Une vaste ville romaine abandonnée il y a des siècles a été révélée par un radar pénétrant le sol

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Falerii Novi, la cité romaine enfouie a été révélée grâce à un radar. | L. Verdonck/AFP
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Falerii Novi était une grande ville avec une communauté florissante : depuis sa fondation en 241 avant notre ère et jusqu’à 700 EC, plusieurs générations ont vécu dans ses rues qui arboraient des bains, un marché, un temple et même un réseau important de canalisations d’eau. Aujourd’hui, pour la toute première fois, des chercheurs ont réussi à cartographier avec précision cette ancienne cité, et ce sans déplacer ne serait-ce qu’un caillou.

Située dans le Latium, à 50 kilomètres de Rome, les passants occasionnels pourraient remarquer quelques restes de Falerii Novi : des tours de guet ainsi que d’anciens murs parsèment des champs herbeux. De plus, une abbaye a ensuite été construite sur une partie du site…

Le centre prospère qui s’y trouvait autrefois a laissé son empreinte fantomatique sous le sol : à présent, des archéologues ont utilisé une technologie radar de pointe permettant de pénétrer le sol pour générer la carte la plus détaillée de la ville fortifiée, et ce, sans jamais déplacer ne serait-ce qu’une seule pierre. « C’est la première fois que cette technologie est utilisée pour cartographier une ville entière », a déclaré Martin Millett, de l’Université de Cambridge, co-auteur de l’étude.

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Falerii Novi se situe à environ 50 kilomètres de Rome. Crédits : University of Cambridge

L’ancienne cité Falerii Novi est étudiée depuis les années 1990. Mais le radar à pénétration de sol (dit GPR, de l’anglais Ground Penetrating Radar), permet aujourd’hui aux chercheurs de sonder différentes profondeurs et notamment de voir comment la ville a évolué au cours des siècles.

Le GPR est utilisé depuis des décennies dans divers domaines, tels que l’ingénierie et l’armée. Cet appareil géophysique utilise le principe d’un radar que l’on pointe vers le sol pour en étudier la composition et la structure (sa technologie repose donc sur l’envoi d’ondes radio dans le sol et sur la mesure de leur réflexion). Il est ainsi possible de sonder une grande variété de terrains, incluant également les calottes glaciaires et les étendues d’eau.

Les résultats de la recherche ont permis aux chercheurs de révéler un site tentaculaire de 30,5 hectares (75,4 acres), comprenant un complexe de bains, un marché et un temple, ainsi que des rues et même un système de conduites d’eau sous les murs, reliant l’aqueduc et les bains publics. Les chercheurs ont également identifié des preuves de vol de pierres, entraînant la disparition de certains murs.

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Crédits : Verdonck et al./Antiquity

En ajustant la profondeur de la pénétration du radar, l’équipe de recherche, soit une collaboration entre l’Université de Cambridge au Royaume-Uni et l’Université de Gand en Belgique, a pu voir les changements dans la ville au fil du temps, grâce à ce que l’on appelle des « tranches de temps ».

Étant donné que différents matériaux réfléchissent les ondes radio avec des amplitudes et des temps de trajet différents, cela signifie que nous pouvons « voir » ce qui se trouve sous terre, et ce en haute résolution, sans jamais avoir à creuser pour le découvrir.

C’est un outil qui voit son utilisation croître en archéologie, en particulier à mesure que la technologie s’améliore. Par exemple, au cours de la dernière décennie, cette technologie est passée de l’ondulation manuelle d’une seule antenne au sol, à un remorquage de réseaux multiantennes de véhicules tout-terrain, couplant les mesures avec le GPS par satellite. Et c’est précisément ce qu’ont utilisé les chercheurs pour cartographier Falerii Novi.

À l’heure actuelle, une analyse complète des résultats est toujours en attente. Il faut savoir que les analyses ont abouti à 28,68 milliards de points de données, soit environ 4,5 Go de données brutes par hectare, et étudier la carte de manière précise prendra du temps.

Néanmoins, les chercheurs ont déjà fait des découvertes surprenantes, surtout si l’on considère à quel point la ville a été étudiée auparavant. « L’enquête GPR à Falerii Novi a révélé des bâtiments publics non enregistrés auparavant, tels qu’un temple, un macellum ou un marché et un complexe de bains. Bien que ces bâtiments appartiennent au répertoire attendu d’une ville romaine, certains sont architecturalement sophistiqués et plus élaborés qu’ils ne le seraient habituellement dans une petite ville de ce type », ont déclaré les chercheurs.

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Crédits : Verdonck et al./Antiquity

« Ce qui a été inattendu, c’était la découverte de deux très grandes structures adjacentes aux murs. Immédiatement à l’est de la porte nord, se trouve une enceinte définie sur trois côtés par un important portique en duplex d’environ 90 × 40 mètres, donnant sur la rue. Une paire de structures, chacune avec une niche centrale, se font face à l’intérieur du complexe. Bien que nous ne connaissions aucun parallèle direct avec cette structure, il s’agissait évidemment d’un monument public », ont ajouté les chercheurs.

L’équipe de chercheurs a identifié plusieurs maisons atriums donnant sur la rue, leurs plans révélés par la surface de leurs sols. Les tranches de temps de ces bâtiments démontrent qu’ils ont été rénovés au fil du temps, tout comme nous rénovons nos propres maisons en fonction des goûts ou des circonstances.

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L’agencement de la ville était également beaucoup moins standardisé que prévu : « le plan de Falerii Novi s’avère bien moins standardisé que celui de nombreuses villes romaines, comme Pompéi », ont expliqué les chercheurs, ce qui suggère que notre compréhension de l’urbanisme de l’époque romaine a encore du chemin à faire.

Une analyse plus complète du site est sans doute en attente, mais les résultats jusqu’à présent sont déjà extrêmement intéressants. Bien entendu, un site comme Falerii Novi est beaucoup trop grand pour être fouillé archéologiquement, mais cette recherche montre que les levés GPR peuvent être un excellent moyen d’étudier des ruines inaccessibles situées sous le sol.

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Le réseau GPR remorqué en quad, avec un membre de l’équipe de recherche, le Dr Lieven Verdonck de l’Université de Gand, sur le site de Falerii Novi, en Italie. Crédits : Frank Vermeulen

Mais cette technologie a ses limites : de nombreux anciens sites sont restés en service et ont été continuellement rénovés, où ont vu de nouvelles constructions de structures modernes s’ajouter aux anciennes. Certains de ces sites se trouvent également aujourd’hui sous des zones boisées. Il n’est pas possible de conduire un réseau d’antennes GPR sur ce type de sites. De plus, certains types de sols sont mal adaptés au GPR : c’est notamment le cas de l’argile, qui peut entraîner une perte de puissance du signal, tandis que le sol rocheux lui, peut disperser le signal.

Par ailleurs, le volume de données est également assez intimidant, mais un logiciel conçu pour détecter les caractéristiques architecturales peut être utile. En bref, les limites de cette technologie n’amputent rien à ses exploits potentiels. « Le niveau de détail exceptionnel que nous avons atteint à Falerii Novi et les caractéristiques surprenantes que le GPR a révélées suggèrent que ce type d’enquête pourrait transformer la manière dont les archéologues enquêtent sur les sites urbains, en tant qu’entités totales », a déclaré l’archéologue Martin Millett, de l’Université de Cambridge. « Il est passionnant et maintenant réaliste d’imaginer que le GPR pourrait être utilisé pour sonder une grande ville comme Milet en Turquie, Nicopolis en Grèce ou Cyrène en Libye. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la vie urbaine romaine et cette technologie devrait offrir des opportunités sans précédent pour les décennies à venir », a ajouté Millett.

Sources : Antiquity, University of Cambridge

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