La vitesse de la gravité se précise !

black hole simulation
Deux trous noirs tournant l’un autour de l’autre avant de fusionner.
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Poser une valeur précise sur la vitesse de la gravité a toujours été un enjeu primordial pour les physiciens. Si Isaac Newton affirmait que la gravité agissait instantanément, Albert Einstein a démontré via la théorie de la relativité générale que ce n’était en réalité pas le cas. Pour Einstein, la gravité se propage à la vitesse de la lumière dans le vide.

Grâce aux données provenant des récentes observations des ondes gravitationnelles, les physiciens ont pu commencer à poser des limites sur la vitesse de la gravité. Comme le rappelle Neil Cornish (Université du Montana), « avant la détection des ondes gravitationnelles, nous n’avions aucun moyen de mesurer directement la vitesse de la gravité » tout en ajoutant que « la vitesse de la gravité, comme la vitesse de la lumière, est une des constantes fondamentales de l’univers ».

Bien que les chercheurs ne puissent encore pas donner de valeur absolue concernant la vitesse de la gravité, ces derniers ont réussi à délimiter celle-ci à l’intérieur d’intervalles toujours plus précis. Ce travail s’avère extrêmement important car poser des contraintes (limites inférieures et supérieures) précises à partir de données numériques concrètes, en plus d’améliorer nos connaissances théoriques, permet aux chercheurs d’affiner la sensibilité des instruments de mesure.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Des contraintes précises sur la vitesse de la gravité grâce aux ondes gravitationnelles

Dans une publication parue le 18 octobre 2017 dans le journal Physical Review Letters (1), les physiciens Neil Cornish, Dieglo Blas (CERN) et Germano Nardini (Université de Bern) proposent une limite inférieure et une limite supérieure à la vitesse de la gravité après avoir étudié les données publiées par les collaborations LIGO et Virgo (2) provenant des premières sources d’ondes gravitationnelles détectées.

Pour ce faire, les physiciens ont comparé les temps d’arrivée des signaux gravitationnels entre les deux détecteurs situés à Handford (Californie) et Livingston (Louisianne), les ondes gravitationnelles n’ayant pas atteint simultanément les deux détecteurs. Connaissant le temps de trajet de la lumière entre les deux sites, soit 10.012 ms, les physiciens ont pu contraindre la vitesse de la gravité, notée « cgw » dans l’intervalle : 0.55c < cgw < 1.42c. En d’autres termes, la vitesse de la gravité est comprise entre 55% de la vitesse de la lumière et 142% de la vitesse de la lumière.

signaux gravitationnels fusion trous noirs ligo
Ces graphes montrent les signaux gravitationnels issus de la fusion de deux trous noirs détectés par les détecteurs de LIGO situés à Hanford et Livingston. L’on peut voir les données brutes (en gras) reçues par les détecteurs, superposées aux prédictions issues de la relativité générale (en plus fin). Crédits : Caltech/MIT/LIGO Lab

Malgré quelques perturbations (dispersion) des signaux, attribuées à leurs parcours sur plusieurs millions d’années-lumière à travers l’univers, celles-ci sont considérées comme assez négligeables pour ne pas impacter la fiabilité des mesures. Avec ces valeurs, les physiciens posent ainsi l’un des premiers intervalles les plus précis jamais déterminés.

Mais les physiciens ont réussi à aller encore plus loin. Dans un article publié le 16 octobre 2017 dans le journal The Astrophysical Journal Letters (3) par les collaborations LIGO et Virgo, les chercheurs ont déterminé un intervalle encore plus précis pour la vitesse de la gravité en étudiant les données récentes issues de la fusion d’étoiles à neutrons GW170817 et GRB 170817A.

Cette extrême précision a été obtenue grâce à l’émission simultanée, lors de la fusion des étoiles à neutrons, d’ondes gravitationnelles (LIGO, Virgo) et d’un rayonnement électromagnétique sous forme de sursaut gamma (Fermi GRB Monitor). En effet, cette émission simultanée a permis aux physiciens de comparer directement la vitesse de la gravité à celle de la lumière grâce à un seul détecteur (contrairement à deux détecteurs lors de l’émission d’ondes gravitationnelles uniquement).

En combinant les données relatives aux deux types de signaux, les physiciens ont déterminé l’intervalle : -3×10-15c < cgw < +7×10-16c. Ces valeurs précises ont pu être obtenues en analysant le délai de +1.74±0.05 secondes entre la détection des ondes gravitationnelles et celle du sursaut gamma. Ce délai ne signifie pour autant pas que la vitesse de la gravité et la vitesse de la lumière sont différentes. En sachant que ces signaux ont traversé une distance supérieure à une centaine de millions d’années-lumière (26 Mpc précisément), un délai de quelques secondes apparaît tout à fait négligeable et non significatif.

Dans tous les cas, et malgré des valeurs déjà précises, les physiciens ont pour projet de restreindre toujours plus ces intervalles de confiance. Cornish et son équipe précisent ainsi qu’en augmentant le nombre de détecteurs à 4, la précision des limites provenant des données issues de la détection unique d’ondes gravitationnelles pourrait atteindre 99%. Tandis que les collaborations LIGO et Virgo affirment qu’en améliorant la sensibilité des détecteurs lors d’émissions simultanées, il serait possible de faire disparaître tout délai parasite.

La mise à mal des théories à gravité modifiée

Si la relativité générale prévoit une vitesse de la gravité identique à la vitesse de la lumière dans le vide, il n’en est pas de même pour un certain nombre de théories à gravité modifiée. Ces dernières années, diverses théories visant à modifier ou remplacer la relativité générale ont émergé. Une grande majorité de celles-ci postulent une vitesse de la gravité différente de la vitesse de la lumière (4). C’est notamment le cas des théories tenseur-scalaire (5) telles que la théorie Brans-Dicke ou encore la version relativiste de la théorie MOND.

illustration theories gravite modifiee
Illustration montrant l’ensemble des théories à gravité modifiée actuelles. Crédits : Philip Bull & al.

Certains modèles théoriques proposent en effet des vitesses faiblement ou fortement différentes selon les hypothèses. Ainsi, il existe des scénarios prédisant un délai de détection supérieur à 10 secondes entre les deux signaux (6), ce délai pouvant être supérieur à 100 secondes voire plusieurs centaines d’années dans les modèles dits « exotiques ». En outre, ces théories proposent souvent des solutions alternatives à l’énergie sombre.

Cependant, les contraintes récemment posées par les différents chercheurs sur la vitesse de la gravité tendent inexorablement à écarter ces théories à gravité modifiée. En effet, les postulats de ces modèles sont incompatibles avec la précision des intervalles déterminés par les physiciens à partir de données concrètes provenant d’observations directes.

Cela ne signifie pas pour autant que tout modèle de gravité modifié doit être écarté. Comme le rappelle Cornish « un certain nombre de ces théories a été écarté, restreignant dans le même temps la façon dont la relativité générale peut être modifiée, et faisant de l’énergie sombre une explication plus plausible pour l’accélération de l’expansion ».

Sources :  Physical Review Letters (1), Arxiv.org (24, 5), The Astrophysical Journal Letters (36)

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