Les scientifiques ont découvert une faille qui fait qu’une mince couche d’atomes bidimensionnelle se comporte comme un matériau tridimensionnel solide. De nouvelles recherches ont été effectuées dans le domaine de l’ondulation du graphène, et on permis de découvrir un phénomène physique à l’échelle atomique qui pourrait être exploité pour produire une quantité presque illimitée d’énergie propre.
Dans un premier temps, l’équipe de physiciens, dirigée par des chercheurs de l’Université de l’Arkansas (USA) ne visait pas à découvrir une nouvelle manière d’alimenter les appareils électroniques. Non, leur objectif était bien plus humble : ils souhaitaient simplement observer et étudier les vibrations du graphène.
Ce matériau bidimensionnel cristallin est la forme allotropique du carbone, dont l’empilement constitue le graphite. Le graphite, quant à lui, peut être combiné avec un matériau céramique pour se retrouver dans les crayons par exemple. Il faut savoir que ce que nous voyons comme des traces laissées par le crayon, sont en réalité des tas d’atomes de carbone empilés et disposées selon un motif de « grillage ». Et comme les différents éléments de ce grillage ne sont pas physiquement collés, ils peuvent facilement glisser les uns sur les autres.
Durant des années, les scientifiques se sont demandés s’il était possible d’isoler différentes couches de graphite, laissant une couche unique de ce « grillage » en carbone bidimensionnel (et qu’il se soutienne physiquement lui-même).
En 2004, deux physiciens de l’Université de Manchester (Angleterre) ont réalisé ce qui était considéré comme impossible auparavant, en isolant une couche faisant seulement un atome d’épaisseur, à partir d’un graphite épais. Mais afin que le matériau bidimensionnel puisse exister, il doit « tricher » d’une manière ou d’une autre, et agir comme s’il était un matériau tridimensionnel, afin de fournir un certain niveau de robustesse.
Il se trouve que la « faille » découverte, est en réalité le résultat de la vibration aléatoire des atomes qui se produit dans un mouvement de va-et-vient, donnant à la couche bidimensionnelle de graphène, une troisième dimension pratique. En d’autres termes, ce graphène pouvait physiquement exister car il n’était pas parfaitement plat, mais vibrait à un niveau atomique de telle manière que ses liaisons ne se détruisaient pas spontanément.
Afin de mesurer avec précision l’intensité de cette agitation, le physicien Paul Thibado a dirigé une équipe d’étudiants diplômés lors d’une étude : l’équipe a posé des feuilles de graphène à travers une grille de cuivre (de soutien) et a observé les changements dans les positions des atomes, en utilisant un microscope à effet tunnel. Tandis qu’ils pouvaient enregistrer le balancement des atomes dans le graphène, les chiffres ne correspondaient à aucun modèle attendu. Ils ne pouvaient pas non plus reproduire les données qu’ils collectaient, d’un essai à l’autre.
« Les étudiants ont estimé que nous n’allions pas apprendre quoi que ce soit d’utile. Mais je me demandais si nous ne nous posions pas une question trop simple », explique Thibado, qui a finalement dirigé l’expérience dans une autre direction, ce qui a permis d’analyser les données de manière différente. « Nous avons séparé chaque image en différentes sous-images. Observer les moyennes à grande échelle a en quelques sortes « caché » les différents modèles. Chaque région d’une seule image, une fois considérée au fil du temps, a produit un modèle plus significatif », a ajouté Thibado.
L’équipe a rapidement constaté que les couches de graphène se comportaient de la même manière que le claquement d’un morceau de métal mince tordu par les côtés. Les schémas des petites fluctuations aléatoires se combinant pour former des changements soudains, sont connus sous le nom de processus de Lévy. Bien qu’ils aient été observés dans des systèmes complexes de biologie et de climat, c’était la première fois qu’ils étaient observés à l’échelle atomique.
En mesurant la vitesse et l’échelle de ces ondes de graphène, Thibado a pensé qu’il pourrait être possible de l’utiliser comme une source d’énergie à température ambiante. En effet, tant que la température du graphène permettait aux atomes de se déplacer de cette manière, alors le matériau continuait à onduler et à se courber. Il suffit alors de placer des électrodes de chaque côté des sections de ce graphène pour obtenir une petite tension changeante.
Selon les calculs de Thibado, un unique morceau de graphène faisant dix microns par dix microns, pourrait produire dix microwatts de puissance. Cela peut ne pas sembler très impressionnant, mais étant donné que vous pouvez placer plus de 20’000 de ces carrés rien que sur une tête d’épingle, alors une petite quantité de graphène à température ambiante pourrait très bien alimenter l’équivalent d’une montre-bracelet par exemple, et ce de manière indéfinie. Mieux encore, il pourrait alimenter des bioimplants qui n’auraient alors pas besoin de piles encombrantes.
Bien entendu, ces applications doivent encore être étudiées. Thibado travaille déjà actuellement avec des chercheurs du US Naval Research Laboratory, pour déterminer si le concept pourrait fonctionner.
Pour une molécule dite « impossible » à la base, le graphène a bien gravi les échelons et est devenu un matériau qui a tout simplement bouleversé la physique.