Vaccin universel contre les coronavirus : les essais cliniques commenceront cette année

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À droite : le SARS-CoV-2 vu au microscope électronique. | Wikimedia/Trust My Science
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Tout le monde le sait désormais, le coronavirus SARS-CoV-2 n’est pas le premier à être passé de l’animal à l’Homme, et ça ne sera pas le dernier. Alors que notre arsenal pour lutter contre ce virus s’agrandit, incluant plusieurs vaccins efficaces, des nouveaux variants nous menacent à nouveau. De ce fait, de nombreux experts le disent haut et fort : nous avons besoin plus que jamais d’un nouveau vaccin universel, qui pourra nous protéger contre d’autres coronavirus et leurs variants, qui émergeront tôt ou tard.

Ce qui est plutôt rassurant, c’est que les recherches visant à développer ce type de vaccin sont non seulement déjà en cours, mais ont très bien avancé l’année dernière. Bien qu’il s’agisse d’un défi de taille, les essais cliniques sont déjà prévus ; ils devraient commencer dans le courant de l’année.

Au cours des 20 dernières années, l’humanité a connu trois épidémies causées par de nouveaux coronavirus : Le SARS, le MERS et maintenant la COVID-19. Les deux premières maladies sont très mortelles ; jusqu’à 35% des personnes contractant le MERS et 10% de celles atteintes du SARS décèdent. Le seul « avantage » est que ces deux maladies ne sont pas très transmissibles. La COVID-19 est comme vous le savez, très transmissible, mais pas aussi mortelle ; jusqu’à présent, jusqu’à environ 1% des personnes infectées en meurent.

Et il faut s’attendre à ce que la liste s’étende… En effet, avec un certain nombre d’autres coronavirus sur le point de faire le saut de l’animal à l’humain, il y en aura certainement un quatrième. Et comme le souligne Wayne Koff, PDG du consortium mondial Human Vaccines Project, si le prochain coronavirus est aussi transmissible que le SARS-CoV-2 et aussi mortel que ceux qui causent le SARS ou le MERS, « d’ici un an, nous pourrions atteindre les 100 millions de morts ».

Selon Anthony Fauci, directeur de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), la solution à cette menace est évidente. « Nous aimerions développer un vaccin universel contre tous les coronavirus », a-t-il déclaré lors d’une conférence en ligne organisée par l’Académie des sciences de New York ce mois-ci.

Un ciblage universel

Un vaccin universel contre les coronavirus devrait cibler une région qui est si essentielle à sa survie qu’elle serait présente chez tous les coronavirus. Il faut également que cette dernière ne change pas lorsqu’ils mutent. Les scientifiques pensent que ces régions hautement conservées pourraient être des épitopes universels, des régions du virus stimulant le système immunitaire, qui pourraient être utilisés pour fabriquer un vaccin efficace contre de multiples coronavirus.

Mais pour le moment, il n’est même pas certain que nous puissions fabriquer un vaccin qui protège contre toutes les variantes du SARS-CoV-2. Mais certains indices laissent penser qu’un vaccin universel pourrait voir le jour. Les appels à la création d’un tel vaccin ont commencé en 2014, lorsqu’Abul Islam et Refat Sharmin, de l’université de Dhaka au Bangladesh, ont découvert un épitope au sein d’une enzyme universelle, présente chez tous les coronavirus humains connus, et l’ont proposé comme cible pour un vaccin universel. Cette découverte a été publiée dans la revue BMC Bioinformatics, mais n’a pas encore été exploitée.

Selon Luca Giurgea du NIAID, les scientifiques acceptent maintenant la nécessité d’essayer. En mai 2020, il a publié avec deux collègues un article d’opinion dans la revue NPJ Vaccines, intitulé « Vaccins universels contre les coronavirus : il est temps de commencer ». Ils ont exhorté le monde à ne pas se concentrer uniquement sur les vaccins contre le SARS-CoV-2, mais à voir plus grand.

« Nous avons été confrontés à un certain scepticisme », déclare Giurgea. « Maintenant que nous commençons à obtenir des données suggérant que certains des vaccins ont une efficacité moindre contre les nouvelles variantes, nous constatons enfin un changement considérable dans l’attention portée aux vaccins plus largement protecteurs ».

Des anticorps neutralisants à large spectre

La bonne nouvelle est que les coronavirus actuels et futurs ont probablement des caractéristiques communes qu’un vaccin universel pourrait exploiter. Outre l’épitope découvert par Islam et Sharmin en 2014, les coronavirus utilisent également des protéines Spike (de pointe) pour pénétrer dans nos cellules. Celles du SARS-CoV (le virus qui cause le SARS) et du SARS-CoV-2 sont identiques à environ 78% en matière de séquence des acides aminés qui les composent.

Ces régions hautement conservées doivent être biologiquement importantes et constituent donc une cible tentante pour les vaccins, car il est peu probable que les coronavirus puissent leur échapper par mutation, étant donné que de telles modifications rendraient probablement le virus inactif.

Les preuves immunologiques suggèrent également que plusieurs coronavirus présentent des aspects universels, étant donné que les anticorps contre l’un peuvent protéger contre un autre. Par exemple, les anticorps des personnes qui se sont remises du SARS protègent parfois contre le SARS-CoV-2, et vice versa.

Il est également possible de générer des anticorps (chez les souris pour le moment) qui sont efficaces contre le SARS, le MERS et la COVID-19. De même, les animaux immunisés contre le SARS-CoV-2 ont acquis une résistance à ce dernier ainsi qu’à un coronavirus de chauve-souris semblable, qui a été précédemment identifié comme une menace pour l’Homme.

La découverte de ces anticorps largement neutralisants, qui peuvent reconnaître les épitopes de plusieurs coronavirus différents, suggère fortement qu’un vaccin universel est envisageable, déclare le vaccinologue Dennis Burton du Scripps Research Institute à La Jolla, en Californie. Le plus difficile est de déterminer exactement quelles parties du virus stimulent la production de ces anticorps largement neutralisants afin de concevoir un vaccin basé sur ces derniers. Mais plusieurs équipes de recherche tentent d’y parvenir.

Essais cliniques : un début au premier trimestre 2021

Ralph Baric, de l’école de médecine de l’université de Caroline du Nord et ses collègues, ont isolé des anticorps d’une personne qui avait été infectée par le SARS-CoV (causant le SARS) et ont identifié ceux qui étaient largement neutralisants contre d’autres coronavirus, y compris le SARS-CoV-2. Ils ont ensuite modifié les anticorps en utilisant le génie génétique pour les rendre encore plus efficaces. Enfin, ils ont analysé ces anticorps surchargés pour déterminer à quelle région de la protéine Spike ils se sont liés, car cette dernière semble hautement conservée par tous les coronavirus, et pourrait donc être leur talon d’Achille.

« Il existe clairement des épitopes de neutralisation croisée majeurs, et si nous voulons développer des vaccins à large spectre, nous devons identifier où se trouvent ces épitopes », explique Baric. Une autre approche consiste à fabriquer des protéines artificielles portant les caractéristiques des protéines Spike de plusieurs coronavirus humains et animaux. Il a déjà été démontré qu’un vaccin expérimental basé sur cette approche induisait une large immunité contre plusieurs coronavirus dans un modèle murin. Ce résultat est « plutôt prometteur », déclare Giurgea.

Des chercheurs du Laboratoire national de Los Alamos, au Nouveau-Mexique, ont également un vaccin universel en vue. Bette Korber, qui dirige ses recherches sur le vaccin universel contre les coronavirus, indique qu’il existe un certain nombre de régions hautement conservées dans tout le groupe des coronavirus, qui comprend le SARS-CoV, le SARS-CoV-2, le MERS-CoV (responsable du MERS) et certains virus qui provoquent le rhume.

Des études montrent que ces régions peuvent être utilisées pour provoquer une réponse immunitaire des cellules T chez les souris. Les cellules T tuent les cellules infectées et ne sont normalement pas l’objectif premier d’un vaccin. Toutefois, il pourrait être utile d’ajouter ces épitopes hautement conservés aux vaccins existants pour obtenir une réponse immunitaire plus large.

Enfin, il existe une poignée de sociétés de biotechnologie qui prennent des mesures en vue de la mise au point d’un vaccin commercial universel. ConserV Bioscience (Royaume-Uni) par exemple, déclare qu’elle développe un vaccin à ARNm qui couvre tout le spectre des coronavirus, y compris ceux qui causent le rhume, bien qu’elle n’ait pas encore révélé le mode d’action exact de son vaccin.

L’objectif est de mettre au point un vaccin qui pourrait être administré à la population à intervalles de quelques années afin de prévenir une future pandémie, explique le PDG Kimbell Duncan. Le vaccin est en phase de test préclinique et pourrait faire l’objet d’essais préliminaires sur l’Homme cette année, ajoute-t-il. Une autre société, VBI Vaccines, dans le Massachusetts, a déclaré qu’elle prévoyait de commencer des essais cliniques au premier trimestre de cette année pour un vaccin universel qui cible les protéines Spike du SARS-CoV, du SARS-CoV-2 et du MERS-CoV.

La course au développement d’un vaccin contre le SARS-CoV-2 a été remportée en un temps record, mais la prochaine course ne fait que commencer. « Il est très facile d’imaginer des souches de coronavirus hautement pathogènes avec un taux de mortalité de 10 à 15%, qui seraient presque aussi transmissibles que la COVID-19 », explique Baric. « Il existe une menace sérieuse et nous devons vraiment, vraiment y prêter attention ».

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