Vouer un culte à une célébrité serait associé à des compétences cognitives inférieures

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Depuis quelques années, certains psychologues explorent la relation entre le culte voué à des personnes célèbres et les compétences cognitives des fans. Certaines études ont déjà suggéré qu’un niveau de culte élevé était associé à une légère diminution des capacités cognitives, mais d’autres travaux de recherche n’ont en revanche décelé aucune association significative. Des chercheurs se sont à nouveau penchés sur le sujet : leurs résultats suggèrent qu’il existe une association directe, mais faible, entre le culte des célébrités et de moins bonnes performances aux tests cognitifs.

Il y a environ 20 ans, une étude suggérait pour la première fois que les personnes qui vouaient un culte à leur star préférée affichaient des scores plus faibles aux tests de compétences cognitives. Cette étude, dirigée par Lynn McCutcheon, avait été menée sur une centaine de personnes. À la même époque, d’autres chercheurs avançaient que le culte des célébrités pouvait interférer avec le traitement de l’information des individus, qui ont tendance à se laisser complètement absorber par les détails personnels de la célébrité adulée. Une personne qui admire une star de façon excessive aurait des difficultés à se concentrer sur autre chose que son sujet favori.

Des recherches plus récentes ont par ailleurs mis en évidence le fait que le culte des célébrités était généralement associé à diverses formes de dépendance (réseaux sociaux, achat compulsif, etc.) — des comportements qui sont connus pour avoir des effets négatifs sur les performances scolaires et professionnelles et plus généralement, sur le fonctionnement cognitif. Pourtant, certaines autres études sur le sujet n’ont fourni que des résultats mitigés. Lynn McCutcheon et ses collègues ont donc mené de nouvelles analyses, sur un échantillon de participants plus conséquent, en tenant compte de certains facteurs socio-économiques. Leurs résultats ont été récemment publiés dans la revue BMC Psychology.

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Différents niveaux d’admiration

Pour mener à bien cette nouvelle étude, l’équipe a tenu compte de plusieurs variables externes supplémentaires — qui manquaient selon eux dans les recherches précédentes — telles que la richesse matérielle subjective, le revenu familial, le niveau d’éducation ou encore l’estime de soi. Les analyses ont été réalisées auprès d’un groupe de 1763 adultes hongrois (âge moyen : 37 ans) — ce qui a permis de tester l’hypothèse dans un contexte culturel différent des études ultérieures (menées essentiellement aux États-Unis et au Royaume-Uni).

Les participants ont été soumis à des tests d’intelligence conçus pour mesurer les capacités en vocabulaire et en manipulation de symboles numériques. Ils ont également été invités à renseigner l’échelle d’estime de soi de Rosenberg et l’échelle d’attitude des célébrités — un outil spécifiquement développé en 2002 par McCutcheon et son équipe, pour évaluer la dévotion excessive envers les célébrités. Cette échelle comporte trois niveaux de culte, du normatif au plus pathologique : Entertainment-Social, Intense-Personnel et Borderline-Pathological, chacun comportant plusieurs items décrivant « la relation » entretenue avec la célébrité, du simple divertissement (« Mes amis et moi aimons discuter de ce que ma célébrité préférée a fait »), au fait que l’on considère la personne comme son âme sœur (« Si j’avais la chance de rencontrer ma célébrité préférée et qu’il/elle me demandait de faire quelque chose d’illégal, je le ferais probablement »).

Pour établir un lien entre l’admiration excessive et les compétences cognitives, l’équipe de McCutcheon s’est basée sur la théorie de l’intelligence à deux facteurs développée par Raymond B. Cattell. Cette théorie repose sur deux formes d’intelligence : l’intelligence fluide — soit la capacité de raisonner, d’analyser et de résoudre des problèmes en utilisant peu de connaissances précédemment acquises — et l’intelligence cristallisée, qui elle, est la capacité à utiliser des compétences et des connaissances acquises dans le passé. L’intelligence fluide a été testée au moyen de tests de symboles numériques, tandis que l’intelligence cristallisée a été évaluée par tests de vocabulaire.

Une association négative, mais qui reste faible

Les résultats de l’expérience confirment que les performances réalisées aux différents tests cognitifs (vocabulaire, symboles numériques et une combinaison des deux) diminuent avec l’augmentation des niveaux de culte des célébrités et ce, même après contrôle des différentes variables démographiques et socio-économiques. « Une implication plus profonde avec une célébrité peut être directement associée à de moins bonnes performances dans les tâches nécessitant de l’attention et de la concentration, ce qui peut s’expliquer par l’effort cognitif fourni pour maintenir l’absorption et le lien émotionnel unilatéral avec une célébrité admirée », écrivent les chercheurs.

Néanmoins, l’équipe souligne que cette association, bien qu’avérée, est faible. Autrement dit, le culte excessif ne semble pas jouer un rôle majeur en cas de déficit d’attention ou de faibles capacités cognitives. En effet, les chercheurs ont étudié plus avant la contribution de cette admiration aux scores inférieurs obtenus aux tests cognitifs : leurs résultats indiquent que le prédicteur le plus fort d’une performance cognitive inférieure au test de vocabulaire était — sans trop de surprise — un niveau d’éducation inférieur, suivi d’un revenu familial actuel inférieur, puis seulement en troisième position d’un niveau de culte de célébrités plus élevé.

De même, les prédicteurs les plus forts d’une performance inférieure au test de symboles numériques étaient 1) un niveau d’éducation inférieur, 2) un âge plus avancé et 3) un niveau de culte des célébrités plus élevé. « L’admiration envers une personne célèbre n’est pas un prédicteur puissant d’une altération du fonctionnement cognitif », conclut l’équipe.

L’association entre le culte d’une célébrité et les compétences cognitives inférieures est avérée, mais des recherches supplémentaires seront nécessaires pour explorer la directionnalité de cette association, expliquent les chercheurs. En effet, il est possible que l’effort cognitif consacré à la personne admirée interfère avec d’autres tâches nécessitant de l’attention et de la concentration ; mais il est également possible que les individus, qui de base ont des capacités cognitives plus élevées, soient moins susceptibles d’exprimer des niveaux d’adoration excessifs, car ils peuvent reconnaître et comprendre les stratégies marketing mises en place autour d’une personne célèbre, les empêchant de développer un lien émotionnel fort avec elle.

Source : BMC Psychology, L. McCutcheon et al.

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