport à sa luminosité d’origine : selon Kipping, cela équivaudrait à l’utilisation d’un télescope de 150 mètres de diamètre. De plus, cette puissante amplification du Terrascope signifie qu’il pourrait détecter des objets très peu lumineux, ou discerner des changements très subtils dans la luminosité, ce qui « pourrait permettre de sonder le ciel à la recherche de très petits astéroïdes peu lumineux ou encore mesurer les infimes changements de luminosité dûs à de petites exoplanètes passant devant des étoiles brillantes », a-t-il expliqué.

Pour éviter d’être ébloui par le disque brillant de la Terre, le télescope aurait besoin d’un masque, appelé coronographe, permettant de bloquer cette lumière. Kipping a également expliqué qu’il faudrait prendre en compte cette « lueur atmosphérique » : une faible émission de lumière dans la haute atmosphère. Mais il note également que cette lueur pourrait éventuellement être éliminée grâce à des filtres, voire encore numériquement.

Kenworthy affirme que la variabilité de l’atmosphère pourrait grandement dégrader la qualité des images du Terrascope. « L’étape suivante consisterait à tracer le rayon avec un modèle réaliste d’atmosphère terrestre. Idéalement, l’objectif géant devrait concentrer la lumière sur un point », a-t-il déclaré.

Macintosh soutient également cette idée : « L’atmosphère de la Terre est une lentille non idéale, elle produira des images très floues. Mais elle pourrait être utile pour étudier des changements de luminosité chez des objets à luminosité très faible », a-t-il expliqué.

Il reste donc encore beaucoup de travail avant que cette idée ne puisse aboutir à une mission réelle, mais les premiers résultats sont très concluants !

Source : arXiv

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